Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! Le Fléau Social, juin 1972

vlcsnap-2013-06-21-19h47m58s255Édito du numéro 1 du Fléau social, journal du groupe 5 du FHAR. « Si on s’appelle Le Fléau Social c’est cause de l’amendement Mirguet de 1962 qui nous assimile à l’alcoolisme et à la tuberculose. Ouai ! »     fléau-social-01

Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! Depuis le temps qu’on en parlait, depuis le temps qu’on nous le demandait, eh bien c’est fait, le F.H.A.R. (ou ce qu’il en reste) a un journal. Comme tout le monde, on a notre joujou, notre gadget, le réceptacle et le média de toutes nos bonnes pensées du soir. Cette feuille de chou que vous avez entre les mains est un journal du F.H.A.R., ça ne signifie nullement qu’il soit le journal du F.H.A.R., il a été conçu par un groupe, minoritaire comme tout groupe, issu du F.H.A.R., membre de l’I.H.R., et qui, en ayant archi-marre de la pagaille et du bordel sciemment entretenu, a décidé de se donner à lui-même un instrument de travail et de diffusion de ce travail. Ce canard, on l’a voulu clair, simple et facile à lire. On aurait pu comme c’est à la mode le faire avec plein de couleurs et puis un air un peu bricolé de traviole, ça aurait été très dans le vent, très « in », mais les modes, on s’en branle. Certains diront qu’il est chiant, eh bien il est l’image de la vie qu’on mène, moderne et glacée. Notre chaleur humaine et notre joie de vivre, c’est pas dans du papier journal qu’on l’enveloppe. En exergue, il faudrait noter cette phrase : C’est que toute pensée dès qu’on la fixe devient débile et est forcément dépassée. Sur cette bonne parole (c’est sûrement encore un masque), il faudrait préciser pour que la récupération soit tout à fait claire notre conception d’un front homosexuel d’action révolutionnaire et pour la raison énoncée plus haut c’est pas facile. Pour commencer, on est censé être un mouvement politique volontairement inorganisé (pas de centralisme), un front c’est-à-dire un large éventail de filles et de garçons de tous âges que rassemble une lutte spécifique : la lutte sur le front sexuel et non pas seulement homosexuel et encore, cette approche est-elle une manière d’aborder le sujet plus vaste qu’est la révolution communiste globale.

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On s’explique, l’oppression dont sont victimes celles et ceux qui ne baisent pas comme le voudrait l’évangile n’est que l’épigone le plus voyant d’une répression beaucoup plus subtile dont sont victimes sur le plan sexuel tous les individus. En effet, le sexe est ce qu’il y a de plus fort et de plus vivant dans l’homme, c’est sa force vive et toute cette formidable énergie est entièrement canalisée au profit de la société : au profit de la reproduction, au profit de la famille (structure aliénante et réduite de la société) et au profit de la production-consommation. Eu schématisant, on peut dire que les structures économiques de la société capitaliste bourgeoise et judéo-chrétienne reposent sur des pulsions sexuelles déviées de leur objet, d’où la hantise qu’a toujours manifesté cette société dès qu’on aborde ce sujet, dès qu’on essaye d’analyser ces problèmes autrement que sur le plan strictement individuel et « médical ». Les rapports « spectaculaires-marchands » qui régissent cette société sont des rapports sexuels déviés et les rapports dits sexuels sont devenus des rapports spectaculaires-marchands (voir problème du désir). La société judéo-chrétienne n’est qu’une énorme supercherie et tous ses prétendus idéaux sont faussés à la base, d’où l’échec de toutes les tentatives révolutionnaires qui n’osent pas remettre en question les «valeurs traditionnelles » que sont : la sexualité dite « normale », la famille, la situation de la femme, l’Etat, le pouvoir, le travail, la production et les notions mêmes de société, de culture et de civilisation (piège à con). Heureusement, depuis 1968, et, n’en déplaise aux révolutionnaires professionnels, tout cela bouge et est remis en question, d’où la naissance et l’intérêt d’un mouvement comme le F.H.A.R. qui, à la limite, se situe comme une structure d’accueil pour tous ceux qui pensent que la révolution c’est d’abord dans leur tête et dans slip qu’elle doit se faire ou, plus exactement, que repenser les rapports économiques est inutile si on ne repense pas en même temps les rapports sociaux et les rapports sexuels, si on ne transforme pas radicalement en même temps les codes de référence (culture) de la société aliénée.

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QUELQUES PROPOSITIONS :

1″ L’homosexualité, ça n’existe pas (seulement dans la tête de ceux qui se croient hétéros ou que les prétendus hétéros ont réussi à persuader qu’ils étaient homos, ouf!).

2″ L’hétérosexualité n’existe pas davantage, la sexualité ne peut être que globale et ne souffre pas de partition ou de division, toute spécification est arbitraire et illusoire et les comportements fixés ne le sont que face aux archétypes que propose notre culture.

3″ Toute spécialisation est inventée et flattée par la classe dominante pour favoriser les uns au détriment des autres et vice versa afin de mieux s’imposer ; d’ailleurs, les transgressions quand elles n’entraînent pas une modification du statut social sont parfaitement tolérées.

4″ Homos et hétéros sont à titre égal les victimes du système, ils sont simplement utilisés, exploités et opprimés à des niveaux différents.

5″ Normal et naturel sont des mots à bannir, rien de ce qui touche à l’homme n’est naturel, en quittant le règne animal pour devenir social, le bipède humain a abandonné tout naturel, il s’est dégagé de la nature. Rien de ce qui est spécifiquement humain n’est naturel.

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AUTRES PROPOSITIONS :

6″ Repenser l’éducation des enfants dans un sens non autoritaire assurant leur libre développement (rien à voir avec les expériences-bidon, type méthode Frenet ou Summerhill).

7″ Destruction de la famille en tant que mini-société répressive et hiérarchisée.

8″ Destruction de tous les rôles.

9″ Destruction de toute « échelle de valeur», les valeurs sont une notion bourgeoise.

10″ La culture est une notion bourgeoise.

11″ Toute domination physique ou intellectuelle d’un individu sur un autre est une déviation de l’instinct sexuel non épanoui (domination des hommes sur les femmes, des adultes sur les enfants).

12″ Le but de la révolution n’est pas la prise du pouvoir par le « prolétariat », c’est la destruction de l’idée même de pouvoir et de prolétariat.

13″ Le concept de «lutte des classes » est à repenser complètement.

14″ La démocratie est une latrine.

15″ Autogestion généralisée de la vie.

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PROPOSITION SUBSIDIAIRE :

L’esprit fait plus de chemin que le cœur mais va moins loin. Le projet révolutionnaire global qui semblait utopique autrefois est aujourd’hui parfaitement réalisable dans les sociétés occidentales grâce à l’accumulation du capital, grâce aux « progrès» techniques réalisés.

Ces quelques propositions au hasard parmi tant d’autres ne constituent absolument pas une plate-forme politique, ce sont simplement des idées de discussion.

Si nous voulons faire la révolution, il faut nous en donner les moyens et pas seulement les moyens techniques mais aussi les moyens moraux, c’est-à-dire les motivations. Ça n’est pas sur des problèmes de salaire ou d’aménagement du travail qu’on mobilisera les masses pour autre chose qu’un aménagement du système.

Changer la vie, c’est bien joli, mais, comme disait Léon (Trotro) « pour changer la vie, faut d’abord la connaître », et pour l’instant nous n’en sommes qu’à la survie à l’intérieur d’un système injustifiable et dégradant.

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On le voit, il n’est pas pour nous question de nous cantonner sur le terrain d’une lutte pour la «révolution sexuelle» laquelle est totalement récupérée, le cul, ça se vend bien et les pédés, croyez-moi, il y a tout un marché (et les gouines donc !), la prospection ne fait que commencer, suffit de jeter un oeil sur les films qui sortent en ce moment sur le sujet, c’est encore timide mais la saloperie gagne, la gangrène s’étale. Bien sûr, avec l’étiquette d’homosexuel, qu’on assume volontairement la liaison avec les luttes ouvrières, ça va pas être du gâteau, le mythe du prolo à gros bras et grosse pine et de la femme reproductrice a les reins solides et pourtant c’est là qu’il va falloir frapper.

Libérer les bourgeois n’a aucun intérêt, bien que ce soit pourtant eux qui les premiers viennent au F.H.A.R., qui prennent les attitudes les plus radicales en apparence, tentant de monopoliser le mouvement et nous offrant en spectacle le psychodrame de leurs contradictions intimes et de leur paranoïa dont on a vraiment rien à foutre. La lutte des classes, c’est d’abord à l’intérieur du mouvement qu’on doit la mener contre ceux qui imposent la violence et le terrorisme de l’intellect ou qui confondent maquillage et révolution, Mme Arthur et Rosa Luxemburg. Tout ça, c’est très rapide, c’est des idées jetées comme ça, c’est à vous et à nous de les développer et de les mettre dès maintenant en pratique. La révolution, ça n’attend .pas, elle est déjà commencée. « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi… »

 

GROUPE 5 du FHAR.

in Le Fléau Social n°1 – juin 1972

 

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photos tirées du film Le Sexe des anges de Lionel Soukaz (1977)
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