[actu] France : DSK et le procès pour sodomie, Ovidie

4210368-le-cochon-souriantRéaction d’Ovidie au procès de DSK dans l’affaire du Carlton et à son traitement médiatique : un procès qui devient celui de la sodomie et de la prostitution quand il est pourtant question de viol et de mépris de classe.

 

 

DSK

C’est un bien curieux procès qui se déroule actuellement à Lille. Un procès où certains termes ne sont pas prononcés. « Boucherie », « parties fines », « bestialité »… Il m’a fallu un moment avant de comprendre de quoi DSK était précisément accusé dans cette affaire. « Proxénétisme aggravé ». C’est étrange, à la lecture des divers témoignages, je n’aurais pas dit ça. J’aurais dit pire, à vrai dire. Mais bon, je ne suis pas magistrat, alors je me contente d’observer de loin son traitement dans les médias, perplexe.

Non, vraiment, j’ai du mal à comprendre les termes de ce procès. Franchement, qu’un homme politique ait eu recours à des escorts, soyons sérieux, ce ne serait certainement pas la première fois. En revanche, la particularité du personnage qui semble se dessiner, si on rassemble les témoignages antérieurs de Tristane Banon, Nafissatou Diallo, et des prostituées actuellement à la barre, c’est cette propension à la violence. Si le témoignage de la prostituée est vrai (je dis bien « si », car jusqu’à nouvel ordre il n’a pas été jugé coupable), pourquoi ne parle-t-on pas clairement de viol ? Dans la presse, on évoque une « boucherie », et autre périphrases. Mais quand l’une des prostituées raconte que David Roquet lui a tenu les mains pendant que DSK la sodomisait contre son gré, pourquoi personne n’emploie le mot « viol » ? Vous me rétorquerez que les prostituées n’ont pas porté plainte, et que par conséquent cette accusation n’a pas été retenue. Mais franchement, si elles avaient porté plainte, les aurait-on crues ? Qu’auraient-elles gagné, excepté des intimidations et une belle campagne de dénigrement ? Quand on voit à quel point Nafissatou Diallo a été traînée dans la boue, on peut comprendre leurs réticences. Sophie de Menthon, dans les « Grandes Gueules » sur RMC suggérait même au sujet de cette dernière que « c’est ce qui lui serait arrivé de mieux« , qu’elle « n’a rien pour elle, elle ne sait pas lire pas écrire, elle est moche comme un cul« . Si on a été capable de dire cela d’une femme de chambre, imaginez ce qu’on dirait d’une pute. Nous voilà donc spectateurs d’un procès où la presse relate le témoignage d’une prostituée parlant d’un acte sexuel contre son consentement pour lequel je me demande pourquoi personne ne parle pas de « viol ». Finalement, ce n’est pas le coeur du problème, il n’est question que de « proxénétisme ». Ah.

Le tabou de la sodomie

Il y a également ce terme de « sodomie », employé par l’avocate de DSK Frédérique Beaulieu si embarrassant, et que bon nombre de journalistes hésitent à écrire et à prononcer. Et d’ailleurs, même la témoin connue sous le nom de « Jade » évite d’employer ce terme avec précision. Il est question « d’empalement qui déchire» .  S’il est si difficile pour les prostituées de parler de sodomie à la barre, c’est parce que la médiatisation de ce procès amplifie la honte qu’elles peuvent ressentir. Dire « DSK m’a sodomisée », même de force, c’est toujours dire publiquement que l’on a été « enculée », avec tout ce que cela draine comme jugement. Rappelons qu’il s’agit encore d’une insulte dans la langue française, et que dans certains pays des personnes sont condamnées à mort pour cela.

La pratique de la sodomie décrite en filigrane à plusieurs reprises semble être la grande star de ce procès, le clou du spectacle. C’est elle qui est brandie comme preuve que DSK savait pertinemment que ces femmes étaient rémunérées. Un curieux raccourci qui laisse à penser que si une femme accepte de se laisser sodomiser, c’est qu’elle est rémunérée. Et même, plus tordu encore, que si elle est rémunérée, alors on peut la sodomiser à merci. Or, dans un rapport sexuel, rémunéré ou non, si on décide en cours de route de dire « non », et bien c’est « non ». DSK rappelle qu’il n’y a pas de « pratique sexuelle dévoyée », et le pire c’est qu’il a raison. Il affirme qu’il a « le même rapport avec les autres femmes, tout aussi rude, mais ça n’a pas de lien avec la prostitution« , et c’est peut-être bien vrai. Mais encore une fois, ne sommes-nous pas en train de nous tromper d’accusation ? Pour une spectatrice comme moi, qui lit ce que les médias rapportent, si les accusations des prostituées sont vraies, il me semble tout de même que ce procès ne devrait pas être celui de la prostitution ni de la sodomie, mais celui de ce qui est décrit comme pouvant s’apparenter à un viol. ans Il s’agirait d’un autre procès.

Mépris de classe

Je serai claire, s’il y a encore des personnes qui minimisent ce dont on accuse DSK, c’est parce que ces femmes n’étaient pas du même rang social. Si on apprenait par exemple qu’une personne du même milieu que lui avait été un jour neutralisée sur un lit pendant que celui-ci la sodomisait de force, croyez-moi que les réactions auraient été différentes. Alors qu’une domestique, des putes, ma foi, pas de quoi fouetter un chat. On se rappelle à titre d’exemple du très élégant « troussage de domestique » de Jean-François Kahn. Toutes ces histoires révèlent avant tout le problème de l’impunité, du pouvoir de l’argent, et de la domination d’une classe sociale sur une autre.

Un bien curieux procès en vérité, qui se déroule alors que le Sénat vient d’annoncer qu’il examinera de nouveau la proposition de loi pénalisant les clients de prostitué(e)s les 30 et 31 mars alors qu’on la croyait jetée aux oubliettes.

Par Ovidie, février 2015.

Un site d’argumentaires contre la pénalisation des clients.

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