Nous resterons une honte pour la Nation – Eurocrade, Marseille 2013

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A en entendre certain.e.s -de G. Bush à Ni putes Ni soumises en passant par Caroline Fourest !- notre monde serait aujourd’hui (comme à l’époque des Croisades) divisé en 2 camps : d’un côté le monde civilisé, démocratique, libéral, tolérant, antisexiste, respectant les « minorités sexuelles », plutôt blanc et judéo-chrétien, de l’autre c’est la barbarie, l’autoritarisme, l’intégrisme, l’homophobie, le sexisme, plutôt racisé et musulman. Cette vision est issue en partie de l’idéologie du « choc des civilisations », alimentée par la « guerre au terrorisme » post 11 septembre 2001 et se nourrissant de traditions coloniales et d’une réalité post-coloniale. En découle une islamophobie relayée par les médias des pays dits occidentaux (ex: l’industrie hollywoodienne, la série 24h Chrono, le film Zero dark thirty, ou encore le magazine Elle ou Cosette…) et accompagnée d’un renouveau de nationalisme. C’est ainsi que des groupes LGBT américains, européens, israéliens etc. (plus précisément les groupes où les gays et lesbiennes blanc.he.s et friqué.e.s imposent leur parole et écrasent celle des personnes racisées, précaires, des trans etc.) tolèrent ou soutiennent les politiques de leurs gouvernants. Ces derniers utilisent les luttes féministes et LGBT pour justifier leurs guerres capitalistes et leurs politiques impérialistes (en témoigne la campagne contre l’homophobie menée par les Etats-Unis dans des pays d’Afrique et du Moyen-Orient).

En parallèle, se développe tourisme et commerce gay et lesbien avec une courses aux destinations les plus gay-friendly. En France, Montpellier, ville étudiante fortement cloisonnée où les quartiers pauvres sont en périphérie, remporte la palme en célébrant le premier mariage d’un couple gay (intimes de la porte-parole du gouvernement) qui iront passer leur voyage de noces à Tel Aviv. Le fait qu’Israël, par exemple, soit vu comme le paradis des LGBT (grâce aux relais médiatiques européens entre autres) est censé rendre la destination plus attractive et faire de ce pays un modèle de modernité et de tolérance, en tentant de faire oublier qu’il est un État d’apartheid, fondé sur la colonisation et la guerre.

Le développement de mouvements gays ouvertement capitalistes et ethnocentrés, ainsi que la normalisation de la frange la plus aisée/blanche des LGBT, par le biais de l’accès privilégié qu’illes ont à la consommation, renforcent l’essor des mouvements homonationalistes.

On peut se rappeler de Pim Fortuyn, gay nationaliste néerlandais (amateur de jeunes marocains selon ses propres dires), élu député en 2001, et la présence d’un certain nombre de gays, plus ou moins avoués, chez les cadres du FN, ainsi qu’à l’UMP. Il existe d’ailleurs au moins une page Facebook de LGBT qui soutiennent Marine Le Pen : rien d’étonnant puisqu’elle surfe sur la laïcité et la défense des acquis des femmes et homosexuels face à l’Islam, passant sous silence les positions de son propre parti sur ces questions (et notamment d’un certain Jean- Marie qui parlait il y a quelques années de mettre les « sidaïques » dans des « sidatorium »). Ceci dans un contexte général où, par ailleurs, les prières de rue musulmanes sont unanimement condamnées, alors que les manifestations des anti-IVG catholiques sont protégés par les flics et ne font jamais la une des journaux.

Les groupes LGBT (Gaylib à droite, Homosexualités Et Socialisme à gôche) émergeant également au sein des partis au pouvoir, se bornent à la défense des « droits des LGBT », tout en soutenant les positions racistes et/ou islamophobes de leurs partis (ex: traque des Rroms et des migrant.e.s sans-papiers). Il est d’ailleurs fort probable qu’illes ne descendront plus dans la rue pour défendre le « Mariage pour Tous », alors que 11 nationalités (Maroc, Algérie, Tunisie, Pologne, Slovénie, Kosovo, Cambodge, Laos, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro) restent exclues du cadre de la loi suite à une circulaire signée par Taubira1

En parallèle, les positions anti-voile de certaines féministes et LGBT relèvent aussi bien du racisme et de l’islamophobie déguisés sous le masque républicain de la laïcité. Les slogans “Mon corps m’appartient!” et “Ne me libère pas, je m’en charge!”, sont aujourd’hui vidés de leur sens par différents courants du féminisme, sans que ces derniers y voient une aberrante contradiction. Leurs arguments sont repris par les politiques de droite comme de gauche au nom de la libération des femmes, prétexte à des prises de position et à des lois racistes. L’instrumentalisation du voile (intégral ou pas) pour mettre au ban, empêcher certaines d’aller à l’école, d’exercer leur profession (dans les secteurs privé ou public), d’entraver leur circulation dans l’espace, ne camoufle-t-il pas un rappel à l’ordre et une mise à l’amende de toute une communauté (ex: loi de 20042, l’affaire Babyloup3) ? Ne s’agit-il pas également pour cette frange du féminisme, ou pour ceux qui l’instrumentalisent, d’un réflexe ethno- centré et arrogant, se traduisant par “Je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi” et “Viens dans LA modernité, la mienne, la seule, l’unique ou alors casse toi” ? On sent bien là des relents de paternalisme à la sauce coloniale, et en prétendant sauver les femmes musulmanes (qui n’ont rien demandé), on stigmatise tou.te.s les musulman.e.s (ou les personnes vues comme telles), emboîtant le pas aux fachos et aux politicards. Alors que les agressions d’homosexuels et l’assassinat de Clément Méric par des militants d’extrême-droite soulèvent une indignation nationale et médiatique et des réactions légitimes de colère, le silence, notamment des féministes, face aux agressions d’Argenteuil4 a démontré à quel point la parole de femmes musulmanes voilées est ignorée ou considérée comme suspecte (ex: la sinistre chronique de France Culture « Le monde selon Caroline Fourest » du 25 juin 2013).

Par ailleurs, l’inter-LGBT d’Ile-de-France (organisation regroupant différents collectifs LGBT), en 2011, refusait l’adhésion de l’association Homosexuels Musulmans de France5 et proposait pour la GayPride une affiche (sur fond bleu), représentant un coq gaulois (blanc) portant un boa (de plumes rouges!) : difficile de trouver une meilleure image de l’homonationalisme ! L’affiche a finalement été retirée sous la pression des LOCS (Lesbiennes of Colors) entre autres. Cette année, l’€uropride organise une « conférence » sur le thème « LGBT et religion » qui se résume à une table ronde intitulée « Homo et chrétien, c’est possible » dans une ville où la moitié de la population est de culture musulmane.

Il ne s’agit pas pour nous de défendre des préceptes religieux mais de pointer des discriminations de fait, qui, drapées de républicanisme laïcard ou de féminisme, ne sont que des orientations racistes et xénophobes.

Nous défendons la liberté de chacun.e à disposer de son corps ainsi que de la façon dont chacun.e désire le mettre en scène dans l’espace, sans avoir à subir ni réflexion, ni restriction de circulation, ni répression !

Plus généralement, quand on n’est pas blanc.h.e, on est sous-représentés dans la prise de parole au sein des cercles LGBT. L’imagerie, de l’€uropride notamment, mais aussi de l’ensemble des représentations gaies dans les médias dominants, est construite autour de corps masculins blancs, lisses, musclés… Quand toutefois les personnes racisées sont représentées, comme dans l’industrie du porno gay, il s’agit de les exotiser et de les mettre en scène dans les clichés qui leurs sont associés : lascars, prisonniers, mâles bien montés en tenues coutumières folklorisées… On se trouve en permanence confronté à un rejet ou à la fascination exotique des spécificités physiques ou culturelles des personnes racisées. Être utilisé comme objet sexuel dans une société frustrée n’est en aucun cas une forme de reconnaissance.

Lorsque les médias dominants, les universitaires, les politiciens et la plupart des assos lgteubés parlent de la question des gays et lesbiennes dans les banlieues (celles que l’on appelle « zones urbaines sensibles »), ce n’est que pour les victimiser, généraliser des situations concrètes, invisibiliser et dévaloriser les stratégies des personnes concerné.e.s. En témoignent les propos du co-fondateur de Ni putes ni soumises6: ” La différence entre l’homophobie des campagnes et celle des cités, c’est le degré de violence directe. Les jeunes de cités sont menacés physiquement par des bandes de caïds ou leur entourage le plus immédiat (…); à deux ou trois stations de RER, en république française, être homo est un crime passible des pires châtiments”. C’est à la fois faire passer le climat homophobe et hétéronormé présent dans l’ensemble de la société pour une particularité des quartiers populaires, et stigmatiser au passage l’ensemble de la population des cités. En parallèle, l’Etat ne cesse de renforcer la présence policière, déjà musclée, dans les quartiers dits « sensibles » -comprenez quartiers pauvres- où logent en grande partie des populations qui subissent des contrôles au faciès.

Dans ce contexte global, en tant que « mauvaise élève », pas assez française, pas assez laïque -comprenez trop musulmane- Marseille va se faire redresser : la République s’est donné pour mission la reconquête de la ville, tant au niveau sécuritaire qu’économique. Euromed 1 et 2 (projets de restructuration urbaine), Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, et l’€uropride en sont des outils autant que les flics. Les politiques et entrepreneurs/investisseurs, aussi rétrogrades soient-ils, ont tout intérêt à y attirer des personnes ayant des revenus sensiblement supérieurs à ceux des habitants actuels, quitte à jouer la carte de l’ouverture et de la « tolérance » vis-à-vis des personnes LGBT.

Et certains groupes LGBT s’accomodent fort bien, voire soutiennent ouvertement ces politiques racistes et islamophobes. Ce soutien permet aux partis et gouvernements en question de conserver une image acceptable, du fait de leurs positions « progressistes » concernant les « minorités sexuelles ». C’est ce qu’on appelle le Pinkwashing, processus de récupération et d’instrumentalisation des luttes féministes et LGBT à des fins commerciales et/ou politiques.

Dans la droite ligne de ces politiques, l’€uropride se vante de son service d’ordre. Est-ce la peur des fachos et des catholiques intégristes ou s’agit-il plutôt de rassurer ses clients, les homos à fort pouvoir d’achat qu’il faut protéger des autochtones pauvres et non-blancs (donc a priori homophobes et voleurs). Ainsi, l’orga a mis en place un système de bracelets électroniques afin de sécuriser les paiements dans les lieux de consommation de la Pride, et une application pour smartphones ! A qui s’adresse l’évènement et comment des outils sécuritaires (les puces électroniques entre autres) peuvent être utilisés lors d’évènements soit disant militants? On nous fera bientôt croire que les caméras de vidéosurveillance sont là pour éviter les agressions homophobes ! D’ailleurs, le FLAG ! (asso des policiers et gendarmes LGBT ) qui aura un stand au village de l’€uropride nous montre qu’il n’y aurait pas d’incohérence à être LGB(Trans ?) et à participer à toutes les opérations de répression de l’état raciste : expulsions, reconduites à la frontière, traque des pauvres, des sans-papièr.e.s, des prostitué.e.s . C’était quoi les premières Prides déjà? Ah oui! C’est vrai, la commémoration des émeutes de Stonewall à New York en 1969, riposte aux violences policières sur les trav’, les trans et les homos! Alors, fier.e.s de quoi dans tout ça? De se faire géolocaliser, pucer, ou de claquer la bise à un flic, tout LGBT soit-ille?

NOUS, des trans, pédés, gouines, bi.e.s, queers, asexuel.les, et tordu.e.s en tous genres (majoritairement blanc.he.s, cisgenres et valides), refusons que les luttes de libération soient utilisées, détournées, dissoutes dans des discours racistes, coloniaux et sécuritaire et qu’elles servent d’argument pour exclure, stigmatiser, expulser. Les barbares sont ceux qui exploitent la misère, ceux qui donnent des leçons de démocratie à coups de canons, et ceux qui sont capables de « tolérer » n’importe quoi, de collaborer pourvu que leur capital ou leurs petites fesses s’en sortent.

Nos luttes sont globales! Notre force se nourrit de nos solidarités, de la construction collective de nos outils de défense et de nos ripostes! Nous ne voulons pas de frontières, nous ne voulons pas de drapeaux, nous sommes fier.e.s d’être une honte pour la Nation !

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Des féministes, trans, pédés, gouines, bi.e.s, queers, assexuel.le.s et tordu.e.s en tous genres (majoritairement blanc.he.s, cisgenres et valides).

1- Cette circulaire informe les maires qu’ils ne peuvent marier un ressortissant français et un ressortissant de l’un des 11 pays cités, en raison d’accords bilatéraux indiquant que la loi relative au mariage qui s’applique est celle du pays d’origine.
2- La loi du 15 mars 2004 interdit le port de tenues et de signes religieux « ostensibles » à l’école. Elle s’applique depuis la rentrée scolaire 2004/2005 et interdit de porter le voile, plus ou moins couvrant (hidjab, tchador, khimâr), la kippa, les grandes croix chrétiennes (catholique, orthodoxe), le dastaar, turban avec lequel les Sikhs cachent leurs cheveux, le bandana s’il est revendiqué comme signe religieux et couvre la tête. Qui est concerné ? Les élèves des établissements scolaires publics, même majeurs, tout le personnel scolaire, enseignants compris, et les parents accompagnant les sorties scolaires. Cette interdiction s’applique dans les écoles, collèges et lycées publics (classes préparatoires et BTS compris), et tous les lieux extérieurs accueillant des activités scolaires (gymnases…). Les universités ne sont pas concernées. Les risques encourus : une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à l’exclusion si l’élève persiste dans son refus d’enlever le signe religieux après un dialogue prolongé avec le chef d’établissement.
3- Il s’agit du licenciement d’une salariée de crèche (Yvelines) pour refus d’enlever son voile. La cour de cassation a déclaré le licenciement illégal mais des Caroline Fourest, Elisabeth Badinter et autre Finkielkraut ainsi que la présidente de Ni Putes Ni Soumises (parmi tant d’autres) ont signé une pétition demandant une modification de la loi sur la laïcité afin d’interdire le voile dans toutes les structures privées ou publiques accueillant des enfants. La directrice de Babyloup a reçu lla médaille du Mérite des mains de Manuel Valls. La loi est en préparation.
4- Les 20 mai et 13 juin, deux agressions de femmes portant le voile ont eu lieu à Argenteuil: leur voile leur a été arraché, elles ont été rouées de coup (l’une d’elle, enceinte, a fait une fausse-couche) et ont reçu des insultes racistes et islamophobes.
5- Présents sur le programme de l’IDEM durant l’Europride
6- F. Chaumont , Homo-ghetto : Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République.

>>> Trouvé sur marseilleonsencule.noblogs.org

 

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