En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses. Témoignage, 2002.

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Témoignage recueilli par Act Up, 2002

J’ai vingt-deux ans, je suis homosexuel, je vis avec mon compagnon depuis juillet 1999. Il a trente-trois ans, il est séropositif et a été incarcéré en mars 2001. Nous avons alors été arrêtés ensemble et écroués dans la même maison d’arrêt. J’ai été libéré en mai. Lui est toujours en prison. Ce témoignage le concerne.

Trois mois après son incarcération, en mai, mon ami devient auxiliaire à la maison d’arrêt, son travail consiste à servir la « gamelle » aux autres détenus. En novembre, en compagnie de son codétenu, il surprend un surveillant en train de déchirer une lettre et de voler les timbres contenus dans l’enveloppe. Après vérification des morceaux de papiers, il s’agit du courrier d’un détenu. Mon compagnon interpelle le surveillant pour lui signaler que ce n’est pas légal, l’autre rétorque « ta gueule, PD ! ». Il décide alors de s’adresser au chef de secteur. Après une enquête, il est décidé que le surveillant ne travaillera plus dans le même bâtiment.

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A la même époque, la situation de mon ami se complique. La division où il est affecté apprend qu’il est homosexuel. Et qu’il est séropo. Par crainte de contamination, les détenus réclament qu’il cesse de les servir. Quelques jours après cette plainte, on le transfère. L’Administration pénitentiaire déclare qu’il n’est pas « apte » à exercer ce travail. Il est envoyé dans un autre bâtiment. Deux heures après son arrivée, on le déplace à nouveau. Il atterrit finalement dans la division où le surveillant a été muté. Lorsqu’ils se rencontrent, celui-ci lui glisse : « Pour moi, t’es déjà mort. Tu vas vivre un véritable enfer ». Rapidement, le maton fait circuler la rumeur qu’il est PD, ce qui déclenche insultes et représailles physiques. Agressions, intimidations, pression constante, plus de balade, plus de douche, plus d’appétit, il est terrorisé. En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses.

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Mi-décembre 2001, nous obtenons enfin son transfert dans une autre maison d’arrêt. Quelques jours après son arrivée, un médecin lui délivre un certificat médical attestant que c’est un patient particulièrement fragile et sensible, qui doit être placé en isolement en raison de sa pathologie. Le chef de secteur refuse ce certificat médical. Aujourd’hui, mon ami est sous traitement. On lui fournit des médicaments sans qu’il ne connaisse les prescriptions. Depuis un mois et demi, il demande à accéder à son dossier médical. A ce jour nous n’avons toujours aucune réponse.

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Mais le pire s’est produit récemment et au moment où vous lisez ce témoignage, mon ami est dans un service psychiatrique, suite à une tentative de suicide. J’ai effectivement appris récemment qu’il a été violé par trois détenus sous les douches quelques jours avant son transfert. Comme d’habitude en prison, ses cris n’ont pas été entendus. Les trois détenus et les surveillants ont probablement tous supposé qu’un homosexuel apprécierait de se faire enculer violemment par des inconnus. En 11 ans, mon ami aura donc subi deux viols en milieu carcéral. Première incarcération : premier viol : transmission du VIH. Deuxième incarcération : second viol : tentative de suicide.

2002.

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