[actu] Egypte : les homosexuels visés par le régime Sissi

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2907dcb5-355d-4722-b0ee-d25d93540d82Depuis l’accession du Maréchal Al Sissi au pouvoir, une atmosphère pesante règne sur l’Égypte. La loi égyptienne sur les manifestations, adoptée en 2013 par le régime militaire, a probablement participé à faire renaitre un silence citoyen et un climat de peur inaudible.

Récemment, les autorités égyptiennes ont pris pour cible la communauté gay en multipliant les rafles et les arrestations de masse alors que la communauté mondiale demeure indifférente.

Au début des années 2000, l’affaire connue sous le nom de « Queen Boat » en référence à l’arrestation de cinquante deux hommes à bord d’une boîte de nuit qui était amarrée sur le Nil a fait grand bruit. Cette nuit là, ces hommes ont été arrêtés après avoir été battus et malmenés par la police. Exhibés comme des « pervers » et « présumés coupables », ils ont été lynchés par les médias qui ont divulgué leurs identités. Finalement, diverses charges ont été retenues contre eux et ils ont été condamnés à des peines différentes allant jusqu’à cinq ans de prison ferme.

A présent, alors que la traque des homosexuels est revenue sur le devant de la scène, les chiffres sont alarmants. Interrogé par le HuffPost Tunisie sur le nombre et les conséquences des arrestations de masse, Scott Long, militant international des droits humains et qui travaille couramment sur la question des droits LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres) en Egypte répond:

« Les arrestations sont approximativement estimées au nombre de 90. Presque tous les cas ont abouti à des condamnations et à des peines draconiennes avec différentes charges, toutes liées à la « débauche » et allant jusqu’à 12 ans de prison. »

Le dernier scandale en date a été l’arrestation de huit hommes suite à la diffusion sur internet d’une vidéo présentée comme celle d’un « premier mariage gay en Egypte ». La vidéo montre vaguement deux hommes. L’un d’eux offre une bague à l’autre alors qu’une dizaine d’individus présents semblent célébrer. Cette vidéo a fait le tour des médias arabes et occidentaux alors que les procès sujets à plusieurs vices de procédures ont manqué de médiatisation. A ce sujet, Scott Long indique:

« Dans certains cas, les juges ne tiennent manifestement pas compte des preuves. Par exemple, dans le cas de la vidéo du présumé mariage gay, les accusés ont été inculpés pour « circulation de pornographie » alors que la vidéo n’était aucunement pornographique et qu’il n’y avait aucune preuve que les défendeurs avaient quelque chose à faire avec sa diffusion. Les juges prêtent parfois un seul regard à la partie défenderesse puis décident selon les apparence – en particulier s’il s’agit d’une femme transsexuelle ou d’un homme « efféminé » – que c’est une personne immorale et tranchent ainsi selon leurs propres convictions. »

Dans ce cas spécifique, les huit hommes ont finit par être condamnés à trois ans de prison, assortis de trois ans supplémentaires de contrôle judiciaire.

Le constat établi par la société civil égyptienne dénonce un agenda politique qui se cache derrière les rafles de police de plus en plus fréquente dans les rues, aux points de contrôle de police ou dans des clubs.

D’un côté, cette croisade vise une réhabilitation du dispositif sécuritaire, méprisé par les foules après la révolution du 25 janvier mais aussi au contrôle et à la surveillance de la vie privée. D’un autre côté, plusieurs activistes ont certifié que cet intérêt soudain pour la communauté gay était tout simplement une instrumentalisation de ces minorités par le régime Al Sissi en vue de se construire une façade conservatrice. Contacté à ce sujet par le HuffPost Tunisie, Mo. R., activiste anonyme en faveur des droits sexuels et corporels et des libertés individuelles témoigne:

« Le régime tente d’apparaître comme le gardien de la morale en Egypte afin de ne pas permettre aux mouvements politiques à tendance islamiste de les attaquer. »

En effet, les récents événements ont été largement récupérés par le camp islamiste. Des déclarations de leaders du parti d’opposition déplore le déclin morale de la société égyptienne. L’ancienne député Azza El Garf parle même sur son compte Twitter d’une détérioration des valeurs islamiques en faveur d’un agenda venu de l’ouest.

 

Selon Mo. R., ce battage médiatique en Egypte vise uniquement des enjeux politiques:

« La police connaît bien tous les hommes gays ainsi que leurs adresses et s’ils voulaient vraiment les arrêter, ils auraient pu le faire depuis bien longtemps. Cette mascarade est tout simplement politique! Ils profitent de ces histoires pour créer un buzz afin de détourner l’opinion publique d’autres questions importantes. »

Le ras-le-bol de la société civile est évident et fait suite à la détérioration continue de la situation globale des droits humains qui sont intrinsèquement liés:

« La situation des droits de l’homme est la pire que j’ai vu depuis près de quinze années de travail en Egypte. La presse est muselée, les protestations sont sévèrement punies, l’emprise de la police est omniprésente. Des dizaines de milliers de personnes sont détenues sans procès alors que les inculpations sont de plus en plus injustes », déplore Scott Long.

Face à ce chaos collatéral, des groupes de pression s’organisent pour agrémenter la lutte digitale. Les réseaux sociaux ont été actifs notamment sur twitter avec le hashtag #StopJailingGays (Arrêtez d’emprisonner les gays) et sur Facebook avec la page « Solidarity with Egypt LGBT » (solidarité avec la communauté LGBT en Egypte). Cette campagne a engendré des manifestations devant les ambassades d’Egypte à travers le monde.

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L’application de rencontres gays « Grinder » a même prévenu ses usagers égyptiens suite aux rumeurs d’utilisation de cette outil par les forces de l’ordre afin de piéger des individus LGBT. Les créateurs ont plaidé en faveur de la vigilance et de l’anonymat.

A ce jour, il n’existe pas encore en Egypte un signe d’accalmie. L’optimisme n’est pas de rigueur puisque les cas de violence physique et d’abus sexuels sont recensés tous les jours dans les rues tout autant que dans les prisons. Selon Scott Long, la tranche la plus touchée est celle des transexuels qui sont sujets à la perversité des gardes et à la curiosité des détenus. Depuis, les demandes d’asile, et tout spécialement celles de minorités sexuels ont augmenté.

« Les LGBT égyptiens qui tentent de trouver refuge à l’étranger rencontrent souvent une toute nouvelle gamme d’abus et de discrimination. Je viens de recevoir aujourd’hui les nouvelles d’un demandeur d’asile égyptien au Royaume-Uni dont le cas a été rejeté sur la base d’un prétexte absurde qui cache en réalité des dessous racistes. Depuis, il a vécu dans la rue pendant un moment, et a tenté de se suicider. Pour de nombreuses personnes LGBT égyptiennes, il semble n’y avoir personne vers qui se tourner », a-t-il conclu.

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