Comme un chien, Ji Ro, 2012

 

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Octobre 1997. Je grille le train. Je me fais jeter dans ce bled. Je croise trois gars balaises. C’est ma fête. Coups de poing. Coups de pied. Coups de bite. Et maintenant je fais quoi ?

Comme un chien est un livre de Ji Ro. Tiré à peu d’exemplaires, il est difficilement trouvable mais vous trouverez une liste de lieux où il est en dépôt en cliquant là !

Les premiers jours, j’ai l’impression qu’il y a écrit « violé » en gros et en néon sur ma tronche. J’ai l’impression que tout le monde sait. L’épicier, les passants, la boulangère, les gars du coin de la rue. Tout le monde. J’aimerai baisser les yeux pour ne pas voir, comme si mes paupières devaient s’incliner devant l’humiliation. Mais j’ai décidé de marcher, audacieusement, en regardant devant moi, en regardant les gens que je croise. Comme si de rien n’était.
C’est un exercice conscient et volontaire de résistance.
Les premiers jours, les premières semaines après le viol me sont assez pénibles. Mes pensées, mes discussions, sont obsessionnelles et je pense et je raconte et je rabâche cette histoire à longueur de journée. Au petit-déjeuner, à l’heure du thé, à l’apéro. Je me saoule moi-même avec ma salive. Il me faut disséquer ça. Déchiqueter. Détruire.
Heureusement, mes potes sont patientes. Certaines ont elles aussi été violées. J’ai besoin de les entendre.
J’en parle avec quelques copains hétéros. Les plus proches ne savent pas trop quoi dire. Je ne suis pas convaincu qu’un mec puisse avoir de l’empathie pour des drames de pédé. De la compassion peut-être. Ou de la compréhension. Ce n’est pas la même écoute. Pas les mêmes mots. Pas la même langue. Pas la même émotion. Pas la même histoire. C’est comme ça.
Extrait de Ji Ro, Comme un chien, 2012

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