[actu] Souvenirs souvenirs (Coming-out d’un flic gay)

Publié enofficer pig - Copie janvier 2015 par l’Obs

Il aimait la « chasse », l’adrénaline, était devenu policier par vocation. Mais Michel Lapierre est gay : dans ces années-là, même après mai 1968, c’était « interdit ». Il a dû quitter l’uniforme à contre-cœur en 1977, à la suite de son coming out.

Aujourd’hui âgé de 66 ans, l’ex-policier a choisi de se raconter dans un livre où il revendique, en titre, Le droit à l’indifférence racontant avoir fait son « coming out chez les flics ».

Michel Lapierre a vécu et grandi à Lyon au sein d’une famille unie, avec une mère « aimée et aimante », le père étant décédé lorsqu’il avait dix ans.

La police s’est imposée car, dit-il, « j’étais très tôt un épris de justice, je ne supportais pas un vol de billes ». Ses maîtres d’école le voient « futur gendarme », lui rêve de Maigret et réussit à intégrer la police par la petite porte, à la faveur de recrutements massifs, en 1970.

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« J’AI TOUT FAIT POUR LE CACHER »
Il se fait vite remarquer jusqu’à traquer le fameux « gang des Lyonnais » ou courir après des voleurs en série âgés d’à peine 16 ans « qui auraient pu finir par tuer ». « C’était l’époque des grands flics, des anciens qui prenaient les jeunes sous leur coupe, j’ai tout aimé, j’étais toujours le premier sur le terrain et sur les planques », raconte-t-il.

Mais l’expérience, à Lyon puis Annecy, a été « trop courte », dit-il, « à peine onze ans ». Parce qu’homosexuel. « Vu mon éducation et le fait que je voulais être policier », se souvient-il, « c’était exclu, c’était un interdit ». « J’ai tout fait pour me le – et leur – cacher, je refusais d’analyser la chose, j’ai connu et aimé des femmes mais il n’y avait rien à faire, j’étais attiré par les beaux garçons… »

Il le dissimule en jouant les « gros bras » et les boute-en-train. Il donne le change et, bien intégré, commence à s’en ouvrir à deux ou trois collègues qui l’acceptent. Plus ou moins: « Cela a commencé à se savoir », rapporte l’ex-policier.

RAFLES DANS LES MILIEUX GAYS
Un jour de 1977, il est convoqué par son « patron »:

– P’tit, j’ai appris que t’étais pédé…
– Oui et alors?
– Tu serais marié et tu aurais des maîtresses, j’en aurais rien à foutre, mais ça je te le pardonne pas, tu me donnes ta démission.

Lapierre résiste. Mais doit vite céder face aux quolibets, aux sous-entendus dans une atmosphère insupportable. Il quitte la police. Sonné : « mon rêve, mon monde se sont écroulés ».

Il évoque une anecdote lourde de sens pour résumer, selon lui, le contexte : « À l’époque, un commissaire s’était fait draguer par un petit jeune. Les jours suivants, il a organisé des rafles dans les milieux homosexuels, j’étais pas fier! Et mal à l’aise avec nos clients ». « On pouvait alors mettre n’importe qui en garde à vue. Ils ne se sont pas gênés ! », ajoute-t-il.

« Ma sexualité m’a enfermé dans un carcan dont je n’ai jamais su et pu sortir », résume-t-il de sa vie cachée.

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« NE PAS SE TAIRE »
Il dit aujourd’hui que « les lois et les mentalités ont changé » dans la police « et fait évoluer les choses » mais « il y a toujours deux ou trois cas de discriminations par an ». « C’est sûr que j’agirais autrement aujourd’hui, j’aurais été mieux écouté », dit-il.

Comme, par exemple, de Danielle Thiéry, l’une des toutes premières femmes ayant accédé au grade de commissaire divisionnaire de police, en poste notamment à Lyon. En retraite, auteure de polars à succès, celle qui affirme souvent avoir dû « pousser les portes » dans la police « parce que femme », juge l’histoire de Lapierre « édifiante ».

C’était « en 1977 », écrit-elle en conclusion du livre, après mai 1968 « où le mot liberté étourdissait les plus réservés d’entre nous ». « Le temps ne fait rien à l’affaire, les vieux démons ne meurent jamais », assure-t-elle. Il faut « faire du bruit, ne pas se taire ».

Le droit à l’indifférence, coming out chez les flics, éditions Michalon. Sorti le 8 janvier 2015.

Presse fétichiste de l’uniforme. Avec AFP
 
 
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ACAB

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