« Queer Ultra Violence »

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Cette brochure est une traduction d’extraits du livre « Queer Ultra Violence : Bash Back ! Anthology » publié en 2011 par Ardent Press aux États-Unis, anthologie du mouvement queer insurrectionnaliste Bash Back !

« Les queers sont marquéEs comme des victimes tandis que la violence n’est jamais vue que comme l’outil des maîtres. Le projet anarcho-queer incarné par Bash Back ! est avant tout un refus du statut de victime et une réappropriation de la violence qui nous a été enlevée par l’idéologie progressiste et utilisée contre nous par nos agresseurs et par l’État. Le tournant opéré par Bash Back ! lors de sa rupture avec celleux qui ont refusé de reconnaître l’importance de cette réappropriation a été crucial. Il a permis de solidifier et de construire la cohérence de la tendance queer insurrectionnelle autour de la question de la violence… »

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Sommaire :
– Introduction à l’édition française
– Vers la plus queer des insurrections
– Intimité criminelle
– “L’Enfer n’a de Furie plus grande” : Chronologie de l’insurrection Genderfuck
– Vers un transféminisme insurrectionnel
– Théorie de la Pute
– Le Pronom que je préfère est la Négation
– Anarchie de la mode : Entretien avec Le Boulevardier
– Milwaukee : Solidarité avec toutes les Tueureuses de Flics
– Bash Back ! est mort ; Vive Bash Back !
– Glossaire

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Consentement… un truc de pédé ?

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Cette brochure aborde la question du consentement à partir du point de vue et du vécu de garçons qui couchent avec d’autres garçons. Elle a l’intention d’en montrer les spécificités et les enjeux particuliers en même temps qu’elle insiste sur l’importance de se sentir concerné personnellement par cette question (du consentement) quand on est gay/pédé. Elle est composé par deux textes qui partent de vécus personnels : une traduction de l’anglais du texte « Positive consent for dudes who get it on with dudes », suivie par un deuxième texte qui revient plus sur des histoires de constructions sociales de genre et de rapports de domination.

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Le travail du sexe contre le travail

Pour certains et certaines, reconnaître le travail sexuel comme un travail est une démarche libérale, homogène à la marchandisation des corps. À l’encontre de cette idée fausse, Morgane Merteuil propose d’examiner le travail sexuel comme une dimension du travail de reproduction de la force de travail, et reconstitue les liens qui unissent la production capitaliste, l’exploitation du travail salarié et l’oppression des femmes. Elle démontre que la lutte des travailleuses du sexe est un puissant levier pour remettre en cause le travail dans son ensemble, et que la répression du travail du sexe n’est rien d’autre qu’un instrument de la domination de classe, de la division internationale (raciste) du travail et du stigmate de pute qui nourrit le patriarcat. (Revue Période)

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Le travail du sexe contre le travail

Alors que dans les pays anglophones, le terme de « sexwork » est devenu tout à fait courant, on constate de grosses réticences à parler de « travail sexuel » chez les intellectuel-le-s et militant-e-s francophones. Que ce soit chez les prohibitionnistes pour qui la prostitution n’est ni un métier ni un travail mais une violence, une atteinte à la dignité des femmes(1) – comme si le « travail » et la « violence » s’excluaient mutuellement – ou chez celles et ceux qui, à l’exemple de Lilian Mathieu, s’opposent à cette prohibition tout en conservent un certain « scepticisme devant la revendication d’une reconnaissance du “travail du sexe”»(2) : ce refus de parler de travail du sexe semble symptomatique des difficultés que rencontrent notamment une partie de la gauche et des féministes à penser le travail des femmes.

Si la thématique suscite certes un intérêt croissant, ces difficultés ne sont pas nouvelles. Ainsi, lorsque dans les années 1970, de nombreux collectifs féministes lancent la campagne « wages for housework » (des salaires pour le travail ménager), une bonne partie de la gauche et du mouvement féministe reste hostile à cette revendication(3). C’est que loin de n’être qu’une revendication programmatique, Wages for Housework constituait plutôt une invitation à remettre radicalement en cause non seulement l’ensemble du système capitaliste, dans la mesure où c’est au capital que bénéficie la gratuité du travail reproductif effectué par les femmes, mais de là, également la famille nucléaire, en tant que lieu où se produit cette exploitation.
Alors que la campagne Wages for Housework fut lancée au tout début des années 1970, on remarquera que c’est en 1978, alors que les discussions sur le travail domestique étaient encore vives, que Carole Leigh, travailleuse du sexe et militante féministe américaine, crée le terme de « sexwork » ; et si la revendication de « Wages for housework » ne semble plus avoir la même pertinence aujourd’hui qu’une grande partie du travail domestique a été marchandisée – les anciennes ménagères entrées sur le marché du travail l’ayant délégué en partie aux plus pauvres qu’elles, et notamment aux femmes migrantes – la revendication de « Sexwork is Work », aux vues des vifs débats qu’elle suscite, semble en revanche plus que jamais d’actualité.

Il s’agira donc ici, tout en prenant en compte les évolutions de la configuration du secteur reproductif, de montrer comment « sexwork is work » [le travail sexuel est un travail] s’inscrit dans la continuité des luttes pour « un salaire pour le travail ménager », en d’autres termes de mieux cerner les enjeux communs des luttes des femmes au foyer et des travailleurSEs du sexe, et donc de réaffirmer autant la nécessaire solidarité entre femmes exploitées que le caractère indissociable des luttes féministes et anticapitalistes. Ceci nous permettra par ailleurs de mieux saisir les relations entre travail du sexe et capitalisme, et ainsi d’affirmer la nécessité, notamment pour la gauche et le féminisme, de soutenir ces luttes au nom du processus révolutionnaire auquel elles nous invitent.

Le travail du sexe comme travail reproductif

Plusieurs raisons nous poussent à affirmer la parenté des luttes menées par celles qui clamaient « Wages for Housework » et celles menées aujourd’hui pour faire reconnaître que « sexwork is work ».
Tout d’abord, chacune de ces luttes émane de la forte mobilisation, tant sur le terrain théorique que pratique, du mouvement féministe. Si l’appartenance du mouvement Wages for Housework au mouvement féministe est toujours apparue comme une évidence, il n’en est pas de même pour le mouvement des travailleuses du sexe. Il convient ici de rappeler que c’est lors d’une conférence féministe que Carole Leigh ressentit le besoin de parler de « travail du sexe »(4). On notera également que selon Silvia Federici, le mouvement féministe n’a pas seulement permis l’émergence de la notion de travail sexuel, mais il est aussi à lier avec l’augmentation du nombre de femmes qui se prostituent :

Je pense que dans une certaine mesure […], mais […] dans une mesure limitée, que l’augmentation du nombre de femmes qui se tournent vers le travail sexuel a aussi à voir avec le mouvement féministe. Il a contribué à ébranler cette forme de stigmate moral attaché au travail sexuel. Je pense que le mouvement des femmes a aussi donné le pouvoir, par exemple aux prostituées, de s’envisager en tant que travailleuses du sexe.
Ce n’est pas un hasard si à la suite du mouvement féministe vous avez le début d’un mouvement de travailleuses du sexe, à travers l’Europe par exemple. Avec le stigmate, les féministes ont vraiment attaqué cette hypocrisie : la mère sainte, cette vision de la femme, toute à l’autosacrifice, et la prostituée, qui est la femme qui réalise du travail sexuel mais pour de l’argent(5).

La définition ici donnée de la prostituée comme « la femme qui réalise du travail sexuel mais pour de l’argent » nous amène aux autres raisons qui justifient le rapprochement entre les luttes des femmes au foyer et celles des travailleuses du sexe : le fait qu’il peut y avoir travail là où il n’y a pas argent, et le fait que le travail sexuel n’est pas l’apanage des seules prostituées.
Un des grands apports des théoriciennes féministes, et notamment celles d’inspiration marxiste, a été de montrer que ce n’est pas parce qu’une activité n’est pas rémunérée qu’elle n’est pas un travail fonctionnel par rapport au capitalisme. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un échange apparaît comme gratuit qu’il échappe aux dynamiques du capitalisme, bien au contraire. En analysant « l’histoire du capitalisme à partir du point de vue des femmes et de la reproduction(6)», des théoriciennes féministes marxistes, comme Silvia Federici, ont ainsi montré que le travail domestique, effectué par les femmes – de manière bénévole car considéré comme ce que leur nature les mène à faire par amour – sert, au-delà de ceux qui en bénéficient directement – les travailleurs, futurs travailleurs, ou anciens travailleurs – les intérêts des capitalistes, qui n’ont dès lors pas à prendre en compte le coût de cette reproduction dans la valeur de la force de travail qu’ils achètent.

À partir de nous-mêmes en tant que femmes, nous savons que la journée de travail pour le capital ne produit pas nécessairement une paie et ne commence ni ne finit aux portes de l’usine, et nous redécouvrons, en premier lieu, la nature et l’étendue du travail ménager lui-même. Parce que dès que nous levons nos têtes des chaussettes que nous raccommodons, et des repas que nous cuisinons, et regardons la totalité de notre journée de travail, nous voyons clairement alors qu’elle ne donne pas lieu à un salaire pour nous-mêmes – nous produisons le plus précieux produit qui apparaisse sur le marché capitaliste : la force de travail(7).

Les différentes tâches et activités réalisées au foyer par les femmes, du soin des enfants aux repas qui attendent le travailleur qui rentre de sa journée de travail, en passant par les soins prodigués aux personnes âgées ou malades, constituent bien un véritable travail qui, s’il ne produit pas de marchandises à l’instar de tout prolétaire, produit et reproduit ce qui est cependant nécessaire à tout capitaliste, ce qui lui est même « le plus précieux » : la force de travail qu’il achète au travailleur. Selon cette approche, il n’y a donc pas de différence fondamentale, du point de vue de leurs fonctions par rapport au capitalisme, entre le repassage, la préparation des repas, et le sexe : toutes ces activités se rattachant à la catégorie plus générale du travail reproductif ; ainsi, continue Silvia Federici :

Le travail ménager, en fait, consiste en bien plus que la tenue de la maison. Il s’agit de servir le salarié, physiquement, émotionnellement, sexuellement, le rendre apte à travailler jour après jour en vue du salaire. C’est prendre soin de nos enfants – les futurs travailleurs – les assister de la naissance jusqu’à leurs études et veiller à ce qu’ils remplissent le rôle que l’on attend d’eux sous le capitalisme. Cela signifie que derrière chaque usine, derrière chaque école, derrière chaque bureau ou chaque mine, il y a le travail invisible de millions de femmes qui ont consumé leur vie, leur force de travail, à produire la force de travail qui travaille dans cette usine, cette école, ce bureau ou cette mine(8).

Et si l’on pouvait penser que depuis le mouvement de libération sexuelle entraîné par l’émergence du mouvement féministe, le sexe apparaît de moins en moins comme un service que la femme rend à son conjoint, cette « libération » a surtout alourdi le fardeau qui pesait sur les femmes :

La liberté sexuelle n’aide pas. C’est évidemment important que nous ne soyons pas lapidées à mort si nous sommes « infidèles » ou s’il est constaté que nous ne sommes pas « vierges ». Mais la « libération sexuelle » a intensifié notre travail. Dans le passé, nous étions juste censées élever les enfants. Maintenant, nous sommes censées avoir un travail salarié, encore nettoyer la maison et avoir des enfants et, à la fin d’une double journée de travail, être prêtes à sauter dans le lit et être sexuellement attirantes. Pour les femmes, le droit d’avoir une relation sexuelle est le devoir d’avoir une relation sexuelle et de l’apprécier (quelque chose qui n’est pas attendu de la plupart des travaux), ce qui explique pourquoi il y a eu tant de recherches, ces dernières années, pour savoir quelles parties de notre corps – plutôt le vagin ou le clitoris – sont les plus sexuellement productives(9). »

Enfin, il est à noter que si Silvia Federici se réfère la plupart du temps à la famille nucléaire hétérosexuelle, elle ne voit pas non plus d’issue à la fonction du sexe comme travail dans l’homosexualité :

L’homosexualité et l’hétérosexualité sont toutes les deux des conditions de travail… mais l’homosexualité, c’est le contrôle de la production par les travailleurs, pas la fin du travail(10).

Cette approche du sexe comme partie intégrante du travail reproductif nous invite ainsi à récuser l’idée selon laquelle il y aurait une différence fondamentale entre le sexe dit gratuit, qui s’effectue au sein du couple, et ce que l’on appelle aujourd’hui le travail sexuel, la prostitution.
Plus exactement, et pour reprendre les mots de Leopoldina Fortunati, « la famille et la prostitution sont les principaux secteurs, la colonne vertébrale, de l’ensemble du processus [de reproduction](11) » :

Au sein des deux secteurs principaux, les processus fondamentaux de travail sont : 1- le processus de production et de reproduction de la force de travail et 2- la reproduction spécifiquement sexuelle de la force de travail masculine. Il ne s’agit pas de dire que la famille n’inclut pas la reproduction sexuelle de la force de travail masculine, mais (bien que souvent posée comme centrale) c’est dans les faits seulement un des nombreux « travaux » (« jobs ») compris dans le travail domestique(12).

Fortunati nous invite ainsi à penser la famille et la prostitution comme des institutions non pas opposées, mais complémentaires : « sa fonction [la prostitution] doit être de soutenir et de compléter le travail ménager(13). »

Cette approche de la prostitution en termes de travail reproductif nous permet non seulement de mettre en avant une condition commune aux femmes – au delà de la division entre la mère et la putain, puisque bien que l’une l’effectue gratuitement, et l’autre demande explicitement de l’argent, pour l’une comme pour l’autre, le sexe est un travail – mais surtout, cette approche nous permet de mieux appréhender la place qu’occupe le travail sexuel – rémunéré – au sein du système capitaliste. Alors que la plupart des théories contemporaines s’intéressent essentiellement aux dynamiques capitalistes au sein de l’industrie du sexe – via l’analyse des rapports de production et d’exploitation entre les travailleuses du sexe et leurs patrons-proxénètes et/ou leurs clients – cette approche nous invite à ne considérer finalement ces deux figures que comme des intermédiaires d’une exploitation qui se fait en dernier ressort au profit du capital. Dès lors, il devient nécessaire d’interpréter la répression des travailleuses du sexe non plus comme une répression exclusivement sexuelle (aux dynamiques évidemment genrées et racistes) mais comme une répression qui sert fondamentalement des intérêts économiques, lesquels se réalisent via des dynamiques de sexe, de classe et de genre.

Une armée de putes

La position apparemment commune des ménagères et des travailleuses du sexe vis-à-vis du capital, en tant que travailleuses reproductives, ne doit cependant pas nous faire oublier une distinction fondamentale entre leurs situations : contrairement au travail domestique, le travail du sexe est stigmatisé et criminalisé. Que ce soit via un régime prohibitionniste comme dans la plupart des états des États-Unis, un régime réglementariste comme en Allemagne, ou un régime dit abolitionniste comme en France, le travail sexuel est criminalisé dans la quasi-totalité des pays du monde, à l’exception de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Galles du Sud (Australie) – deux pays qui exercent cependant de fortes restrictions sur le travail des migrantes. Cette situation particulière du travail du sexe à l’intérieur de la catégorie plus générale du travail reproductif n’est pas sans conséquences, non seulement sur les travailleuses du sexe elles-mêmes, mais sur l’ensemble des femmes et des travailleurs : le traitement spécifique du travail du sexe, ou plus exactement ses évolutions, entre criminalisation et libéralisation, sont à lire dans le contexte plus général des tensions provoquées par les dynamiques du capitalisme, du patriarcat, et du racisme, qui structurent notre société.
Ainsi, Silvia Federici nous invite à une approche historique selon laquelle la répression des prostituées dès le XVIe siècle est à mettre en lien avec l’émergence du mode de production capitaliste, au sein duquel la gratuité du travail des femmes est un fondement essentiel.

Mais dès que la prostitution fut devenue la principale forme de subsistance pour une large part de la population féminine, l’attitude des institutions à son endroit changea. Alors qu’à la fin du Moyen Âge elle avait été officiellement admise en comme un mal nécessaire, et que les prostituées avaient bénéficié du régime de salaires élevés, au XVIe siècle, la situation se renversa. Dans un climat d’intense misogynie, marqué par la progression de la Réforme protestante et la chasse aux sorcières, la prostitution fut d’abord sujette à de nouvelles limitations, puis criminalisée. Partout, entre 1530 et 1560, les bordels municipaux furent fermés et les prostituées, en particulier celles qui travaillaient dans la rue, furent soumises à de nouvelles peines : bannissement, flagellation, et autres formes cruelles du châtiment. […]
À quoi attribuer cette attaque radicale contre les travailleuses ? Et quel est le lien entre l’exclusion des femmes de la sphère du travail socialement reconnu et des relations monétaires, la contrainte à la maternité forcée qui s’exerça sur elles et la massification de la chasse aux sorcières ?
Quand on observe ces phénomènes dans une perspective contemporaine, après quatre siècles de sujétion capitaliste des femmes, les réponses semblent aller d’elles mêmes. Même si le travail salarié féminin, le travail domestique, et le travail sexuel (payé) sont encore étudiés trop souvent isolément les uns des autres, nous sommes maintenant mieux à même de comprendre comment la ségrégation que les femmes ont subie au sein de la main d’oeuvre salariée a pris naissance directement dans leur fonction de travailleuses non payées à domicile. Nous pouvons donc rapprocher l’interdiction de la prostitution et l’expulsion des femmes des lieux de travail organisés de la création de la femme au foyer et la reconstruction de la famille comme lieux de production de la force de travail(14).

Dans la France révolutionnaire de 1791 qui voit s’accomplir l’extension du domaine de la consommation, la prostitution est dépénalisée. Spécialiste de la prostitution à l’époque révolutionnaire, Clyde Plumauzille note ainsi, en ce qui concerne l’organisation de la prostitution au Palais-Royal :

La prostitution du Palais-Royal est alors partie prenante d’un ensemble de dispositifs plus vastes lié à la « révolution de la consommation qui touche l’ensemble de la société » (Roche, 1997 ; Coquery, 2011) : développement de techniques publicitaires avec les annuaires de prostituées, diversification de l’offre permettant de toucher un public élargi, vitrines ostentatoires et « commodification » de la sexualité prostitutionnelle. […] Premier marché du sexe de la capitale, le Palais-Royal a ainsi facilité la constitution d’une forme de prostitution résolument consumériste, entre émancipation sexuelle et économique et commercialisation du corps des femmes (15).

Cette apparente libéralisation relève donc bien moins d’un affaiblissement du contrôle du corps des femmes que d’une adaptation du marché à ce qui semble inévitable alors même que le statut des femmes ne laisse à ces dernières d’autre issue que la dépendance à l’égard des hommes. Cependant, si les courtisanes des beaux quartiers sont tolérées, voire appréciées, il n’en est pas de même des prostituées issues des milieux ouvriers, et c’est notamment pour répondre à cette massification de la prostitution des femmes des classes populaires que le contrôle policier et l’enfermement des prostituées s’intensifient à nouveau.

Pour comprendre cette répression de la prostitution de masse, il faut saisir le lien entre une prostitution réglementée et les rapports de production capitalistes. Entre la révolution française et la Belle époque se déploie une longue période dans laquelle la société française adopte l’ensemble des institutions caractéristiques du mode de production capitaliste : le Directoire, les deux Empires ainsi que les débuts de la Troisième république consolident les formes d’exploitation modernes qui avaient émergé dans les dernières décennies de l’ancien Régime, qu’il s’agisse des secteurs les plus avancés de l’agriculture au Nord de la France, ou des innovations des branches de la chimie, du textile ou de l’extraction de charbon(16). Le XIXe siècle est marqué par la généralisation des institutions marchandes et de la dépendance des classes laborieuses vis-à-vis du marché et des employeurs. La prostitution, et la condition des femmes en général, n’échappent pas à cette logique. Avec la séparation du lieu de travail et du lieu de vie, la mécanisation du travail et la réglementation des industries, les femmes sont prises en tenaille entre des secteurs peu réglementés (travail à domicile, ateliers de couture) et leur exclusion de la plupart des secteurs réglementés. Quand elles sont présentes sur le marché du travail, les femmes jouent dès lors un rôle de main d’œuvre d’appoint pour le capital, ce que Marx appelle « armée industrielle de réserve » :

En écrasant la petite industrie et le travail à domicile, elle supprime le dernier refuge d’une masse de travailleurs, rendus chaque jour surnuméraires, et par cela même la soupape de sûreté de tout le mécanisme social(17).

Comme le montre une étude récente sur la prostitution dans la Goutte d’Or à la Belle époque(18), la réglementation de la prostitution faisait face à une considérable résistance de la part des travailleuses du sexe, à travers leur refus croissant d’exercer pour un employeur exclusif. La prostitution de rue des « insoumises » se comprend ainsi comme une forme d’insubordination ouvrière : elle permettait aux femmes prolétaires d’acquérir un complément de revenu dans le cas où elles exerçaient parallèlement un travail salarié et d’obtenir un revenu tout court quand elles n’étaient pas salariées. Dans ces deux cas, la prostitution déréglementée représentait un point d’appui pour les femmes travailleuses, une amélioration potentielle de leur pouvoir de négociation face au capital et au patriarcat.
Ce rôle de la réglementation par rapport au travail sexuel et face à l’insubordination ouvrière des femmes prostituées est révélateur. Il indique bien qu’on ne saurait séparer travail sexuel et travail en général ; il montre bien que les luttes menées par les travailleuses du sexe possèdent une dimension de genre et de classe très précise ; il indique bien qu’il ne saurait y avoir une opposition stricte entre un régime réglementariste et un régime abolitionniste/prohibitionniste : il s’agit, dans les deux cas (et dans les formes hybrides entre les deux systèmes), des formes de discipline et de mise au travail des femmes prostituées, face auxquelles ces dernières font valoir leurs intérêts et tentent de renforcer leur pouvoir de négociation. Avant de revenir sur ces aspects au sujet de la période contemporaine, il nous faut revenir sur les raisons et l’émergence des mouvements abolitionnistes.

C’est originellement pour dénoncer ce réglementarisme que, dès la fin du XIXe siècle, des groupes de femmes commencent à engager une lutte contre la prostitution : alors qu’une panique morale à l’égard d’une supposée traite des Blanches fait l’objet d’un succès international, le mouvement abolitionniste rencontre un fort écho, qui mène en 1946 à la loi Marthe Richard, signant la fermeture des maisons closes. La Convention de l’ONU de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui précise dans son célèbre préambule que « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de prostitution, sont incompatibles avec la dignité humaine et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté. » Selon cette même convention, il suffit, pour être victime de traite, d’être embauché, entraîné ou détourné aux fins de prostitution. Le protocole de Palerme (adopté par les Nations unies en 2000) propose quant à lui une définition alternative à la traite, définie comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ». Si cette définition est à la fois plus large (toute forme d’exploitation peut être la finalité de la traite) et plus restrictive (on y parle d’« exploitation de la prostitution » et non plus de « prostitution », et on attend l’exercice d’une forme de contrainte ou d’abus d’une situation vulnérabilité sur les victimes majeures) que la définition de 1949, elle reste volontairement dans le flou en ne définissant pas la notion d’exploitation. Ce flou a permis à la France, lorsqu’elle a introduit dans son code pénal et adapté la définition du Protocole, de traduire « exploitation de la prostitution » par « proxénétisme ». La définition du proxénétisme en France étant particulièrement large – en permettant de sanctionner toute aide apportée à la prostitution d’autrui – la nouvelle infraction française de traite ne désavoue dès lors pas la conception de la traite retenue par la Convention de 1949. En d’autres termes, alors que des outils de droits commun existent pour répondre à la volonté de pénaliser le travail forcé, que ce soit dans la prostitution ou ailleurs, la prostitution fait toujours l’objet de mesures spécifiques qui la pénalisent en tant que telle.

Quel est le rôle de cette pénalisation spécifique ? Dans quelles dynamiques s’inscrit-elle ? Quelles en sont les conséquences ? De multiples réponses ont déjà été apportées à ces questions, mais trop souvent, les réponses apportées se réfèrent à la répression d’une prostitution sinon essentialisée, du moins idéale, de sorte qu’elles peinent à rendre compte des tensions qui traversent l’industrie du sexe. Aussi, une synthèse des principales théories sur la répression du travail sexuel, au regard des dynamiques générales qui traversent le domaine du travail reproductif, devrait nous permettre de rendre compte précisément des enjeux de la lutte des travailleuses du sexe. Au-delà des approches purement historiques, il est également intéressant de prendre en compte la fonction de la répression du travail sexuel et de la stigmatisation de celles qui l’exercent par rapport à l’économie sexuelle en tant que telle. Si la répression de la prostitution a bien une fonction spécifique dans un système capitaliste qui repose entre autres sur l’appropriation du travail gratuit des femmes, ce contexte économique n’est pas suffisant pour rendre compte des tensions au sein desquelles prend place cette répression.
Les travaux de Paola Tabet montrent ainsi que si c’est le stigmate qui définit la prostitution, celui-ci n’a pas besoin du système capitaliste pour s’exprimer. Dans de nombreuses sociétés non capitalistes, des femmes sont stigmatisées en tant que prostituées, pas forcément parce qu’elles prennent part à un échange économicosexuel, mais parce qu’elles y prennent part dans un échange qui échappe aux règles établies de l’échange des femmes dans un système patriarcal. Ces travaux ne sont pas sans rappeler ceux menés avant elle par Gayle Rubin et publiés sous le titre « Traffic in Women » en 1975 dans lesquels, là aussi, l’enjeu est d’expliquer l’oppression des femmes sans subordonner celle-ci à sa fonction potentielle dans le capitalisme. Surtout, c’est dans « Penser le sexe » que Gayle Rubin étudie plus en détail les systèmes de hiérarchies sexuelles qui structurent nos sociétés :

Les sociétés occidentales modernes valorisent les actes sexuels selon un système hiérarchique de valeur sexuelle. […] Les individus dont le comportement sexuel correspond au sommet de cette hiérarchie sont récompensés par un certificat de bonne santé mentale, la respectabilité, la légalité, la mobilité sociale et physique, le soutien des institutions et des bénéfices d’ordre matériel. À mesure que les comportements ou les intérêts des individus se situent à un niveau inférieur de cette échelle, ces derniers sont l’objet d’une présomption de maladie mentale, d’absence de respectabilité, de criminalité, d’une liberté de mouvements physique et sociale restreinte, d’une perte de soutien institutionnel et de sanctions économiques.
Un opprobre extrême et punitif maintient certains comportements sexuels au plus bas niveau de cette échelle, et constitue une sanction efficace contre ceux qui ont de telles pratiques. L’intensité de cet opprobre a ses racines dans la tradition religieuse occidentale. Mais l’essentiel de son contenu actuel vient de la stigmatisation médicale et psychiatrique(19).

En ce sens, la prostitution est réprimée et stigmatisée en tant que déviance, au même titre que l’homosexualité, en vertu d’un système qui oppose différents types de pratiques sexuelles telles que homosexuelle/hétérosexuelle, gratuite/vénale, etc. La théorie de Gayle Rubin présente ainsi la répression du travail sexuel comme ayant une fonction non forcément subordonnée à un ordre économique, mais qui prend place dans un système sexuel autonome, au sein duquel convergent des intérêts externes (économiques, donc, mais aussi religieux ou médicaux).
Elizabeth Bernstein, spécialiste du néolibéralisme, analyse quant à elle la répression du travail sexuel comme un moyen de réaffirmer les frontières de l’intime et du public(20), et considère ainsi les campagnes de l’abolitionnisme contemporain comme prenant part à un « agenda sexuel néolibéral » :

Je situe ces politiques néo-abolitionnistes dans les termes d’un agenda sexuel néolibéral (plutôt que traditionaliste), qui situe les problèmes sociaux à l’échelle d’individus déviants plutôt qu’au niveaux d’institutions officielles, qui cherche les remèdes sociaux à travers des interventions de justice criminelle plutôt qu’à travers l’État providence redistributif, et qui défend la bienfaisance des privilégiés plutôt que pour l’empowerment des oppressé-e-s (21).

Ainsi, la répression de la prostitution n’apparait pas seulement comme un moyen de conforter un certain ordre économique, mais plutôt comme un moyen d’imposer la logique néolibérale jusque dans l’économie sexuelle elle-même. Et c’est justement parce que le travail sexuel, pas plus que les autres secteurs du travail reproductif ou productif, n’échappe pas au néolibéralisme, qu’il peut être intéressant de l’envisager au regard du traitement des autres secteurs du travail reproductif.
Dans ses recherches sur ce qu’elle nomme le « fémonationalisme », Sara Farris note que la migration des femmes destinées au secteur reproductif, contrairement à celle des hommes migrants, est plutôt encouragée par l’État, dans un contexte de désengagement de celui-ci vis-à-vis de la prise en charge de services tels que la garde des enfants, et un contexte d’accroissement de femmes « nationales » dans le secteur productif :

N’étant plus perçues comme celles qui volent le travail ou profitent des aides sociales, les femmes migrantes sont les « domestiques » qui aident à maintenir le bien-être des familles et des individus européens. Elles sont les fournisseurs de travail et d’intérêts, celles qui, en aidant les femmes européennes à défaire les genres en se substituant à elles dans le foyer, permettent à ces femmes « nationales » de devenir des travailleuses sur le marché du travail « productif ». De plus, elles sont celles qui contribuent à l’éducation des enfants et aux soins physiques et émotionnels des personnes âgées, fournissant ainsi un état de bien-être, de moins en moins pris en charge par l’Etat. […] Le rôle « utile » que les travailleuses migrantes jouent dans la restructuration contemporaine des régimes de bien-être, et la féminisation de secteurs clés dans l’économie des services, bénéficient d’une certaine indulgence des gouvernements néo-libéraux et de la compassion trompeuse des partis nationalistes envers les femmes migrantes, comparativement aux hommes migrants. […] Dans la mesure où elles sont considérées comme les corps utiles aux générations futures, en tant que mères jouant un rôle crucial dans le processus de transmission des « valeur sociétales », en tant que remplaçantes des femmes nationales dans le secteur reproductif, mais aussi en tant qu’épouses potentielles pour les hommes européens, les femmes migrantes semblent devenir les cibles d’une campagne de bienveillance trompeuse dans laquelle elles sont « nécessaires » en tant que travailleuses, « tolérées » en tant que migrantes et « encouragées » à se conformer aux valeurs occidentales en tant que femmes (22).

Le fémonationalisme, tel que défini par Sara Farris, désigne « la mobilisation contemporaine des idées féministes par les partis nationalistes et les gouvernements néolibéraux sous la bannière de la guerre contre le patriarcat supposé de l’Islam en particulier, et des migrants du Tiers monde en général(23) ». Autrement dit, la rhétorique des discours qui défendent l’intégration des femmes immigrées par le travail a finalement beaucoup moins pour objet les intérêts des femmes en question que ceux de l’économie nationale pour laquelle ces travailleuses assurent la reproduction de la force de travail à moindre frais. Dans ce contexte, les femmes migrantes constituent non pas une « armée de réserve, constamment menacée par le chômage et l’expulsion et utilisée de façon à maintenir une discipline salariale », comme il était d’usage dans les années 1970 et 1980 de décrire les « femmes en tant que salariées extra-domestiques » mais plutôt une « armée régulière de main-d’œuvre extrêmement bon marché ».
Ainsi, si l’encouragement à la migration des femmes destinées au secteur reproductif semble à première vue relever d’une politique opposée aux restrictions au contraire très sévères sur la migration des travailleuses du sexe, ces deux politiques distinctes peuvent en réalité être considérées comme complémentaires : tout d’abord, on notera que les discours anti-traite, et de manière générale anti-prostitution, visant à sauver les femmes des réseaux de migrations supposés les exploiter en insistant sur la nécessité de la « réinsertion », c’est-à-dire de l’insertion dans l’économie nationale légale (ce qui signifie, pour des femmes en grande majorité migrantes, une insertion dans le secteur du travail domestique, du care, etc.), participent tout à fait de ce que Sara Farris définit par le terme de « fémonationalisme ». Alors même que le capitalisme mondialisé entraine la dépossession par les femmes de leurs moyens de survie, notamment aujourd’hui dans les pays d’Afrique et d’Asie, et entraine dès lors une massification des migrations (et de la prostitution), la répression des travailleuses du sexe, dans un contexte de marchandisation du travail reproductif effectué par les immigrées, parce qu’elle a pour conséquence de maintenir les travailleuses du sexe dans une situation précaire, les constitue ainsi, à l’instar des travailleuses domestiques, comme une « armée régulière de main-d’œuvre extrêmement bon marché ». Autrement dit, la répression des travailleuses du sexe, en ce qu’elle entraine la précarisation de ces dernières, n’a pas seulement pour conséquence d’instaurer un rapport de force en faveur des clients, tierces-parties et proxénètes, mais sert tout un système économique capitaliste, patriarcal et raciste, qui bénéficie du moindre coût de ce secteur du travail reproductif. Plus précisément, on peut même analyser dans le maintien de la précarisation des travailleuses du sexe leur constitution institutionnalisée en une armée de réserve des travailleuses domestiques, et ainsi voir s’instaurer un système à trois niveaux dans le travail des femmes : à un premier niveau, la force de travail féminine, destinée au secteur productif, et qui continue à être moins rémunérée que celle des hommes, participe d’un système qui continue d’imposer aux femmes un modèle hétérosexiste puisque le mariage apparaît comme un moyen d’atteindre un niveau de vie qu’un salaire féminin seul ne permet pas. À un deuxième niveau, les politiques migratoires qui maintiennent le bas prix du travail domestique renforcent également le niveau de salaire plus faible des femmes employées dans le secteur productif. Enfin, au niveau des travailleuses du sexe, la répression et la stigmatisation de ces dernières prend la forme d’une menace pesant sur les femmes qui n’accepteraient pas les conditions d’exploitation du travail salarié, domestique, ou du mariage.

En ce sens, les discours anti-travail du sexe, qui ne voient d’issue à l’exploitation sexuelle des femmes que dans le sexe non-marchand, et d’émancipation économique que via le travail légal, et notamment le travail dans le secteur productif, nous semblent dès lors encourager, contrairement à ce qu’ils annoncent, cette exploitation via un travail d’autant plus exploité qu’il apparaît comme gratuit, spontané, naturel. Au contraire, la revendication du travail sexuel comme travail nous invite à repenser les rapports de reproduction dans l’objectif d’en finir avec l’exploitation, qu’elle soit rémunérée ou non.

Sexwork against work

Comme nous avons essayé de le montrer jusqu’ici, la question de la « prostitution » ne saurait faire l’objet d’une réflexion simpliste au seul prisme des rapports de genre. Il est au contraire plus que nécessaire que la gauche s’empare des enjeux politiques du travail sexuel compris comme un secteur du travail reproductif. Il est vrai, comme le signale Silvia Federici dans son texte « Reproduction et lutte féministe dans la nouvelle division internationale du travail » que l’enjeu du travail reproductif a été bien trop peu investi par le mouvement féministe lui-même :

Il n’y a pas de doute en effet que si le mouvement féministe en Europe et aux États-Unis s’était concentré sur le fait que l’État reconnaisse le travail de reproduction comme un travail et en assume la responsabilité financière, nous n’aurions pas assisté au démantèlement du peu de services disponibles dans ce domaine et à une solution coloniale au « problème du ménage »(24).

Mais c’est justement à ce titre que les débats sur le travail sexuel devraient constituer une occasion nouvelle de (re)penser cette question, et d’être en mesure de construire une véritable opposition aux politiques libérales qui s’en sont, elles, emparées depuis longtemps avec les conséquences que l’on connait (fémonationalisme, libéralisation de l’industrie du sexe au seul profit des patrons et tierces parties, augmentation générale du travail à fournir par les femmes suite au désengagement de l’État des services publics, etc).
Affirmer que le travail sexuel est un travail apparaît en effet constituer une étape nécessaire tant en ce qui concerne la lutte contre le capitalisme que pour ce qui est de l’émancipation des femmes et notamment leur émancipation sexuelle. Nous reprendrons ainsi pour qualifier la pertinence politique du slogan « sexwork is work » les mots utilisés par Kathi Weeks lorsqu’elle se réfère au mouvement Wages for Housework : « c’était un projet réformiste avec des aspirations révolutionnaires(25) ». Si la lutte contre la criminalisation du travail sexuel peut en effet apparaitre, au premier abord, plutôt réformiste en ce qu’elle consiste essentiellement à demander un changement législatif pour permettre à des travailleurSEs de travailler dans de meilleures conditions, l’appréhension du sexe comme un travail ouvre en revanche des perspectives bien plus ambitieuses en termes d’émancipation.
En ce qui concerne la lutte contre la criminalisation, il conviendra cependant de rappeler que si les travailleuses du sexe peuvent être définies comme l’armée de réserve des femmes exploitées dans le travail salarié, domestique, ou le mariage, alors l’amélioration de leurs conditions de travail ne peut être que bénéfique à ces dernières. De la même manière, si la persistance du stigmate de pute fait planer une menace sur toutes les femmes en ce qu’il ne se contente pas seulement de restreindre leurs libertés, mais surtout, légitime les violences envers elles, alors la lutte contre la stigmatisation des travailleuses du sexe devrait à ce titre être dans les priorités de l’agenda féministe. Par ailleurs, dans la mesure où à l’échelle globale, la lutte contre la « prostitution » prend essentiellement la forme d’une lutte contre la « traite » (telle que définie par la Convention de 1949), via le financement par les gouvernements occidentaux d’ONG qui interviennent dans les pays du Sud pour « sauver » les potentielles victimes de cette traite, la fin de ces politiques signifierait le droit à l’autonomie pour les travailleuses du sexe concernées, aujourd’hui régulièrement victimes, dans de nombreux pays, d’une forme d’impérialisme humanitaire via les personnalités et ONG de la « rescue industry »(26). De plus, alors que la grande majorité des travailleuses du sexe dans les pays occidentaux sont des travailleuses immigrées ou non-blanches, de même que la plupart de celles et ceux qui « soutiennent » leur activité et sont à ce titre condamnables pour proxénétisme, la lutte contre la prostitution prend particulièrement, dans ces pays, la forme d’une offensive raciste, qui participe de l’incarcération systémique des populations non-blanches. Si certains ou certaines peuvent utiliser cet état de fait de la division raciste du travail sexuel pour arguer qu’il est justement nécessaire de pénaliser les hommes supposés majoritairement blancs bénéficiaires du travail sexuel – les clients(27).– il nous semble au contraire dangereux de vouloir rééquilibrer la balance en renforçant l’instrument même de ce racisme systémique. Il ne s’agit cependant pas de prendre une défense non critique des tierces parties et autres bénéficiaires de l’industrie du sexe : la dépénalisation du travail du sexe doit au contraire être comprise comme un moyen de renforcer l’autonomie des travailleuses du sexe vis-à-vis des situations de clandestinité les plus propices à leur exploitation. Dans ce cadre, les craintes régulièrement exprimées selon lesquelles la reconnaissance du travail sexuel ne ferait que donner plus de poids à la division sexiste et raciste du travail nous semblent non seulement infondées, mais surtout, cette reconnaissance constitue selon nous la condition sine qua non de lutte contre cette division et contre les oppressions qui en résultent.

Refuser la reconnaissance du travail sexuel, c’est en effet renforcer la division entre le « vrai » travail, notamment salarié, qui a droit de cité dans l’espace public, et le « non-travail », qui a lieu dans la sphère privée. Il s’agit donc de cesser d’opposer la sphère productive du travail salarié aux échanges considérés comme relevant de la sphère privée non-marchande, car cette opposition, qui ne sert qu’à masquer le travail réalisé mais non comptabilisé dans le salaire, n’est profitable qu’au capital :

Il y a longtemps déjà, Marx expliquait que le salariat dissimulait l’ensemble du travail non rémunéré à l’origine du profit économique. Mais mesurer le travail par le salaire voile également l’ampleur de la subordination de l’ensemble de nos rapports sociaux aux rapports de production, le degré auquel chaque moment de nos vies participe de la production et de la reproduction du capital. Le salaire, dans les faits (et cela inclut l’absence de salaire), a permis au capital d’obscurcir la longueur de notre journée de travail. Le travail apparaît ainsi comme un seul compartiment de la vie quotidienne, qui n’existe que dans certains lieux. Le temps que nous passons dans l’usine sociale, pour nous préparer au travail, ou à aller travailler, la restauration de nos « muscles, nerfs, os et cerveau » avec des repas rapides, du sexe rapide, des films, etc, sont autant d’instants qui nous apparaissent comme des loisirs, du temps libre, des choix individuels28.

En d’autres termes, il s’agit d’étendre la portée du slogan « le personnel est politique » afin d’y inclure non seulement la reproduction de la domination masculine au sein du domaine privé, mais aussi la reproduction des dynamiques favorables au capitalisme. C’est que, comme le rappelle Lise Vogel au sujet du travail domestique, la division entre la sphère du travail salarié et celle de ce qui est considéré comme relevant du privé, ne fait, notamment dans une société patriarcale, que renforcer les structures de domination :

La démarcation fortement institutionnalisée entre le travail domestique et le travail salarié, dans un contexte de suprématie masculine, forme la base d’une série de puissantes structures idéologiques, qui acquièrent une autonomie significative.(29)

Dans ce cadre, affirmer que « le travail sexuel est un travail » et donc que le sexe, rémunéré ou non, peut être un travail, doit ouvrir la possibilité d’un processus de désidentification – pour reprendre le terme que Kathi Weeks utilise en se référant à la campagne Wages for Housework – des femmes de la sexualité à laquelle elles sont, dans une société capitaliste patriarcale, souvent contraintes :

Réclamer un salaire pour une pratique « si identifiée à une pratique féminine » permet d’entamer un processus de désidentification : « Rien que demander un salaire revient déjà à clamer que nous ne nous identifions pas à ce travail » (Edmond et Flemming). Ainsi, « dans la mesure où par la lutte [elles] gagn[ent] le pouvoir de briser [leur] identification capitaliste », les femmes peuvent, selon Cox et Federici, au moins déterminer ce qu’elles « ne [sont] pas (30) ».

De la même manière avec « sexwork is work », s’il ne s’agit pas encore de savoir quelle sexualité (re)construire dans le cadre d’une lutte féministe, il s’agit au moins de savoir celle dont on ne veut pas – une sexualité de service organisée selon la division sexiste du travail. Comme l’écrit Silva Federici :

nous voulons nommer travail ce qui est un travail de sorte que nous pourrions éventuellement redécouvrir ce qu’est l’amour afin de créer notre sexualité, que nous n’avons jamais connue (31).

Il ne s’agit donc pas, au travers de « sexwork is work » de demander que le travail du sexe soit considéré comme un travail « comme les autres », et qu’à ce titre sa dépénalisation soit considérée comme une fin en soi. La mise en application d’une telle politique libérale, comme on l’a vu avec les exemples allemands ou hollandais, ne sert que les intérêts des patrons de l’industrie du sexe, de sorte que ces politiques n’ont pour effet que de remettre dans les mains des capitalistes la rémunération des travailleuses du sexe. Il s’agit bien au contraire de réaffirmer que si cette reconnaissance du travail sexuel est nécessaire, c’est justement parce ce n’est qu’en l’identifiant clairement que les femmes seront à même de pouvoir le refuser, dans le cadre d’une lutte plus générale de refus du travail et pour une refondation radicale de la société et de ses dynamiques de reproduction.

Conclusion

L’analyse du travail sexuel en termes de travail reproductif présente ainsi plusieurs avantages. Premièrement, en nous invitant à ne pas seulement regarder l’industrie du sexe comme une simple industrie au sein de laquelle se déploient des dynamiques capitalistes, sexistes et racistes, elle nous permet de considérer le rôle fondamental de celle-ci au sein du système capitaliste. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement de considérer l’exploitation des travailleurSEs du sexe par les bénéficiaires directs du travail du sexe – proxénètes, tierces parties, clients – mais plutôt de ne considérer ceux-ci que comme les médiateurs de l’exploitation plus globale des femmes par le capital. Deuxièmement, en nous permettant d’analyser les dynamiques à l’oeuvre dans la répression du travail sexuel – répression notamment en lien avec des enjeux de gestion des migrations – l’introduction des travailleuses du sexe dans la catégorie plus générale des travailleuses reproductives, côte à côte avec les travailleuses domestiques ou du care, nous permet de saisir les enjeux de la lutte des travailleuses du sexe en des termes de lutte contre le néolibéralisme et notamment de ses effets sur les femmes immigrées ou du Tiers-Monde. Enfin, en nous invitant à repenser la notion même de « travail », ces analyses nous offrent l’occasion de redonner une dynamique nouvelle à la lutte contre l’appropriation de celui-ci, une dynamique qui permette notamment de prendre en compte les travailleurs et travailleuses traditionnellement exclues de ces luttes et qui, souvent, sont réduits à lutter de manière isolée, en dépit et en conséquence des effets désastreux du capitalisme sur leur vie (travailleurs indépendants précaires, mères célibataires, travailleuses du sexe, travailleuses domestiques, sages-femmes, etc.) en vue d’une remise en cause radicale de la division du travail et des idéologies – notamment sexistes et racistes – sur lesquelles elle repose.

Morgane Merteuil.

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1. Cet argument est régulièrement développé dans les textes d’auteur-e-s abolitionnistes, voir par exemple, pour ceux qui le formulent le plus explicitement, un communiqué de l’AIVI : « la prostitution n’est pas un travail mais une violence! » ou l’ouvrage de Janice Raymond, « not a choice, not a job »
2. Lilian Mathieu, La fin du tapin, Sociologie de la croisade pour l’abolition de la prostitution, Bourin, 2013, p. 17.
3.Pour un aperçu des débats entre le mouvement Wages for Housework et les mouvements féministes et de gauche, voir par exemple Silvia Federici et Nicole Cox, « Counterplanning from the Kitchen », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p. 28-40, réponse au « Women and Pay for Housework » de Carol Lopate.
4.Carole Leigh, « inventer le travail du sexe », in Luttes XXX – inspirations du mouvement des travailleuses du sexe, Maria Nengeh Mensah, Claire Thiboutot et Louise Toupin, éd. du remue-ménage, 2011, p. 267-270.
5. https://www.youtube.com/watch?v=enpTFJsswWM à partir de 1:10:23.Transcription Ellis Suzanna Slack, traduction Morgane Merteuil.
6. Voix du jaguar.
7. Silvia Federici et Nicole Cox, « Counterplanning from the Kitchen », in  Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.31
8. Silvia Federici et Nicole Cox, « Counterplanning from the Kitchen », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.31.
9. Silvia Federici, « Why Sexuality is work », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.25.
10.Silvia Federici, « Wages against Housework », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.15.
11.Leopoldina Fortunati, The Arcane of Reproduction : housework, prostitution, labour and capital, Autonomedia, p.17.
12.Leopoldina Fortunati, The Arcane of Reproduction : housework, prostitution, labour and capital, Autonomedia, p.17.
13.Leopoldina Fortunati, The Arcane of Reproduction : housework, prostitution, labour and capital, Autonomedia, p.18.
14.Silvia Federici, Caliban et la sorcière : Femmes, corps et accumulation primitive, Entremondes et Senonevero, 2014 pour la traduction française, p.191-192.
15.Clyde Plumauzille, Le « marché aux putains » : économies sexuelles et dynamiques spatiales du Palais-Royal dans le Paris révolutionnaire, Revue Genre, Sexualités et Sociétés, n°10 Automne 2013, p. 21/26.
16. Voir Henry Heller, The Bourgeois Revolution in France. 1789-1815, Berghahn Books, 2009.
17. Karl Marx, Le Capital, Livre I, « Machinisme et grande industrie ». http://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-15-9.htm
18. Voir Alexandre Frondizi, Histoires de trottoirs. Prostitution, espace public et identités populaires à la Goutte – d’Or, 1870 – 1914, Mémoire de thèse, 2007.
19. Gayle RUBIN, “Penser le sexe”, in Surveiller et jouir – Anthropologie politique du sexe, Epel, 2010, traduction Flora Bolter, Christophe Broqua, 20. Nicole-Claude Mathieu et Rostom Mesli, p. 156-157.
21.  Voir : Elizabeth Bernstein, Temporarily Yours, Intimacy, Authenticity and the Commerce of Sex, The University of Chicago, 2007.
Elizabeth BERNSTEIN, “the sexual politics of the new abolitionnism”, in Differences : a journal of feminist cultural studies, 18/3, 2007, p. 137 .
22. Sara Farris, « Les fondements politico-économiques du fémonationalisme ».
23. Sara Farris, « Les fondements politico-économiques du fémonationalisme ».
24. Silvia Federici, « reproduction et lutte féministe dans la nouvelle division internationale du travail ».
25. Kathi Weeks, The problem with work : feminism, marxism, antiwork politics and postwork imaginaries, Duke University Press, 2011, p. 136.
26. Laura Agustin, « Kristof and the Rescue industry, the soft side of imperialism ».
27. Yasmin Vafa, « Racial Injustice: The case for prosecuting buyers as sex traffickers »
28. Silvia Federici et Nicole Cox, « Counterplanning from the Kitchen », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.35-36.
29. Lise Vogel, Marxism and the opression of women : Toward a unitary theory, Brill, 2013, p.160.
30. Kathi Weeks, The problem with work : feminism, marxism, antiwork politics and postwork imaginaries, Duke University Press, 2011, p.130.
31. Silvia Federici, « Wages against Housework », in Silvia Federici, Revolution at Point Zero, PM Press, 2012, p.20.

Source : Morgane Merteuil, revueperiode.net

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Le groupe Lesbien et Gay de soutien aux mineurs, UK 1984-85

Texte en anglais trouvé sur le site anar britannique Libcom.org, dans sa rubrique « History », sous le titre « 1984-85: Lesbian and Gay Miners’ Support Group ».
La traduction a été réalisée par le Collectif Anarchiste de Traduction et de Scannerisation (CATS) de Caen en septembre 2011. ablogm.com/cats/

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Une courte histoire du Groupe Lesbien et Gay de Soutien aux Mineurs qui fut mis en place durant la grève des mineurs en 1984-85 et qui défia les préjugés portés par beaucoup de gens dans le mouvement ouvrier.

Avant la grève des mineurs il aurait été très difficile d’imaginer un minibus de mineurs grévistes circulant dans la vallée de Dulais en Galles du Sud avec sur ses portes et sur son tableau de bord un slogan disant :
« Ce véhicule a été donné par le Groupe Lesbien et Gay de Soutien aux Mineurs ».
En fait, en février 1985, il y avait 11 Groupes Lesbiens et Gays de Soutien aux Mineurs dans tout le pays. 6 d’entre eux ont répondu à notre enquête.
En décembre 1984, rien que le groupe de Londres avait réuni 11 000 £ grâce à un mélange de collectes dans les pubs, les clubs et les rues, de prestations, de fêtes et d’autres évènements. L’événement phare fut certainement le « Pits and Perverts gig» (littéralement le « concert des puits de mines et des pervers-es » NDT) à l’Electric Ballroom où Bronsky Beat était en haut de l’affiche et qui rapporta 5 650 £. Lors du concert David Donovan, un mineur des Galles du Sud déclara : « Vous avez gagné votre badge « Cole not Dole » (« Du charbon pas le chômage » NDT), et vous connaissez le sens du mot harcèlement, comme nous. Maintenant nous porterons votre badge sur nous, nous vous soutiendrons. Les choses ne changeront pas en une nuit mais maintenant 140 000 mineurs savent qu’il y a d’autres causes et d’autres problèmes. Nous savons pour les noirs, les gays et le désarmement nucléaire. Et nous ne serons jamais plus les mêmes. »
L’existence et l’activité des nombreux groupes prouvent que beaucoup de lesbiennes et gays soutenaient les mineurs. Comme le groupe de Southampton le remarquait dans sa réponse à notre enquête :
« Nos meilleures expériences furent de rencontrer des mineurs qui venaient en ville depuis Abercynon. Après être descendus ici de manière répétée et avoir rencontré des socialistes politiquement actifs, les voyant collecter de l’argent, de la nourriture et des vêtements et travailler d’une manière générale en soutien aux grévistes, leurs attitudes furent obligées de changer juste du fait de leurs propres expériences, parce qu’ils savaient que nous sommes justes des gens ordinaires, et des gens qui soutenaient leur lutte […] Ils ont dû changer beaucoup de leurs attitudes et comme cela a souvent été dit, les choses ne furent plus jamais les mêmes ».

Formation et activités
Les Groupes Lesbiens et Gays de Soutien aux Mineurs qui ont répondu à notre enquête furent formés plus tard que les autres groupes. Le groupe de Londres fut le premier à être créé en juillet 1984 et il démarra avec 11 membres. 6 mois plus tard, il était passé à 50. Répondant à notre questionnaire, ils et elles déclarèrent que la formation du groupe fut « l’un des développements les plus importants et positifs dans la communauté lesbienne et gay de Londres en 1984. »
Le Groupe Lesbien et Gay de Soutien aux Mineurs du Lothian (une région d’Écosse NDT) fut créé 2 mois plus tard en septembre 1984 avec 12 membres rassemblant chaque semaine 40 £ pour le centre gréviste de White Craige dans le Lothian de l’Est.
Les « Lesbiennes Contre les Fermetures de Mines », de Londres, suivirent en novembre 1984, impliquant plus de 20 femmes. Elles collectaient 50 £ par semaine pour le Groupe d’Action des Femmes de Rhodisia, à Worksop, et déclaraient : « Les activités des femmes dans la grève (les femmes des mineurs NDT) avaient évidemment une influence majeure sur nous ». Le soutien lesbien et gay aux mineurs a reçu une bonne couverture dans la presse de gauche et syndicale. À la « rencontre de la marge » des lesbiennes et gays, à laquelle participèrent 250 personnes, lors de la conférence du Parti Travailliste en octobre 1984, le NUM qui dominait la conférence*, envoya le message de soutien suivant :
« Nous soutenons les libertés civiles et la lutte des lesbiennes et des gays. Nous nous réjouissons des liens établis dans les Galles du Sud et ailleurs. Notre lutte est la votre. Victoire pour les mineurs. »
Et le Groupe de Soutien des Femmes de Notts, à qui le Groupe de Lesbiennes et de Gays de Londres « Soutenez Les Mineurs » avait donné 250 £ en décembre 1984, écrivait : « J’écris au nom du Groupe de Soutien des Femmes de Notts pour vous exprimer notre gratitude pour le soutien et la solidarité que vous avez montré en formant le Groupe de Lesbiennes et de Gays de Londres « Soutenez Les Mineurs ». Nous vous envoyons également notre solidarité totale et notre soutien dans la lutte contre toutes les formes d’oppression et de préjugés basés sur la sexualité. Nos luttes font parti, et sont des parcelles, du même combat. Nous vous sommes particulièrement reconnaissantes de nous avoir constamment tenu informées de vos activités et d’avoir contribué matériellement au soutien de groupes afin que la lutte puisse continuer jusqu’à la victoire. »

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Cet article est repris du site web « Hayes People’s History » et peut être trouvé là bas.

Note du traducteur :
* Le NUM est le National Union of Mineworkers, le syndicat des mineurs participant à la confédération TUC, Trade Union Congress, le grand syndicat réformiste, social-démocrate anglais. Son poids politique au sein du Parti Travailliste, parti qui est historiquement l’émanation politique des syndicats anglais, était fort à cette époque.
Le NUM, contraint par sa base à entrer dans une lutte longue (un an de grève environ) et très violente, fit beaucoup pour freiner et finalement étouffer la lutte des mineurs, lutte qui se termina par une lourde
défaite ouvrière.

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On s’encule, ils spéculent – Eurocrade, Marseille, 2013

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Texte émis par un collectif de féministes, trans, pédés, gouines, bi.es, queers, asexuel.les, et tordu.e.s en tous genres, majoritairement blanc.hes, cisgenre et valides.

« Que le temps fort de l’Europride se déploie à Marseille est une opportunité (…) pour le positionnement de Marseille comme métropole européenne ouverte et attractive pour les LGBTI dans tout l’espace euroméditerranéen. »

« Vous pourrez profiter de la ville historique, du nouveau quartier de la Joliette sur le territoire Euro-Méditerranée, dîner sur le port, déambuler dans le quartier des créateurs – le cours Julien –, visiter le quartier historique du Panier – Plus belle la vie – ou encore profiter de la plage spécialement aménagée pour vous. »

(Extraits du site officiel de l’Europride Marseille 2013)

Déjà capitale européenne de la culture depuis début 2013 ; du 10 au 20 juillet, avec l’€uropride, Marseille devient capitale européenne de la culture gaie et lesbienne « mainstream » : les chantiers continuent et on nous remet encore une couche de peinture rose, avec cette fois-ci quelques touches d’arc-en-ciel ! Alors, puisque ce coup-ci on se sert de l’alibi culturel aux couleurs des fiertés homosexuelles, nous, féministes, trans, pédés, gouines, bi-e-s, queers, assexuel-le-s, déviant-e-s de la normalité… et habitant-e-s de Marseille, prenons la parole et partons à l’offensive pour dénoncer l’instrumentalisation et ne pas collaborer à ces politiques d’aménagement urbain qui, entre autres, installent les plus riches à la place des plus précaires, processus que, dans un certain jargon, on nommegentrification(1).

Le choix de Marseille pour le déroulement de ces événements vise à valoriser l’image de la ville afin de répondre aux exigences impliquées par son statut de pivot économique européen dans l’espace méditerranéen. Le faste du divertissement attire l’oeil et cache ce qui se trame derrière lui.

Marseille est probablement la dernière grande ville de France à ne pas être complètement aseptisée. Pour y remédier, des moyens, et pas des moindres, sont mis en oeuvre, grâce à l’opération Euromed(2), à l’Agence nationale de rénovation urbaine(3), aux partenariats publics-privés entre la métropole et, entre autres, les bétonneurs Vinci, Eiffage et consorts… Après avoir laissé l’habitat se dégrader, il s’agit de virer les pauvres des immeubles vétustes du centre-ville et de les remplacer par des bureaux, des infrastructures culturelles, des commerces et logements de standing. Une grande entreprise de  pacification, de « reconquête », s’est engagée dans le cœur de la ville où le pouvoir et la bourgeoisie se donnent à voir, exhibent leur image de marque.

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De vastes projets immobiliers pullulent un peu partout. Le Vieux Port est désormais muséifié et javellisé. Le Panier est rénové en décor de série télé, et Belsunce s’apprête à accueillir une population toujours plus aisée. Noailles devient un quartier commerçant qu’on voudrait « exotique » ou « cosmopolite », envahi de flics, de caméras et de touristes. Le marché aux puces des Arnavaux sera aseptisé, transformé par Euromed 2 en « marché des cinq continents ».

« Ici on est entre le Marais et Montmartre. » Voilà ce qu’affirment les promoteurs de l’€uropride à propos du Cours Julien… Le Cours Julien et la Plaine deviennent, certes, un quartier « boboïsé » « festif » et « créatif » avec sa branchouille-attitude, ses terrasses blindées. De là à comparer le quartier à Montmartre ou au Marais, c’est prendre les rêves des spéculateurs immobiliers pour une réalité ! Quelques petites entreprises LGBT y fleurissent certes aux côtés de boutiques de créateurs mais, même si la spéculation bat son plein, on reste assez loin des tarifs au mètre carré(4), seul véritable enjeu de toutes ces transformations pour les décideurs. Cela dit, le décor est planté, le Cours Ju, filmé par les caméras de la ville est déjà bien clinquant et augure de ce qu’il se passe sur tout le quartier de la Plaine. Il ne reste plus qu’à y attirer une population aux portefeuilles encore plus garnis et à éjecter les derniers récalcitrant-e-s. Certain-e-s, en tout cas, s’y attèlent déjà, tel ce commerçant (gay) du Cours Ju, caricature bien réelle de cette bourgeoisie bien pensante de gôche, qui a réussi à coups de citoyennisme zélé et de pétition à faire en sorte que dégagent les « zonards », mendiant-e-s ou travailleur-euses du sexe de sa rue. On peut aussi citer ce bar lesbien, place Jean Jaurès, où l’on fricote avec la police aux frontières.

Le village de l’€uropride s’installe à la Friche de la Belle de Mai, désormais lieu en vue de la culture capitale… L’ancienne manufacture de tabac accueille le pôle média où l’on tourne Plus belle la vie, le pôle culturel où l’on croise des artistes et des touristes qui se baladent en taxi ou en pousse-pousses au coeur d’un quartier si « typique »… Autres quartiers, même ambition de faire du fric : la Belle de Mai et Saint-Mauront  restent jusqu’à présent des quartiers populaires où les gens friqués sont pour l’instant minoritaires. Mais les spéculateurs savent à quoi s’en tenir : il fait bon y investir. Grâce à leurs proximités avec les quartiers Euromed et le centre-ville, grâce à la fréquentation de la Friche, des commerces pour riches et des infrastructures culturelles qui s’y installent, grâce à toutes celles en projet notamment à Saint-Mauront, grâce à la transformation de la caserne du Muy en campus universitaire : ces quartiers ont un avenir immobilier tout tracé. On y vit actuellement en partie dans des logements que les bailleurs laissent se dégrader, au milieu des rats et des cafards, mais, ça construit, ça rénove, on incite les uns à partir pendant que d’autres arrivent, attirés qu’ils sont par les évènements culturels mais aussi par le « charme » d’un quartier qu’on vend pour son « âme de village » et « ces communautés qui cohabitent et se respectent ». Pacifier pour coller à l’image publicitaire de l’agence immobilière, tout en s’assurant que cellezésseux qui seront contraint-e-s de partir, continuent à se faire la guerre (les fils et filles d’immigré-e-s contre les Rroms, les locataires contre les squatteur-euse-s, les mecs virils contre ceux qui le sont pas assez  etc.). Peu à peu, alors que les uns ou les unes partent, une nouvelle population s’installe, et ne tardera pas à trouver cellezésseux qui restent trop bruyant-e-s, trop odorant-e-s, trop voilé-e-s… et à les dénoncer, quand la loi le leur permet.

Le J4 accueille la cérémonie d’ouverture et une partie des soirées de l’€uropride. Désormais s’y dresse le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. Inauguré début juin, le Mucem accueille l’expo « Au bazar du genre, féminin-masculin en Méditerranée » qui scelle une appropriation par la bourgeoisie hétéro blanche des réflexions autour du genre et des sexualités. Les luttes féministes, trans, homosexuelles, queers…, nos existences en somme, y sont muséifiées, vidées de leurs sens, pensées avec les termes des puissants. On se rend dans ce « grand marché » en famille, pour y observer les curiosités exposées : des photos de femmes voilées en talon, des vidéos des premières gaypride y croisent celles de cérémonies de dévoilement organisées dans les colonies(5), ou encore des pisse-debout, des préservatifs féminins, des hymens artificiels et des badges féministes en vitrine…

Joliette, J4, quais d’Arenc : lieu phare de la transformation urbaine opérée ces dernières années par le projet Euromed, qui s’étendra jusqu’aux Crottes et à La Cabucelle. A la place des logements ouvriers, des docks, des entrepôts et autres espaces industriels et portuaires, se dresse aujourd’hui un quartier d’affaires, des bureaux à n’en plus finir pour y accueillir des activités tertiaires « innovantes » ou des sièges d’entreprises, comme la tour de la CMA-CGM (compagnie des porte-conteneurs). On y trouve aussi le silo, transformé en salle de concert et de spectacle, la future galerie marchande et son Multiplex et bien sûr les docks des Sud (qui accueillent les soirées de l’€uropride) : tout un commerce culturel pour jeunes cadres dynamiques.

Au final, un nombre incalculable de projets de rénovation urbaine sont en cours ou partiellement réalisés et rendront Marseille si parfaitement semblable à d’innombrables autres grandes villes. On a bien là un phénomène de normalisation, d’homogénéisation des villes, toutes sur un même modèle : à chaque pièce du puzzle, sa fonction.

L’€uropride s’installe dans des endroits huppés, symboliques de la politique de la ville. Cet évènement s’adresse aux lesbiennes et gays qui ont pu montrer patte blanche et s’intégrer. Cellezésseux que les intérêts capitalistes souhaitent accueillir au coeur de la ville à la place de cellezésseux qu’on voudrait cantonnés dans des cités dortoirs encerclées par la police, dans les usines ou dans les mêmes bureaux mais aux heures de ménage, ou encore dans les prisons (et autres centres de rétention, établissements pour mineurs, maisons d’arrêt, hôpitaux psy).

La ville elle-même devient un lieu d’enfermement. Les urbanistes combattent les angles morts, tous ces espaces qui échappent encore au regard des caméras de vidéosurveillance. Autant de lieux d’une sociabilité qui n’est pas encore totalement intégrée à la normalité et aux flux contrôlés : des “marchés aux voleurs”, des zones où l’on peut se retrouver pour tenir les murs, des espaces libres pour s’y rencontrer entre pédés (et plus si affinités), d’autres où les travailleuses-eurs du sexe emmènent leurs clients… Il s’agit, au final, d’empêcher tout rassemblement, tout arrêt, tout attroupement. La configuration des lieux et l’architecture sont pensées pour des interventions policières, voire militaires, rapides et efficaces.

Nous, féministes, trans, pédés, gouines, bi.es, queers, asexuel.les, et tordu.e.s en tous genres refusons de collaborer avec cette machine de guerre et son alibi culturel, avec les concepteurs et les profiteurs de ce système dont la politique d’aménagement urbain n’est qu’une des multiples facettes. Nous choisissons de prendre la parole et de visibiliser nous-mêmes nos déviances à l’ordre hétéropatriarcal et homonormé. Nous refusons de nous laisser confiner dans les endroits spécialisés où l’on exploite commercialement notre besoin de rencontre.  Nous nous battrons pour défendre des lieux de rencontre (et/ou de « racolage ») qui ne sont pas contrôlés par des patrons, des macs ou une quelconque autorité, des lieux où il n’y ait pas besoin de puce électronique ni d’aucun moyen de paiement pour s’y rendre.  Pour que naissent ou renaissent ces lieux, dans nos quartiers, en groupant nos forces face aux flics, aux machos ou aux fachos qui voudraient nous en chasser… Parce que souvent notre genre ou notre apparence nous contraignent à n’exister que dans certains espaces-temps, nous voulons nous réapproprier la ville parce qu’elle est aussi, dans son ensemble, presque systématiquement conçue et vécue selon le modèle hétéro-patriarcal et la division sexuée du travail(4). Nous  voulons reprendre la parole des mains de ceux qui se la sont accaparée pour faire passer leurs arguments publicitaires de tour-operator gay-&-keuf-friendly, leur discours libéral, sécuritaire et ethno-centré, si semblable à celui de l’ensemble de cette classe dirigeante qui, de gauche à droite, mène des politiques qui renforcent l’exclusion, l’exploitation et les dominations.

A toustes cellezésseux, quels que soient nos genres, nos sexualités, nos cultures, nos couleurs de peau, à cellezésseux pour qui cela signifient, d’une manière ou d’une autre, que nous n’avons plus notre place dans la ville, à nous de refuser la réduction des espaces à leur simple fonction dans la machine productive, à nous de refuser l’absorption de l’ensemble de nos rapports dans cette spirale capitaliste. A nous toustes de ne pas nous contenter de la maigre place qu’on nous laisse mais d’en déborder.

Des habitant.es de Marseille féministes, trans, pédés, gouines, bi.es, queers, asexuel.les, et tordu.e.s en tous genres, majoritairement blanc.hes, cisgenre et valides.

1  – « L’embourgeoisement des quartiers populaires passe par la transformation de l’habitat, des commerces et de l’espace public, ce qui en fait un processus spécifique qu’on appelle gentrification. Cette transformation matérielle peut prendre différentes formes, comme la réhabilitation du bâti ancien ou sa démolition et son remplacement par des bâtiments neufs. Elle peut être progressive et diffuse, à l’initiative des ménages acquérant et transformant peu à peu les logements, ou de promoteurs immobiliers et de commerçants, ou au contraire planifiée par les pouvoirs publics et transformant d’un seul coup un quartier entier ou un ancien espace d’activité ouvrier (friche industrielle, portuaire, ferroviaire), le plus souvent en partenariat étroit avec des promoteurs privés. » (Anne Clerval, La Lutte des classes dans l’espace urbain, extrait d’entretien, in Lutte des classes et aménagement du territoire, http://basseintensite.internetdown.org)

2 – « Euromed » est une opération « prioritaire » d’aménagement du territoire mise en oeuvre par décret ministériel en 1995 et qui s’étend d’abord sur le périmètre Euromed 1 (la rue de la République, Arenc, la Joliette, la Friche Belle de Mai et la caserne du Muy, Saint-Charles / Porte d’Aix…) puis Euromed 2 (la Cabucelle, les Crottes, Bougainville, les puces des Arnavaux, les Aygalades, le futur éco-quartier Allar…). L’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée est une entreprise privée financée et administrée par des acteurs du secteur public (ministres, élus de la ville, préfet…).

« Euromed est l’outil local idéal pour la « restructuration de Marseille » (…) qui s’opère à coups d’expropriations, d’expulsions, d’exercice à outrance du droit de préemption (c’est-à-dire qu’Euromed est toujours prioritaire pour racheter les immeubles de la zone). (…) Il y a un côté exemplaire dans les projets Euromed du simple fait que « l’aménagement du territoire » se déploie et se décline aussi bien à l’échelle de la ville qu’à l’échelle internationale, en passant par l’échelle européenne. » (Marseille Infos, spécial Euroméditerranée,  http://basseintensite.internetdown.org/IMG/pdf/euromerde.pdf)

« Les quinze premières années d’Euromediterranée donnent à voir un projet de développement économique efficace appuyé sur une volonté municipale de gentrification des quartiers arrière-portuaire. Ce projet économique et urbain était justifié par la situation de crise d’une ville en mal de régénération.  » (Marseille Euromediterranée, accélérateur de métropole, Brigitte Bertoncello, Jérôme Dubois, 2010)

3- L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est un établissement public industriel et commercial créé par la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, afin d’assurer la mise en oeuvre et le financement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) qui concerne les « Zones urbaines sensibles ». Pour Marseille, la politique de l’ANRU se décline en 14 projets de rénovation qui sont essentiellement dans les quartiers au Nord : la zone Centre Nord – pour Belsunce, La Villette, National… – ; Saint-Mauront ; Saint-Paul ; Malpassé ; Les Flamants ; Saint-Barthélémy, Picon, Plan d’Aou ; Callisté ; Saint-Joseph ; Les Créneaux ; La Viste ; La  Solidarité ; La Busserine, avec un futur pôle d’attractivité économique sur la place de la gare et où, comme à La Savine, le désamiantage est prétexte à détruire les logements pour « reloger » ailleurs les habitants. C’est aussi, au Sud, le quartier de la Soude – Hauts de Mazargue, qu’ils envisagent de réhabiliter avec une démarche « éco-quartier », à proximité du nouveau Parc national des Calanques, et dont les nouveaux logements, à l’image des HLM construits dans le quartier des Catalans ou face à la plage du Prado du temps de Deferre, seront réservés à une clientèle sinon ethniquement au moins socialement homogène : des cadres, des employés de la Ville ou apparentés.

4 –  Dix ans après l’installation du premier bar gay dans le Marais, en 1990, le tarif de l’immobilier était déjà à 3800€ le m2, 20 ans après, en 2010, il est passé à 9300€ !

5 –  Les colons français ont mené d’importantes campagnes de dévoilement au Maghreb. Le 13 mai 1958 à Alger, place du Gouvernement : des musulmanes sont montrées sur un podium pour y brûler leur voile. L’enjeu de cette mise en scène est de taille : il faut pour les autorités coloniales que les femmes algériennes se désolidarisent du combat des leurs.

6 – « La division sexuelle du travail rend possible une des divisions spatiales fondamentales dans la ville moderne. C’est parce qu’il y a séparation entre travail domestique et travail salarié et attribution de l’un aux femmes, de l’autre aux hommes qu’ont pu se constituer des espaces-temps distincts, que l’on a pu même penser l’organisation de la ville en fonction de cette distinction, et nommer des catégories d’espaces correspondant à chacune des fonctions. Et la situation spatiale des femmes n’est pas ici seule en cause. Les deux sexes sont pris dans cette organisation, ils la construisent. Le fonctionnement de la ville reflète et renforce bien les rapports inégalitaires entre hommes et femmes que l’on constate par ailleurs. Il est bien une construction dont la cohérence, et donc la solidité, reposent sur une certaine division entre les sexes. » (A propos de la construction sexuée de l’espace urbain, Jacqueline Coutras, 1997)

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Nous resterons une honte pour la Nation – Eurocrade, Marseille 2013

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A en entendre certain.e.s -de G. Bush à Ni putes Ni soumises en passant par Caroline Fourest !- notre monde serait aujourd’hui (comme à l’époque des Croisades) divisé en 2 camps : d’un côté le monde civilisé, démocratique, libéral, tolérant, antisexiste, respectant les « minorités sexuelles », plutôt blanc et judéo-chrétien, de l’autre c’est la barbarie, l’autoritarisme, l’intégrisme, l’homophobie, le sexisme, plutôt racisé et musulman. Cette vision est issue en partie de l’idéologie du « choc des civilisations », alimentée par la « guerre au terrorisme » post 11 septembre 2001 et se nourrissant de traditions coloniales et d’une réalité post-coloniale. En découle une islamophobie relayée par les médias des pays dits occidentaux (ex: l’industrie hollywoodienne, la série 24h Chrono, le film Zero dark thirty, ou encore le magazine Elle ou Cosette…) et accompagnée d’un renouveau de nationalisme. C’est ainsi que des groupes LGBT américains, européens, israéliens etc. (plus précisément les groupes où les gays et lesbiennes blanc.he.s et friqué.e.s imposent leur parole et écrasent celle des personnes racisées, précaires, des trans etc.) tolèrent ou soutiennent les politiques de leurs gouvernants. Ces derniers utilisent les luttes féministes et LGBT pour justifier leurs guerres capitalistes et leurs politiques impérialistes (en témoigne la campagne contre l’homophobie menée par les Etats-Unis dans des pays d’Afrique et du Moyen-Orient).

En parallèle, se développe tourisme et commerce gay et lesbien avec une courses aux destinations les plus gay-friendly. En France, Montpellier, ville étudiante fortement cloisonnée où les quartiers pauvres sont en périphérie, remporte la palme en célébrant le premier mariage d’un couple gay (intimes de la porte-parole du gouvernement) qui iront passer leur voyage de noces à Tel Aviv. Le fait qu’Israël, par exemple, soit vu comme le paradis des LGBT (grâce aux relais médiatiques européens entre autres) est censé rendre la destination plus attractive et faire de ce pays un modèle de modernité et de tolérance, en tentant de faire oublier qu’il est un État d’apartheid, fondé sur la colonisation et la guerre.

Le développement de mouvements gays ouvertement capitalistes et ethnocentrés, ainsi que la normalisation de la frange la plus aisée/blanche des LGBT, par le biais de l’accès privilégié qu’illes ont à la consommation, renforcent l’essor des mouvements homonationalistes.

On peut se rappeler de Pim Fortuyn, gay nationaliste néerlandais (amateur de jeunes marocains selon ses propres dires), élu député en 2001, et la présence d’un certain nombre de gays, plus ou moins avoués, chez les cadres du FN, ainsi qu’à l’UMP. Il existe d’ailleurs au moins une page Facebook de LGBT qui soutiennent Marine Le Pen : rien d’étonnant puisqu’elle surfe sur la laïcité et la défense des acquis des femmes et homosexuels face à l’Islam, passant sous silence les positions de son propre parti sur ces questions (et notamment d’un certain Jean- Marie qui parlait il y a quelques années de mettre les « sidaïques » dans des « sidatorium »). Ceci dans un contexte général où, par ailleurs, les prières de rue musulmanes sont unanimement condamnées, alors que les manifestations des anti-IVG catholiques sont protégés par les flics et ne font jamais la une des journaux.

Les groupes LGBT (Gaylib à droite, Homosexualités Et Socialisme à gôche) émergeant également au sein des partis au pouvoir, se bornent à la défense des « droits des LGBT », tout en soutenant les positions racistes et/ou islamophobes de leurs partis (ex: traque des Rroms et des migrant.e.s sans-papiers). Il est d’ailleurs fort probable qu’illes ne descendront plus dans la rue pour défendre le « Mariage pour Tous », alors que 11 nationalités (Maroc, Algérie, Tunisie, Pologne, Slovénie, Kosovo, Cambodge, Laos, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro) restent exclues du cadre de la loi suite à une circulaire signée par Taubira1

En parallèle, les positions anti-voile de certaines féministes et LGBT relèvent aussi bien du racisme et de l’islamophobie déguisés sous le masque républicain de la laïcité. Les slogans “Mon corps m’appartient!” et “Ne me libère pas, je m’en charge!”, sont aujourd’hui vidés de leur sens par différents courants du féminisme, sans que ces derniers y voient une aberrante contradiction. Leurs arguments sont repris par les politiques de droite comme de gauche au nom de la libération des femmes, prétexte à des prises de position et à des lois racistes. L’instrumentalisation du voile (intégral ou pas) pour mettre au ban, empêcher certaines d’aller à l’école, d’exercer leur profession (dans les secteurs privé ou public), d’entraver leur circulation dans l’espace, ne camoufle-t-il pas un rappel à l’ordre et une mise à l’amende de toute une communauté (ex: loi de 20042, l’affaire Babyloup3) ? Ne s’agit-il pas également pour cette frange du féminisme, ou pour ceux qui l’instrumentalisent, d’un réflexe ethno- centré et arrogant, se traduisant par “Je sais mieux que toi ce qui est bon pour toi” et “Viens dans LA modernité, la mienne, la seule, l’unique ou alors casse toi” ? On sent bien là des relents de paternalisme à la sauce coloniale, et en prétendant sauver les femmes musulmanes (qui n’ont rien demandé), on stigmatise tou.te.s les musulman.e.s (ou les personnes vues comme telles), emboîtant le pas aux fachos et aux politicards. Alors que les agressions d’homosexuels et l’assassinat de Clément Méric par des militants d’extrême-droite soulèvent une indignation nationale et médiatique et des réactions légitimes de colère, le silence, notamment des féministes, face aux agressions d’Argenteuil4 a démontré à quel point la parole de femmes musulmanes voilées est ignorée ou considérée comme suspecte (ex: la sinistre chronique de France Culture « Le monde selon Caroline Fourest » du 25 juin 2013).

Par ailleurs, l’inter-LGBT d’Ile-de-France (organisation regroupant différents collectifs LGBT), en 2011, refusait l’adhésion de l’association Homosexuels Musulmans de France5 et proposait pour la GayPride une affiche (sur fond bleu), représentant un coq gaulois (blanc) portant un boa (de plumes rouges!) : difficile de trouver une meilleure image de l’homonationalisme ! L’affiche a finalement été retirée sous la pression des LOCS (Lesbiennes of Colors) entre autres. Cette année, l’€uropride organise une « conférence » sur le thème « LGBT et religion » qui se résume à une table ronde intitulée « Homo et chrétien, c’est possible » dans une ville où la moitié de la population est de culture musulmane.

Il ne s’agit pas pour nous de défendre des préceptes religieux mais de pointer des discriminations de fait, qui, drapées de républicanisme laïcard ou de féminisme, ne sont que des orientations racistes et xénophobes.

Nous défendons la liberté de chacun.e à disposer de son corps ainsi que de la façon dont chacun.e désire le mettre en scène dans l’espace, sans avoir à subir ni réflexion, ni restriction de circulation, ni répression !

Plus généralement, quand on n’est pas blanc.h.e, on est sous-représentés dans la prise de parole au sein des cercles LGBT. L’imagerie, de l’€uropride notamment, mais aussi de l’ensemble des représentations gaies dans les médias dominants, est construite autour de corps masculins blancs, lisses, musclés… Quand toutefois les personnes racisées sont représentées, comme dans l’industrie du porno gay, il s’agit de les exotiser et de les mettre en scène dans les clichés qui leurs sont associés : lascars, prisonniers, mâles bien montés en tenues coutumières folklorisées… On se trouve en permanence confronté à un rejet ou à la fascination exotique des spécificités physiques ou culturelles des personnes racisées. Être utilisé comme objet sexuel dans une société frustrée n’est en aucun cas une forme de reconnaissance.

Lorsque les médias dominants, les universitaires, les politiciens et la plupart des assos lgteubés parlent de la question des gays et lesbiennes dans les banlieues (celles que l’on appelle « zones urbaines sensibles »), ce n’est que pour les victimiser, généraliser des situations concrètes, invisibiliser et dévaloriser les stratégies des personnes concerné.e.s. En témoignent les propos du co-fondateur de Ni putes ni soumises6: ” La différence entre l’homophobie des campagnes et celle des cités, c’est le degré de violence directe. Les jeunes de cités sont menacés physiquement par des bandes de caïds ou leur entourage le plus immédiat (…); à deux ou trois stations de RER, en république française, être homo est un crime passible des pires châtiments”. C’est à la fois faire passer le climat homophobe et hétéronormé présent dans l’ensemble de la société pour une particularité des quartiers populaires, et stigmatiser au passage l’ensemble de la population des cités. En parallèle, l’Etat ne cesse de renforcer la présence policière, déjà musclée, dans les quartiers dits « sensibles » -comprenez quartiers pauvres- où logent en grande partie des populations qui subissent des contrôles au faciès.

Dans ce contexte global, en tant que « mauvaise élève », pas assez française, pas assez laïque -comprenez trop musulmane- Marseille va se faire redresser : la République s’est donné pour mission la reconquête de la ville, tant au niveau sécuritaire qu’économique. Euromed 1 et 2 (projets de restructuration urbaine), Marseille Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture, et l’€uropride en sont des outils autant que les flics. Les politiques et entrepreneurs/investisseurs, aussi rétrogrades soient-ils, ont tout intérêt à y attirer des personnes ayant des revenus sensiblement supérieurs à ceux des habitants actuels, quitte à jouer la carte de l’ouverture et de la « tolérance » vis-à-vis des personnes LGBT.

Et certains groupes LGBT s’accomodent fort bien, voire soutiennent ouvertement ces politiques racistes et islamophobes. Ce soutien permet aux partis et gouvernements en question de conserver une image acceptable, du fait de leurs positions « progressistes » concernant les « minorités sexuelles ». C’est ce qu’on appelle le Pinkwashing, processus de récupération et d’instrumentalisation des luttes féministes et LGBT à des fins commerciales et/ou politiques.

Dans la droite ligne de ces politiques, l’€uropride se vante de son service d’ordre. Est-ce la peur des fachos et des catholiques intégristes ou s’agit-il plutôt de rassurer ses clients, les homos à fort pouvoir d’achat qu’il faut protéger des autochtones pauvres et non-blancs (donc a priori homophobes et voleurs). Ainsi, l’orga a mis en place un système de bracelets électroniques afin de sécuriser les paiements dans les lieux de consommation de la Pride, et une application pour smartphones ! A qui s’adresse l’évènement et comment des outils sécuritaires (les puces électroniques entre autres) peuvent être utilisés lors d’évènements soit disant militants? On nous fera bientôt croire que les caméras de vidéosurveillance sont là pour éviter les agressions homophobes ! D’ailleurs, le FLAG ! (asso des policiers et gendarmes LGBT ) qui aura un stand au village de l’€uropride nous montre qu’il n’y aurait pas d’incohérence à être LGB(Trans ?) et à participer à toutes les opérations de répression de l’état raciste : expulsions, reconduites à la frontière, traque des pauvres, des sans-papièr.e.s, des prostitué.e.s . C’était quoi les premières Prides déjà? Ah oui! C’est vrai, la commémoration des émeutes de Stonewall à New York en 1969, riposte aux violences policières sur les trav’, les trans et les homos! Alors, fier.e.s de quoi dans tout ça? De se faire géolocaliser, pucer, ou de claquer la bise à un flic, tout LGBT soit-ille?

NOUS, des trans, pédés, gouines, bi.e.s, queers, asexuel.les, et tordu.e.s en tous genres (majoritairement blanc.he.s, cisgenres et valides), refusons que les luttes de libération soient utilisées, détournées, dissoutes dans des discours racistes, coloniaux et sécuritaire et qu’elles servent d’argument pour exclure, stigmatiser, expulser. Les barbares sont ceux qui exploitent la misère, ceux qui donnent des leçons de démocratie à coups de canons, et ceux qui sont capables de « tolérer » n’importe quoi, de collaborer pourvu que leur capital ou leurs petites fesses s’en sortent.

Nos luttes sont globales! Notre force se nourrit de nos solidarités, de la construction collective de nos outils de défense et de nos ripostes! Nous ne voulons pas de frontières, nous ne voulons pas de drapeaux, nous sommes fier.e.s d’être une honte pour la Nation !

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Des féministes, trans, pédés, gouines, bi.e.s, queers, assexuel.le.s et tordu.e.s en tous genres (majoritairement blanc.he.s, cisgenres et valides).

1- Cette circulaire informe les maires qu’ils ne peuvent marier un ressortissant français et un ressortissant de l’un des 11 pays cités, en raison d’accords bilatéraux indiquant que la loi relative au mariage qui s’applique est celle du pays d’origine.
2- La loi du 15 mars 2004 interdit le port de tenues et de signes religieux « ostensibles » à l’école. Elle s’applique depuis la rentrée scolaire 2004/2005 et interdit de porter le voile, plus ou moins couvrant (hidjab, tchador, khimâr), la kippa, les grandes croix chrétiennes (catholique, orthodoxe), le dastaar, turban avec lequel les Sikhs cachent leurs cheveux, le bandana s’il est revendiqué comme signe religieux et couvre la tête. Qui est concerné ? Les élèves des établissements scolaires publics, même majeurs, tout le personnel scolaire, enseignants compris, et les parents accompagnant les sorties scolaires. Cette interdiction s’applique dans les écoles, collèges et lycées publics (classes préparatoires et BTS compris), et tous les lieux extérieurs accueillant des activités scolaires (gymnases…). Les universités ne sont pas concernées. Les risques encourus : une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à l’exclusion si l’élève persiste dans son refus d’enlever le signe religieux après un dialogue prolongé avec le chef d’établissement.
3- Il s’agit du licenciement d’une salariée de crèche (Yvelines) pour refus d’enlever son voile. La cour de cassation a déclaré le licenciement illégal mais des Caroline Fourest, Elisabeth Badinter et autre Finkielkraut ainsi que la présidente de Ni Putes Ni Soumises (parmi tant d’autres) ont signé une pétition demandant une modification de la loi sur la laïcité afin d’interdire le voile dans toutes les structures privées ou publiques accueillant des enfants. La directrice de Babyloup a reçu lla médaille du Mérite des mains de Manuel Valls. La loi est en préparation.
4- Les 20 mai et 13 juin, deux agressions de femmes portant le voile ont eu lieu à Argenteuil: leur voile leur a été arraché, elles ont été rouées de coup (l’une d’elle, enceinte, a fait une fausse-couche) et ont reçu des insultes racistes et islamophobes.
5- Présents sur le programme de l’IDEM durant l’Europride
6- F. Chaumont , Homo-ghetto : Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République.

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Non à l’instrumentalisation de la question trans par les soutiens du patron de La Mutinerie

Texte de juillet 2014.

Nous sommes trans et non blancs/racisés. Nous vivons dans notre chair le fait que ces deux aspects de nous-mêmes nous précarisent. Nous sommes à la fois grévistes et soutiens de la grève à la mutinerie. Nous en avons plus que marre que le patron de ce bar et tous ceux qui le soutiennent utilisent la question trans pour faire diversion sur les questions d’exploitation capitaliste, raciste et sexiste dénoncées par les grévistes.

Les rappels sur la transidentité du patron sont malhonnêtes car on dirait que lui seul était trans et concerné par des oppressions de genre et sexualité.  Or le patron de la mutinerie n’est pas un trans perdu tout seul au milieu de personnes cis (c’est à dire non trans). Il est un trans dans un milieu queer : il y avait d’autres trans, précaires et aussi non blancs. A la mutinerie, peu importe ses opinions politiques ou identités, il est un patron. Un patron qui a comme employé-e-s des meufs, trans ou cis, des mecs trans et des gouines. Ce n’est donc pas sa transidentité qui est déterminante, mais le fait qu’il est le patron de ces personnes.

Un patron, qu’il/elle soit homo, bi, lesbienne, trans, ou tout ce qu’on voudra, est un ennemi de classe face à ses employé-e-s. Le capitalisme a de beaux jours devant lui s’il suffit que le patron ne soit pas l’homme hétérosexuel cis pour qu’on arrête de le combattre avec la même détermination.

Combien de trans ont accès à la possession d’une entreprise ? Sûrement très peu. Ce ne sont que des privilèges de classe qui peuvent le permettre dans un monde aussi transphobe, et cela a des implications concrètes. En possédant un bar, le patron de la mutinerie n’est pas concerné par les discriminations à l’emploi puisque c’est lui qui embauche . Pareil, pour trouver un logement, il est favorisé contrairement aux autres trans qui n’ont pas les filets de sécurité dont il dispose pour constituer un dossier. Tant mieux pour lui, mais qu’il n’essaie donc pas de se transformer en une victime d’un complot transphobe quand ses employé-e-s noirs et arabes, queers et trans, précaires, se rebellent contre lui. On accuse les grévistes « d’utiliser le politique » mais que font le patron et celles/ceux qui le soutiennent avec la question trans ?

Quand des trans sont précaires, exposé-e-s à de grandes difficultés matérielles, sans emploi et logement,  nous refusons catégoriquement qu’un sujet aussi sérieux que la transphobie serve à défendre un patron bourge.  Alors oui nous sommes trans, mais redisons ici que le patron de la mutinerie est un ennemi de classe. Dans ce contexte, la transidentitié ne suffit pas à nous rendre frères et soeurs, et vu le racisme et le classisme qu’a révélé cette grève, nous ne le serons jamais.

Enfin, si tous ceux qui soutiennent le patron parce qu’il est trans s’intéressaient vraiment à la condition des trans :    

  • Pourquoi ont-ils été plus pris de compassion pour la situation du trans patron et pas du tout pour celle du trans gréviste ?  

  • Pourquoi n’ont-ils pas non plus hésité à salir de manière raciste les trans non blancs en soutien à la grève, en les accusant par exemple de vouloir « casser le bar », choses qu’ils n’ont jamais dites ? [Ajout : le 21/08/14 nous tenons à préciser ce point qui illustre le racisme, particulièrement envers les pauvres de cité : un des deux trans racisés qui a tenté une médiation avec le patron avant la grève a été accusé par le patron de l’avoir menacé, de vouloir le taper dans une ruelle, et pour finir, d’être avec 10 mecs pour casser le bar … On retrouve là le discours des soit disant « bandes de mecs dangereux de cité »…]

  • Et puis comment ont-ils pu penser qu’ils défendaient réellement la cause trans en utilisant autant de procédés anti féministes, en persistant à dire, malgré le nombre croissant de personnes impliquées dans la grève et en soutien, que ce n’est qu’une histoire « de meuf frustrée d’avoir été larguée » même quand ceci est totalement faux ?

Ce texte a été distribué et affiché aux UEEH 2014

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Mutinerie à La Mutinerie, grève des cautions arabes et noires

Click here to read this text in english : Mutiny at La Mutinerie

Le 25 octobre 2013 publié sur soutienauxgrevistesinsoumiz.wordpress.com

La Mutinerie, bar du Marais à Paris, a la prétention de se définir comme un bar politique : « féministe antiraciste décolonial, par et pour les meufs gouines, trans, queers »1. Il se veut collectif politique, horizontal et participatif. Avec des ateliers à prix libre, des projections, des débats, des événements incluant des réflexions sur le rapport entre dominant.e.s et dominé.e.s.

Nous – issues de l’immigration néocoloniale et de la traite, issues de banlieue et de milieu rural, tout.e.s pauvres donc sans héritage, précaires face au travail et au logement, avec nos loyers et familles à charges, sans réseau propre, sans le temps nécessaire à l’acquisition d’un capital culturel ou militant etc. – sommes employées à la Mutinerie.

Pourtant, au risque de nous mettre dans une précarité encore plus grande, nous dénonçons, publiquement maintenant, l’organisation et l’exploitation sexiste, raciste et classiste qu’il y a dans ce bar. Par ce texte, nous dénonçons la domination du patron sur ses employées, la domination des blancs sur les autres et la reproduction de normes hétérosexistes et néocoloniales.

Au vu de la renommée internationale que s’est forgée le bar en se servant de notre image et de nos luttes, nous avons choisi de diffuser ce texte le plus largement possible afin que tout le monde soit bien conscient.e de ce qui s’y joue.

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>>> Ce bar prétend « refuser d’ignorer le classisme » pourtant depuis le début:

Ecart de salaire : On est payé entre 200 et 400 euros par mois sans être déclaré quand l’équipe-gérante gagne entre 5 à 10 fois plus par mois, au minimum.

Absence de droit du travail : Certain.e.s bénéficient de la possibilité de se faire payer les taxis, d’avoir des vraies pauses repas payées, d’avoir des congés payés, de fermer plus tôt, des arrêts-maladies, des avances extraordinaires, d’être payé.e.s par le bar et la sécu pendant leurs arrêts (et tant mieux) quand l’une d’entre nous a vu ses jours non-payés après avoir été hospitalisée ou l’autre par exemple. Basé sur une domination classiste, on renforce les plus riches dans leurs privilèges et surtout, on refuse de leur en retirer au profit d’une juste répartition qui bénéficierait à celles dont la condition inférieure est considérée comme normale.

Différences de traitement : Certain.e.s performeur.euse.s, particulièrement les performeur.euse.s-employé.e.s de l’équipe, peuvent être payé.e.s jusqu’à 200 euros le quart d’heure ce qui correspond à un mois de salaire pour la majorité d’entre nous. Tandis qu’à prestation/performance égale, des rémunérations différentes sont mises en place. Aussi, quand eux se payaient directement dans la caisse, nous, nous devions quémander notre dû au point de se sentir illégitimes.

Véritable exploitation économique : Le flou maintenu sur le bar qui serait un collectif politique ou un lieu commercial a permis au patron d’entretenir différents privilèges et de nous exploiter. Faisant croire depuis des mois que le bar risquait de fermer, faisant faire du « bénévolat » pour le faire survivre, allant jusqu’à organiser une quête sur internet pour «sauver le bar» (dont le montant récolté reste inconnu). Nous apprenons qu’il l’a acheté (achat du fond de commerce) en son nom il y a environ un mois. Il fait lui-même la comptabilité du bar…
Pourtant, le week-end c’est nous qui assurons la rentrée principale d’argent qui lui a servi à devenir propriétaire du bar. C’est un cautionnaire pensant participer à un bar horizontal, qui a fourni une partie de la caution nécessaire à la location. Depuis, en soutien il s’est retiré du projet jusqu’à nouvel ordre. Notre travail a pu assurer la pérennité et la renommée de la Mutinerie: en un an ce qui se fait passer pour un projet collectif, un bar autogéré est en fait ni plus ni moins un bar capitaliste comme les autres dans lequel le patron est devenu propriétaire.

>>> Ce bar se vend comme « antiraciste décolonial », pourtant nous subissons :

Une Stigmatisation raciale : rumeurs infondées sur des listes de travail collectives désignant certaines nommément de voleuses (les arabes), jugeant par ailleurs d’autres trop lentes (les noires de l’équipe).

Une Répartition raciale des tâches : d’une façon générale, le ménage et les livraisons n’étaient assurés que par nous. Les WC que l’équipe-gérante se refusait d’effectuer et dont le nettoyage est devenu un véritable bizutage pour certaines d’entre nous dès leur arrivée au sein de l’équipe. Aucune responsabilité décisionnelle ne nous a jamais été concédée. Ne serait-ce qu’une consultation sur nos propres plannings.

Une Répartition raciale des temps de travail : les noires et les arabes ne travaillent qu’ensemble le week-end parce que les blancs refusent de travailler avec nous (trop lents, trop violents). S’ajoutant à ça, la rémunération du week-end n’est même pas supérieure à celle de la semaine…

Comment devient-on agressives ?

Les personnes racialisées ne travaillent donc qu’entre elles et uniquement le week-end dans ces conditions et pour ces raisons. Ce sont les jours où il y a le plus de monde, de travail (faire le ménage et les livraisons accumulées de la semaine…). Le week-end correspond aussi aux plus grandes rentrées d’argent, à une gestion de personnes plus violentes (alcoolisées, sous produit, racistes, sexistes, lesbophobes, etc.). C’est aussi avoir affaire très souvent aux keufs (plusieurs fois, nos identités ont été relevées alors que nous ne sommes pas déclarées), plusieurs d’entre nous se sont faites agressées (vêtements, sous-vêtements déchirés), touchées (fesses, seins…)… Et, tout ceci dans l’indifférence totale voire le mépris de l’équipe-gérante tout en accordant une attention démesurée à des caprices de confort2. Les agressions que nous avons subies ont servi, au-delà de l’indifférence, à faire de nous des personnes violentes. Miroir de la société…

>>> Ce bar combat l’hétéronormativité et se veut féministe, pourtant nous subissons :

La notion de consentement : Ce lieu se revendiquant du féminisme tolère des prises d’espace, de visibilité et de pouvoir venant de personnes aux comportements douteux et abusifs. Et, plus généralement, ils ignorent ces comportements en fonction de la popularité des personnes impliquées.

Une domination de genre : Le patron nous possède. Il – blanc, de visibilité sociale hétéromasculine, patron d’un bar, et en interaction intime avec les principal.e.s concerné.e.s – propose du travail à celles – femmes, arabes, noires, venant de banlieue, sans travail…- qu’il convoite affectivement. Il entretient des relations sexuelles (dissimulées) avec (au moins) quatre de ses employées, aucune déclarée. Et, plus largement, avec plusieurs personnes du collectif de la Mutinerie. Il met ainsi en place un rapport de domination/privilèges sur ses employées-amantes.

Une mise en concurrence sexiste : Mensonges et larges faveurs financières créant des rivalités entre
Les employé.e.s. (déclarés/non déclarés, noir.e.s/blanc.he.s, bourgeois/prolétaires…) et les amantes (parmi les employées, les membres du collectif, les clientes… officielle/non-officielle…). Diviser pour mieux régner, le bar est devenu un véritable harem capitaliste. Tout devient une faveur accordée par le bon patron dans un réseau d’influence et de conflits d’intérêt motivés par l’argent, le sexe et l’orgueil, en un mot le carriérisme.

Silence et violence : Nombreux et nombreuses sont celleux qui savaient mais qui ont choisi de ne rien dire pire de cacher et mentir. On ne renonce pas si facilement à ses privilèges : être la favorite du patron, avoir son loyer payé, avoir plus de dates, être administrateur, performeur, graphiste ou autres pour la mutinerie, avoir un lieu de drague et où aller boire un verre, se donner bonne conscience alors qu’on a sous les yeux l’expression la plus directe de l’exploitation économique et des survivances néocoloniales. Alors que nos multiples remarques et critiques ont toujours été ignorées, déformées, invisibilisées ou réduites à des conflits personnels donc dépolitisées, il nous est maintenant reproché de ne pas avoir « osé » parler plus tôt.

Diffamation et exclusion : Certaines parmi nous se sont opposées à ce fonctionnement depuis des mois. Tout comme ont été refusé les tentatives pour acheter le silence de certaines3. Le patron a alors tenté de virer l’une d’entre nous. D’abord, en s’appuyant sur les rivalités entre employées-amantes qu’il avait créées. Puis, en organisant une véritable campagne de diffamation sexiste4, de rumeurs et d’accusations racistes5 afin d’organiser un vote entre l’équipe-gérante pour l’exclure sans même l’en/nous en informer. La campagne de décrédibilisation contre l’employée « à virer » se ponctuera par la dissimulation d’un compte-rendu de réunion. C’est dans cette ambiance que «l’employée à virer» s’est sentie obligée de se retirer (sans solde). D’autres l’ont soutenu et se sont solidarisées au regard de leur propre situation. C’est le début d’un positionnement organisé et public et la fin d’une croyance illusoire en des arrangements internes. La véritable Mutinerie commence enfin.

Nous dénonçons ce système néocolonial6 :

Comment ont-ils pu nier les profits engendrés grâce à notre travail ? Comment ont-ils pu ne pas s’apercevoir des privilèges dont ils bénéficiaient ? Et, évidemment, comment ont-ils pu ne pas se rendre compte d’une telle usurpation ? Leur aisance était directement liée à notre précarité pendant des mois. Leur niveau de vie a considérablement changé sous nos yeux pendant que nous nous faisions humilier et exploiter professionnellement et politiquement. Nous ne pouvons désormais qu’affirmer l’illégitimité de leurs présences. Ce bar, néocolonial et capitaliste, se sert de l’attrait exotisant de ses serveuses pour les soirées hypes du week-end et de l’image de nos luttes pour mieux nous exploiter.

Par ailleurs, les cautions noires et arabes qui servent de marionnettes, qui croient encore en l’illusion républicaine, qui espèrent l’assimilation ou performent leur race dans un folklore dépolitisé ne peuvent en rien servir de prétexte à l’égalité ou servir à nous opposer. Oui, on ne pense pas toutes pareilles…

Une fois la situation connue officieusement dans le collectif plus large de la Mutinerie, nous ne pouvons aussi que constater la réaction nombriliste et inconséquente des personnes blanches, inquiètes pour leurs réputations parce qu’impliquées. Majorité complice et silencieuse qui voit, se tait et étouffe, participe à ce système.

Nous avons conscience que ces oppressions sont aussi présentes dans l’ensemble des milieux militants blancs de gauche que nous connaissons pour avoir évolué parmi les mouvements féministes, les mouvements d’extrême-gauche, les mouvements antiracistes… Ce bilan reste encore douloureusement d’actualité dans bon nombre de milieux qui se veulent militants.

Nous nous mettons donc en grève illimitée, sans condition et immédiate.

> Nous exigeons un changement immédiat des statuts légaux du bar, que la direction et le fond de commerce soit collectivisés, ainsi que la démission des racistes de l’équipe. Nous voulons faire partie intégrante du rééquilibrage du bar et la redistribution des rôles décisionnels.

> Nous exigeons la suspension de tout événement politique jusqu’à nouvel ordre. La charte doit être retirée du bar et de tous les sites internet faisant référence à la Mutinerie. Nous voulons également que ce texte soit affiché sur place dès sa parution.

> Nous exigeons le paiement de tous nos arriérés, des arrêts-maladies et congés ainsi que le paiement rétroactif des week-ends, des heures de courses et de ménage effectuées depuis le début. Celleux d’entre nous qui refuseront de réintégrer ce lieu devront pouvoir bénéficier d’indemnités de chômage conséquentes.

> Nous exigeons la reconnaissance officielle des dommages infligés aux personnes concernées ainsi que la reconnaissance de la reproduction des oppressions de race, de classe et de sexe dans ce lieu. Pour finir, nous voulons des excuses publiques.

                       Des employées de la Mutinerie et leur allié.e.s,

                               Féministes radicailles, rurales et décoloniales !

                                     Contact : mutineriealamutinerie@riseup.net

1 http://www.lamutinerie.eu/projet.html

2 Échanger les heures de travail à la dernière minute, prendre le travail des autres à leur guise et en fonction de la pénibilité, ne jamais travailler seul.e. Pire, quand on est clientes, nous demander de les remplacer plusieurs fois dans la même soirée, de changer les fûts ou de gérer les livraisons à leur place… C’est la culture du ressenti qui ne s’applique qu’à certaines personnes, empathie sélective.

3 Des indemnités personnelles, des dates en plus pour certaines, des pseudos travaux de bricolage, de rangement, de ménage…

4 L’une d’entre a été accusé à tort d’avoir eu des rapports sexuels dans la réserve pendant que la police fouillait le bar et/ou abandonnant le bar laissant les clients se servir…

5Des membres de l’équipe gérante ont toujours refusé, jusqu’à aujourd’hui, d’adresser la parole à certaines d’entre nous. Pour appuyer ces fausses accusations, menace de recourir à des soi-disant « témoins » de vols, d’agression sur une membre de l’équipe, de mauvais travail, de non professionnalisme et même d’accusations de comportements abusifs !!!

6A. Memmi « Portrait du colonisé, Portrait du colonisateur », Edition Corréa, 1957

 

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Egalité des droits ? (slam)

Égalité des droits, non mais vous croyez quoi
égalité des droits, au regard de quoi
Décadent, décadent. Quand je serai dedans, moi aussi je pourrai rejeter les décadents.
Courir après, m’assimiler
Si intégré j’peux exister
Nantis, nantis. On va quand même pas rester planqués parmi les nantis. Pourquoi se réinventer un autre radeau quand on peut se pousser derrière le chefton en écarquillant un peu les parois du paquebot.
Avec mes pales papiers de blanc j’me fonds aux murs du bateau
les autres coulent, derrière, dans les tréfonds de l’océan
tant pis, y’a pas d’la place pour tous les manants
Faut bien q’y’en ai qui crèvent en sourdine pour flatter notre orgueil de couard
égalité des droits, non mais vous croyez quoi
égalité des droit, mais pour qui dans quelle voie
Avoir le choix de pouvoir se marier
ça c’est un combat, de pouvoir avoir le choix, ça s’appelle l’égalité
« je ne veux pas me marier mais je veux pouvoir avoir le choix de me marier »
Vas-y répète, j’ai pas compris, pas capté ta logique, mais je pense t’as pas le
temps de m’expliquer, ta logique tombe sous le sens
Va, rentre dans la danse, une alterno gaucho qui veut révolutionner c’est bien
beau mais ça va pas nous avancer bien haut,
Ni homme ni femme Zombie
ils sont bien rigolos ces jeunots mais bon un peu de sério
déjà tout le monde ne jure que par cela l’égalité des droits, et faudrait encore
leur expliquer, z’avez qu’à lire, on a pas le temps, faites pas semblant de pas
comprendre, normalisation des revendications,
et des trans qui se font castagner ? C pas la question, on ne parle pas de ça là,
des sans paps qui se font rembarrer ? Plus tard, dans la lutte y’a des priorités
des gouines qu’osent pas s’outer ? Les petits gais marchent fièrement devant Coq
au poing, colons avides, oubliant les sœurettes derrière
La cellule binaire reproductrice, un repère de rêve, pourquoi nous autres lgbt
s’en affranchir ?
C bien ce qui nous distingue, gouine, trans et pédés
Comme si ça pouvait nous ressembler, de faire exploser la cellule familiale
Comme si ça pouvait avoir du sens, de pas se retrouver assimilée à un ventre à féconder
Comme si on voulait s’échapper du piège de l’amour, comme seul repère
d’existence- se trouver d’autres possibles qu’une aliénation dans une cage, flambant
le rose bonbon
Abolition du mariage ? S’arracher le pactole du CAC 40 plutôt que de picorer les
baisses d’impôts des infortunés élus.
égalité des droits, mais pour qui dans quelle voie
égalité des droits, parmi vous j’en veux pas
« Je ne veux pas me marier mais je veux pouvoir avoir le choix de me marier »
Tiens c’est marrant ça me fait penser aux mecs qui ne veulent pas aller aux marches
féministes, non non ça les intéresse pas, mais qui veulent pouvoir avoir le choix
d’y aller !
J’assume mon sectarisme, j’veux vraiment pas avoir droit à la même réalité que
toi, j’aime pas les trompes l’œil ça déforme la vue, l’ordre des valeurs et des
priorités dans une vie. Parce que nos réalités sont différentes, dans une hétéro-
normativité oppressante jamais je serai ton égale alors j’veux même pas essayer !
Et viens me parler, viens de ton pote sans paps’ avec qui tu te maries, me parle
pas de contre- argumentaire, on partage des mêmes choix par défaut dans une
réalité borgne. Ça m’empêche pas de crier les idéaux qui planent au-dessus de
ma tête à chaque instant de ma lutte !
Quand est-ce que tu comprendras que ta lutte de suiveur toute tracée elle étrangle
ma rage à foison ? Parce que, p’tetr t’y crois qu’une fois le droit au mariage on
se rappellera des violences conjugales ? L’APGL est juste derrière, tapie dans
le coin, prête à rebondir au vol, la dernière pierre à l’édifice, que le tableau soit
complet à vos étroites réalités. Et viens pas me charger, que je suis une facho
contre la parenté des gais et des lesbiennes, dis-moi dans ton histoire c à quel
moment qu’on crée de la solidarité à plusieurs, même dans nos chaumières ?
Dans le genre, les luttes prioritaires, une meuf qui crève tous les deux jours et
demi sous les coups de son mari, ça te parle pas, ? T’as envie de ressembler à ça ?
Arrête steuplait, de caresser ton p’tit cul dans le bon sens du poil avec le mal
hors de ta portée
La violence de la cruelle normalité, elle frappe à ta porte, tu peux plus te détourner
Se raccrocher au symbole judéo-chrétien qui nous scelle les deux pieds liés sous
la croix et la bannière- t’abuse, la bonne idée !
Courir au diapason derrière la première connerie lâchée, vous avez pensé avant
de vous culbuter ?
Le devoir conjugal, nous aussi on y a droit ! Non si la nature m’a mise de côté
j’tirerai la nappe-forteresse de mon côté, j’renverserai à tort et à travers tous ces
20bouts de pied mêlés j’botterai en touche et me fouterai la tête dans le sable, plutôt
que de ressembler à vos gueules d’apôtres !
Parce que la réalité d’aujourd’hui c’est des gamines de 20 ans qui veulent se
marier et avoir des enfants, qui s’endettent déjà jusqu’aux dents parce qu’elles
ont pas le temps de penser autrement, et q’ça me fait flipper !
Parce que dans cette course à cotiser jamais on se tourne du côté de son voisin
pour lui serrer la main et chercher, c quoi ensemble qui nous ferait un peu de
bien ?
Parce qu’on faillit à chaque marche sur les routes de la solidarité, on a pas appris,
plutôt que la compétitivité ?
Parce que l’égalité des sexes ça se passe comme, des bofs bobos qu’offrent leur
bouquet aux meufs à la journée de la meu-fa, comme ça p’tetr bien qu’ils se les
taperaient, moi je joue pas dans cette cour-là !
Parce que l’homophobie est la première cause de mortalité des 12-25, pour cause
la virilité comme culte de la personnalité a trouvé son ennemi public number one.
égalité des droits, parmi vous j’en veux pas
égalité des droits, vraiment très peu pour moi

(Trouvé sur basseintensité.internetdown.org)

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« Nous ne sommes pas capitalisables, nous sommes ingouvernables ! », Queerage, 1994

ingouvernables

Vous nous avez imposé l’hétérosexualité comme seul modèle de sensibilité, de sensualité et de sexualité. Les garçons aiment les filles et les filles aiment les garçons. Votre conception de l’amour s’est limitée à la procréation de chair à canon, alors que la notre appartenait déjà au monde des désirs, du plaisir, de l’affection et des étoiles.

Puis, vous n’avez cessé de propager la haine des queers*, la haine des différences. Vous nous avez brûlé-es, enfermé-es, chassé-es, déporté-es, gaz-es, dénoncé-es, psychiatrisé-es, étudié-es, ghéttoïsé-es, expérimenté-es, nié-es puis attesté-es, testé-es, contesté-es et détesté-es.

Votre hétérosexisme n’a fait que nourrir notre rage. Votre haine n’a fait qu’embellir nos amours.

Aujourd’hui, plus que jamais, nous ne voulons ni de votre sexualité bénétier ni de votre normalité, ni de votre ennui ni de votre aliénation, ni de votre intégration dans ce système patriarcapitaliste, raciste, nourrit de la domination des un-es sur les autres.

Votre intégration c’est la désintégration de nos passions.

Nous ne cherchons pas à imiter ceux qui nous ont constamment réprimé-es. Vos images, vos clichées, vos jouissances virtuelles et marchandes ne nous intéressent pas. Nos amours et nos sentiments ne se normalisent pas, nos corps ne se commercialisent pas.
Nous ne sommes pas capitalisables, nous sommes ingouvernables !

QuEErAge

*Nous sommes queers parce que nous ne sommes pas hétéros, mais bisexuelles, lesbiennes, gays, travestis, transexuel-les, transgenres…

Tiré de Star, n°2, sept 94, « le zine de celles et de ceux qui rêvent de toucher les étoiles »
« Notre but : en finir avec le patriarcat. Nos moyens : Se battre avec rage pour aimer sans contrainte, sans ordre moral, sans sexisme et sans homophobie »
.

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Trans Rentboys : recueil de textes sur des travailleurs du sexe trans

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Extraits de la brochure :

« Je pense qu’assez peu de gens savent qu’il existe des mecs trans travailleurs du sexe, notamment parce que nous ne sommes pas très présents dans le porno. Il y a beaucoup de porno avec des hommes cis, avec des femmes cis, ou avec des femmes trans (bien que pour ces dernières, l’appellation est un peu différente, et pas forcément… élogieuse) donc c’est ça qui vient à l’esprit des gens, je pense.»

« Une fois, quelqu’un m’a demandé si mes clients étaient majoritairement des hommes, et s’ils étaient plutôt hétéros ou gays. Oui, pour le moment, je n’ai eu que des hommes. Puis j’ai vu la personne faire une drôle de tête en prenant conscience de sa question sur l’orientation sexuelle de mes clients. Et la réponse, c’est oui, j’ai eu des clients hétéros, gays, et curieux. »

(Jet Young, travailleur du sexe trans)

Une brochure traduite par Transkind  à télécharger en format pdf, page par page ou livret.

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Je ne veux pas me marier

Je_ne_veux_pas_me_marier-b5383Je ne veux pas me marier. Signer un contrat devant la République pour reproduire fidèlement le couple et la famille, ces institutions qui ont toujours servi à la reproduction de l’ordre existant, est une idée qui me répugne. La norme est trop étroite. Je ne me laisserai pas dicter quel comportement je dois avoir. Je ne suivrai pas docilement le troupeau de ceux qui emménagent dans une vie de crédits, biens rangés entre le boulot
et le foyer.

Mes désirs ne sont pas solubles dans la platitude de vos relations. Je ne suis pas à la recherche d’une vie de bohème dans un ghetto pour gay. Je ne veux pas de vos rapports truqués où l’on se considère comme des marchandises. Je m’en branle de la reconnaissance de l’Etat. Je n’en ai que foutre de vos lois, de vos arrangements démagogiques, de vos coming-out de célébrités, de votre bienséance et de votre bonne pensée. Je ne me plierai pas à vos injonctions qui me poussent à m’intégrer toujours plus à cette société.

L’hypocrisie de vos réformes n’est guère moins nauséabonde que les serments des réacs de tous bords et culs-bénits de toutes religions. Et faisant les louanges de la démocratie occidentale et de ses valeurs, vous ne faites que les rejoindre dans un remake du « travail-famille-patrie »…

Décembre 2012.

L’affiche en pdf : Je ne veux pas me marier

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[actu] Conformiste, bourgeois, romantique : le mariage gay épouse les traditions

Au cœur de mariages de couples homos par «M», le magazine du «Monde»
publié le 29/08/2014 par le média mainstream Yagg
À en croire l’auteure de l’article, les couples qui se sont mariés jusqu’ici ont privilégié la tradition à la subversion.

«Je considère que, lorsqu’on occupe une position sociale supérieure, la vie privée n’existe plus et qu’il faut se montrer pour aider les jeunes gays vivant dans des milieux moins libéraux», a confié Jean-Paul Cluzel, le président du Grand Palais, à la journaliste du Monde Raphaëlle Bacqué. Il lui a donc ouvert les portes de son mariage avec Nicolas Droin, le directeur de l’Orchestre de chambre de Paris. Parmi les invité.e.s, Alain Juppé, Valérie Trierweiler, la directrice de la danse de l’Opéra de Paris Brigitte Lefèvre, le PDG de la Fnac Alexandre Bompard, et des énarques… Une ambiance bon chic bon genre, où l’on pouvait se frotter à «des costumes élégants et des cravates en soie».

L’ouverture du mariage avait beau être décriée comme un élément de rupture avec des traditions millénaires, dans de nombreux cas, les couples d’hommes et les couples de femmes qui se disent oui respectent à la lettre l’étiquette. «J’avais insisté pour que l’annonce de notre union soit publiée dans le Bulletin quotidien, cette bible des élites administratives françaises», souligne ainsi Jean-Paul Cluzel, lui aussi sorti de l’ENA et membre de l’Inspection des finances. Finalement, «ce fut un mariage classique avec alliances, champagne et quelques non-dits» puisque les familles des mariés ne leur ont pas offert de cadeau, sans donner d’explication particulière.

L’article de M, le magazine du Monde, décrit d’autres mariages mondains, mais aussi des unions de couples moins en vue. «On y retrouve les mêmes rituels, alliances, bouquets et vins d’honneur comme si, célébrées sous les ors de la République, les amours homosexuelles adoptaient aussi les conformismes de l’hétérosexualité», écrit Raphaëlle Bacqué. La journaliste, parfois avec quelque maladresse, relève quelques particularités propres aux couples gays ou lesbiens. Pour certain.e.s, le mariage serait «trop ringard» ou cette cérémonie vue comme «une forme de compromission». Les couples de même sexe se permettent aussi quelques excentricités, constatées ça et là. Mais dans l’ensemble, «on ne moque surtout pas l’institution, lorsqu’on choisit de s’y soumettre, et l’on rêve au contraire de “normalité”», peut-on lire. Un rêve que l’on touche déjà du doigt, semble-t-il: ouvrir le mariage «accélère la banalisation de l’homosexualité, et donc son acceptation», n’hésite pas à affirmer M. Cette mesure qui a réveillé le pire – les défilés en rose et bleu – charrierait aussi le meilleur, comme le veut la formule consacrée.

 par Julien Massillon
(source mainstream : yagg)
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« Théorie de la pute »

Un montage qui s’inspire assez peu fidèlement d’extraits de « Théorie de la Pute », traduction d’un pamphlet écrit par le mouvement queer insurrectionnaliste américain « Bash Back ! », (qui signifie riposter à l’agression des queers, des trans, des putes, des gouines ou des pédés)… On peut trouver la traduction originale dans la brochure « Queer ultraviolence » et ci-dessous.

Montage extrait de l’émission Haine des Chaînes du 1er avril 2013 (voir). Vous pouvez aussi le télécharger.

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Théorie de la Pute

Pour la pute, il est extrêmement important d’être à tout moment magnifique, à la fois en apparence et intellectuellement. En tant que fidèles déviantEs de la féminité, nous nous devons dans une certaine mesure d’afficher une haine bien sentie à l’égard de toute ce qui est immaculé et fade. Les petits garçons et les petites filles ont besoin de plus de modèles d’obscénité dans leur vie ; de plus de salopes magnifiques et cinglées à admirer. IlLEs doivent apprendre ce que c’est de vouloir, d’être des putes incapables de ravaler et réprimer leurs émotions.

« On ne naît pas pute, on le devient » ne veut rien dire, alors fermez vos putain de cahiers. Nous sommes des contradictions à la démarche fière, et on n’en a rien à battre. Si tu nous cherches, on va t’anéantir toi ainsi que tout ce qui t’est cher. Si tu baises avec nous, on te brisera le cœur ou on tombera peut-être amoureuSEs pour mieux te haïr à jamais. On est accros au dégoût de la société, Jeunes-Filles corrompues qui ne connaissent aucune retenue.

On veut tout détruire, en talons aiguilles sertis de diamants. La violence de nos désirs laisse un arrière goût qui ne ressemble à celui d’aucun autre fluide corporel, c’est un venin mortel que seuls les corps les plus masochistes peuvent déguster et atteindre en rampant pour en redemander. On invite des hommes chez nous, en attendant la dégradation qui garantira notre vengeance, et d’ici-là on se fourre leurs bites dans la bouche, et on avale. Rien à foutre.

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On contemple l’image de notre corps dans chaque reflet qui croise notre chemin, et on ne peut s’empêcher de passer la journée à baiser avec nous-mêmes, tellement notre beauté est incroyable. On arbore notre manque d’assurance tel une couronne dorée qui scintille sur nos jolies têtes ; fièrEs (ou honteuSEs) de nos nombreuses imperfections, à en crever. Nous sommes horriblement vaniteuSEs, et toutes les putes savent que seule une autre pute peut les satisfaire.

Être pute n’est pas une sexualité, une chose pareille n’existe pas. Nos orgasmes sont inséparables de notre haine, de notre sens de la mode et de nos peurs ; rien ne nous fait jouir qui ne nous révolte également, d’une manière ou d’une autre. Nous faisons l’expérience de ce monde comme s’il était un terrain de jeu, trop laid et étriqué pour nos fantasmes ; aucune des zones délimitées par le « sexe » ne peut contenir ces pensées cochonnes. Le sexe, pour nous, c’est faire tourner les têtes, se râper les genoux, et pisser n’importe où, mais surtout pas dans les toilettes.

Si tu vois une pute descendre une rue animée d’un pas chaloupé, tu remarqueras peut-être ses sourcils froncés alors qu’elle marmonne rageusement. C’est parce que ta présence la dérange. Chaque corps insignifiant qui la frôle risque d’être en proie à sa haine. La haine la fait bander. Elle ne perd pas une seconde à former des hypothèses sur toi en fonction de ce que tu portes – tes chaussures ne sont pas assez féroces, ta démarche n’est pas assez sexy, ton regard n’est pas assez intense. Tu n’es rien comparéE aux personnes sublimes qui se cachent dans la ruelle, à l’affût, prêtEs à t’agresser.

La politique n’intéresse pas la pute, la pute est la politique. SéduitE par la douleur incessante qu’est vivre, mourir et souffrir, elle se nourrit à la fois de sa peur de touts petits riens et de l’ivresse de n’avoir rien à perdre. Elle pense que toute tentative de parler de ce monde avec logique n’est que pure illusion : la rationalité, cette activité inutile, typique des connards bredouillants. Tenter de définir son contexte ou d’analyser son existence est tout à fait futile ; absolument rien ne fait sens chez elle. La pute n’a d’intérêt critique que pour l’astrologie, préférant l’opinion des constellations de nos cieux aux élucubrations de quelque vieux blanc à l’agonie.

Brillamment amère, la pute s’accroche au chagrin et à la colère comme à des pierres précieuses qui sertissent son cœur ; ses traumatismes coulent et palpitent avec amour dans ses veines, tels de minuscules éclats de verre. Elle aspire en partie à la tristesse et à la déception dont elle connaît la vérité ; elle est emplie de vide et d’ennui en son absence. Pour elle, voir le monde à travers le chagrin, c’est voir en couleur, sentir la sensation de la vie picoter dans chaque terminaison nerveuse de son corps. Sans lui, la joie aussi lui échappe.

La pute est tout à fait exposée – elle est une blessure à vif, qui suppure une excrétion douce et mortelle sur toute chose, toute personne qui la touche. Elle est nue, et dissimule ce qui lui est sacré aux yeux des autres, à jamais, dans la fente de son entre-jambes. Si tu y regardes de trop près, prépare-toi à ce qu’elle te brise un membre, la lèvre, ton putain de cœur, car tu ne peux atteindre ce qui lui est précieux. Sale espèce humaine de merde.

Une vraie pute sait, au fond d’elle-même, pourquoi ce monde fait semblant de la détester. Toute sa vie, elle a été dotée d’un charme irrésistible qui, doublé d’une versatilité inconvenante, a le pouvoir de révéler les plus indésirables de leurs désirs à ceLLEux qui l’entourent. Les messieurs mariés (et leurs épouses mortes d’ennui) se trémoussent à n’en plus pouvoir à la vue de son cul, alors que les universitaires desséchés se mouillent les lèvres avec enthousiasme, excitéEs par son esprit vulgaire. Lorsqu’elle quitte la pièce, un énorme soupir de soulagement se fait entendre : on n’est plus obligéEs de regarder ses perversités frémissantes en face. SeulEs dans leurs chambres modernes, ilLEs se branlent honteusement sur son image, en se détestant en silence et en maudissant la routine grossière de leur vie.

Elle rit aussi facilement qu’elle pleure. Lorsque Mercure est dans sa phase rétrograde, elle sait que la catastrophe est assurée si elle sort de son lit. Mais même le foutu alignement des planètes, qui travaille main dans la main avec cette société triviale et méprisable, ne peut empêcher sa folie de déteindre sur son entourage et son environnement. Les circonstances qui les font pleurer, elle et les autres putes, créent aussi des hystériques en puissance ; des îlots autrefois isolés dans la folie se rejoignent alors pour partager une bonne rigolade, et peut-être aussi une petite vengeance.

La pute est une salope, oui, mais c’est aussi unE clochardE et unE jeune délinquantE ; c’est une pédale, une queen, une gouine en colère, un manarchist insurrectionnaliste en talons hauts, unE travelo tyrannique. Elle est tout et rien, tout le monde et personne à la fois. Glamour sous ses nombreux déguisements et transparentE dans ses désirs obscènes. Elle déborde d’amour pour ceLLEux qui répandent la haine, toujours enchantéE par la beauté cachée sous cette stérile économie des corps. Rien ne lui donne plus de plaisir que de cracher au visage de l’humanité, en riant à gorge déployée alors que les gouttes de ses crachats puants dégoulinent sur les mentons pointus, avant de s’écraser avec délectation sur le trottoir sale qui se déroule sous ses pieds

Bash Back !

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Et quelques samples de journaux des années 60, du film J’embrasse pas et de propos de manifestantes à Toulouse, extrait de la même émission :

 

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[actu] Le Conseil d’Etat permet à un couple gay franco-marocain de se marier

L’état Francais donne un visa à un homosexuel marocain pour qu’il puisse se marier

publié le Dim. 27 Juil. 2014

Le mercredi 9 juillet 2014, le Conseil d’État a sommé le gouvernement de délivrer sous 24 h un visa à un homme homosexuel d’origine sénégalaise vivant au Maroc pour qu’il puisse épouser son conjoint Français le samedi. Cette décision est une première , elle vient sanctionner « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de se marier », car le Maroc interdit les unions homosexuelles. Habitant à Casablanca, l’homme a décidé d’épouser son conjoint dès lors que la loi Taubira ouvrant le mariage aux couples homosexuels prévoit que si l’un des époux est ressortissant d’un pays interdisant ce type d’union, le mariage ne peut pas être célébré par les autorités diplomatiques et consulaires françaises – comme c’est fréquemment le cas pour les couples hétérosexuels – mais qu’il doit avoir lieu en Franc. Le 26 mai, il déposa donc une demande de visa au consulat français qui fût refusée un peu moins d’un mois plus tard. Il s’est donc adressé au tribunal administratif de Nantes qui a refusé lui aussi. Il s’est enfin tourné vers la plus haute juridiction administrative, le Conseil d’État. A cette audience, le ministère de l’intérieur a remis en cause la sincérité de l’union. Pour justifier le refus de visa le ministère évoque les antécédents migratoires de l’intéressé qui est venu en France sans papier en 2010. Soulignant par ailleurs que les deux hommes ont trente-cinq ans d’écart. Néanmoins, le juge a déclaré que le refus de visa portait « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de se marier » étant donné que le Maroc n’autorise pas le mariage homosexuel. Le juge a également démenti le doute de la sincérité de l’union en soulignant le fait que les deux hommes vivaient ensemble à Casablanca depuis quatre ans, que le jeune sénégalais y travaillait et que les demandes de séjours n’avaient pour but que de passer des vacances. Le Conseil d’État a donc donné au gouvernement français 24h pour délivrer le visa et l’a condamné à verser 5.000 euros au demandeur.

(source mainstream : za-gay)

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Démystifier la beauté, GLH, 1975

Beauté et homosexualité : ça y est,on va tomber dans tous les clichés, de ceux de l’imagerie de l’éphèbe grec, ou de ceux de l’écriture esthétisante, de Wilde à Proust, bref de tout ce qui falsifie l’homosexualité en y amalgamant jeunesse, beauté, culture et fric ; une telle vision ne recouperait que le discours des homosexuels bourgeois, qui est aussi celui de France-Soir1. Car l’essentiel n’est pas l’objet de beauté mais bien plutôt sa résonance sociale, c’est-à-dire le désir qu’il engendre, refoulé ou réalisé, dans ou malgré les structures sociales : voilà l’homosexualité de notre quotidien, celle de la rue, du travail, de la structure familiale, partout explicite ou partout latente, mais partout à l’œuvre. Et la beauté, quelle que soit l’idée qu’on en a ou qu’on nous enseigne, ne manque pas d’y participer.

La société a un discours sur la beauté, même qu’elle en propose partout le modèle ; de quoi ? de la beauté ou de la société ? Des deux: c’est le blanc mec, mince, viril, entreprenant, également intelligent et cultivé mais juste ce qu’il faut.

Pour la femme, ses critères de beauté sont ceux qui siéent à sa docilité : minette, épouse comblée, mère épanouie, ménagère aux jolies mains, vieille dame digne, ou pute exutoire : de l’enfance au troisième âge, de la famille aux mass médias, au milieu de toutes ses servitudes, elle a parfois cinq minutes pour « se faire une beauté ».

Le but est d’autant mieux atteint que le modèle, à incarner et à faire vivre chez l’autre, toujours remémorisé, est ressenti comme absence et comme manque de beauté à combler. Beauté et rôle social sont présentés comme logiquement liés.

la quête des corps

La beauté de la jeunesse c’est l’exaltation du corps viril, du sport aux Jeunesses Hitlériennes, de la promotion sociale à la bagnole de sport, des pubs qui utilisent des sujets de plus en plus jeunes à l’industrie internationale du jeans. Autant d’amalgames beauté/jeunesse qui déclenchent la contemplation et la consommation, soutiennent l’ordre socio-économique, tandis que, sur le refoulement et la sublimation, prospère la misère sexuelle.

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L’homosexualité n’échappe pas à la rentabilisation des critères de beauté, impuissante qu’elle est à se démarquer de façon cohérente ou significative du culte de la virilité ou de l’image aliénée de la femme. Le culte du cuir, du blouson, du motard, enfourchant et domptant sa machine entre les cuisses, ou celui, plus complexe, du travesti qui reprend à son compte les attributs de séduction —par mimétisme ou provocation — de la femme, l’illustrent bien.

La quête des corps, la drague, se font certainement de façon plus souple chez les homosexuels, mais l’imagerie sociale ne les traverse pas moins et permet la rentabilisation.

Ce sont les revues pornos qui n’offrent à la masturbation que des étalages des musculatures huilées, de corps dénudés aux positions phallocrates.

C’est cette désincarnation fascinante et frustrante de l’image de deux corps jeunes et « beaux » qui nous fait marcher et courir au fond des cinés pornos pour y subir, dans la passivité obligatoire, la vision d’un film surtaxé et débile (« II s’agit de durcir davantage votre sexe Monsieur le Ministre » disait un député R.I. à l’assemblée nationale lors du récent débat sur la pornographie ; charmant lapsus !).

dictature de l’œil

 

On interdit une revue de petites annonces sexuelles et on publie l’Histoire d’O dans l’Express, ce qui est nettement plus rentable (augmentation de la diffusion – et du phallocratisme – de 30 %).

La même fascination par l’écriture et l’image passe par les stars de la pop music et du cinéma : Marylin Monroe et Mick Jagger, références, parmi d’autres, des homosexuels, qui se révèlent des écrans à phantasmes parfaits.

Il y a aussi la destruction systématique ces mois-ci, des tasses de Paris, et parallèlement l’ouverture de boites, ce qui permet de canaliser les homosexuels vers des lieux moins libres et gratuits, plus contrôlables et payants.

Hors de la consommation et de la dictature de l’oeil, point de salut. Le discours libéral s’aligne sur la rentabilisation. Si cette dernière est combattue, la tolérance laisse la place à la répression. Si on est homosexuel, alors il faut vivre caché, être riche ou gigolo, consommer l’image et pratiquer le voyeurisme. Ce qui nous force à la construction d’une identité qui sera homosexuelle et bourgeoise ou ne sera pas.

A travers ces pratiques, la communication reste une illusion : le chantage à l’image, le jeu de la séduction, ne conduisent pas à la jouissance authentique, ce que la beauté laissait sous-entendre. Et sur fond de rareté, le pédé solitaire erre, dans la rue, dans le métro, les yeux écarquillés de frustrations, entre le boulot désérotisé pour raisons de production, et la famille désérotisée pour raisons de reproduction. Nous sommes loin des visions du couple micheton-gigolo diffusé aux masses par France-Soir1.

Nous avons tous connu de douloureux retours à la réalité quand nous avons l’imprudence de cautionner ceux qui s’imposaient à nous par leur seule présence séduisante. Ces belles gueules ou ces beaux corps ne présentaient pas leur beauté comme un simple hasard de naissance mais comme un privilège aristocratique. Et notre crédit aux critères de beauté est proportionnel à notre faculté de tomber amoureux. Cette abnégation de soi et cette fuite de la réalité extérieure sont légitimées curieusement par l’idéologie internationale du couple et de la fidélité, quand ce n’est pas, pour les hétérosexuels comme pour nous déjà aux Pays-Bas, par celle très officielle du mariage.

étiquetage

Il y a aussi ce carburant efficace au maintien de la notion de beauté qu’est le phantasme, qui nomadise le désir, et du coup désexualise la plupart de nos rencontres quotidiennes.

L’étiquette sexuelle, sociale et revendiquée comme telle, est répressive pour tous et réduit et hiérarchise par le processus de la sélection, bref divise pour mieux régner ; le pédéraste (beau = jeune), le gérontophile (beau = vieux), le nécrophile (beau = mort), le voyeur (beau = image), l’homosexuel (beau =homme), l’hétérosexuel (beau = femme), bref nous tous crispons notre désir au lieu de l’écouter ; mon corps, ton corps, sont morcelés comme des quartiers de boeuf, en morceaux de choix et en rébus. Les localisations officielles du désir sur le corps, appelées zones érogènes, se maintiennent par le refus d’en érotiser d’autres, pour finalement ne jamais aboutir à l’entière érotisation du corps, comme notre sélection à celle du corps social.

Le refus individuel et social d’une prise de conscience globale du corps construit la Beauté, ce problème aussi vivace que mensonger.

La répression sexuelle et son ombre, l’autorépression, institutionnalisent la sublimation, et transforment les super mysogynes en homosexuels débiles, les folles en super militaires, les phallocrates en dragueurs de boîtes, les pédérastes en excellents pédagogues comme les incestueux en parents modèles ou les paranos du trou du cul en hétérosexuels exemplaires : un caractère clos est davantage construit sur ses répulsions que sur ses désirs, ou sur son idée de ce qui est laid plutôt que de ce qui pourrait être authentique. Et cela ne serait pas important si la société n’offrait pas à de tels caractères la possibilité d’appliquer immédiatement dans le champ social leurs répulsions destructrices, et ce dans la plus pure légalité.

Séduire, faire phantasmer et sublimer, la beauté est efficace pour capter et fixer le désir, nous faire courir toute notre vie à la poursuite de son incarnation, et en fait considérer l’humanité d’un oeil blasé, désérotisé, désengagé. C’est pourquoi il est urgent de briser, chez l’autre comme en soi, la prise de pouvoir par le seul pouvoir de la beauté et de l’image, dont participe notre sélection du passant comme le charme discret de Giscard.

 


décryptage

De notre inconscient le plus profond à notre geste le plus raffiné, du regard qu’on porte à autrui, qu’autrui porte sur nous à celui qu’on se porte à soi, nous le voyons clairement, la beauté interfère, et fait jouer tous les processus sociaux et individuels que nous avons essayé de décrire. Et si certains homosexuels ont réussi

à construire d’autres modes de vie que celui de couple-refuge — d’autres relations que celles de possédant/possédé et de masculin/féminin, ou de vivre hors des composantes mysogine et phallocrate que leur octroie leur statut de mec — ils n’en sont pas moins parfois à la merci de la beauté comme fausse échelle de valeurs.

Nous-mêmes, au sein du Groupe de Libération Homosexuelle, avons beaucoup de difficultés à démystifier la beauté, et nous parvenons mal à ce qu’elle ne joue pas son rôle, manifeste au niveau du désir, ou latent au niveau de nos situations de groupe. Peut-être que ces difficultés, par le fait qu’elles sont dites et débattues, concourent néanmoins à nous construire une lucidité dont d’autres groupes manquent d’où souvent leur irréalisme et parfois celui de leur lutte. Le travail du G.L.H. se situe autant dans le décryptage d’une vraie histoire de l’homosexualité, dans celui de l’utilisation de l’homosexualité latente par la société, que dans la création de nouveaux rapports entre nous, et insérés dans la perspective d’une lutte globale contre toutes les normalités.

Groupe de Libération Homosexuelle

1. « La Rue Sainte Anne est devenue l’un des centres de la prostitution masculine à Paris. Sur les trottoirs, des Bentley bleu métallisé, des Rolls blanches : sur ce qui reste de trottoir, une trentaine de jeunes gens, visage couvert de fond de teint, héritiers lointains de ces éphèbés qui, au temps d’Oscar Wilde, traversaient les salons un lys à la main. Entre les voitures, les boîtes et la faune du trottoir un mouvement perpétuel s’établit. Les riverains se sont plaints et trois conseillers de Paris viennent d’attirer l’attention du préfet de police sur ces faits. »

France-Soir du 25 octobre 1975.

In Sexpol #6 « Beauté Laideur » – décembre 1975

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Chers ex-contestataires, G.Hocquenghem, 1986

Chers ex-contestataires, le retour de la droite ne vous rendra pas votre jeunesse. Mais c’est bien la gauche au pouvoir qui vous l’a fait perdre. Définitivement. Ce fut sous Mitterrand que vous vous êtes « normalisés » ; et sous Fabius que vous avez viré votre cuti. Pour devenir les néo-bourgeois des années 1980, les maos-gauchos-contestos crachant sur leur passé ont profité de l’hypocrisie nationale que fut le pouvoir socialiste. Sous lui, ils s’installèrent dans tous les fromages. Plus que personne, ils s’en goinfrèrent. Deux reniements ainsi se sont alliés : celui des « ex » de Mai 68 devenus conseillers ministériels, patrons de choc ou nouveau guerriers en chambre, et celui du socialisme passé plus à droite que la droite. Votre apostasie servit d’aiguillon à celle de la gauche officielle.

Extrait de Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Guy Hocquenghem, 1986

 

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