Queer Nation Manifesto

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Ils nous ont appris que les bons queers ne se mettent pas en colère. Ils nous l’ont si bien appris que nous ne faisons pas que leur cacher notre colère, nous nous la cachons les unEs aux autres. Nous nous la cachons à nous-mêmes. Nous la cachons par l’abus de substances et le suicide et en visant haut avec l’espoir de prouver notre valeur.

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L’épidémie n’est pas finie ! (On est pas des cadeaux)

On est pas des cadeaux, émission transpédégouine et féministe, septembre 2014

Le 12 Avril 2014 avait lieu à Lyon, une lecture de soutien à ActUp Paris. ActUp est une association d’activistes en luttes contre le sida. Illes ont depuis fin 2013 des problèmes financiers qui pourraient les faire arrêter.

Pour mieux connaître leurs luttes et implications dans ce domaine, nous diffusons aujourd’hui l’intégralité de la lecture animée qui retrace des années de révoltes.

 

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Abû Nuwâs, poésie arabe

أبو نواس الحسن بن الهانئ الحكمي

Abû Nuwâs  est un poète arabo-persan, né entre 747 et 762 à Ahvaz (Iran actuel), mort dans sa cellule à Bagdad (Irak actuel) en 815.

A l’heure où l’islamophobie et l’homophobie nous inondent de leur odeur nauséabonde, ses textes intemporels nous amènent un peur d’air frais du Moyen-Âge…

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M’aimes tu 

Quand j’ai vu ce beau jeune homme
il riait à belles dents

Nous étions tous deux, en somme,
seuls avec Dieu, cependant, 

Il mit sa main dans la mienne
et me fit tout un discours. 

Puis me dit:” Est-ce que tu m’aimes?”
“Oui, au-delà de l’amour”

“Donc, dit-il , tu me désires?”
“Tout est désirable en toi”

“Crains Dieu alors, oublie-moi!”
“Si mon cœur veut m’obéir.”

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L’amour en fleur 

Je meurs d’amour pour lui, en tous points accompli
et qui se perd en attendant de la musique

Mes yeux ne quittent pas son aimable physique
sans que je me merveille à le voir si joli. 

Sa taille est un roseau, sa face est une lune
et sa joue en feu ruisselle la beauté

Je meurs d’amours pour toi, mais garde mon secret:
le lien qui nous unit est une corde sûre. 

Que de temps il fallut, pour te créer, aux anges!
tant pis pour les envieux : je chante ta louange.

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Me tuera-t-il? 

Ses larmes coulent sur les roses de ses joues
parce que je l’ai embrassé à l’improviste.
Mais quand je lui tendis un verre, déjà ivre,
il défit sa ceinture en faisant un mou.
Malheur à moi, quand il sortira du sommeil
de l’ivresse! Me tuera-t-il à son réveil?
Pour, des yeux, me punir de sa mésaventure?
N’ai-je pas dérangé le nœud de sa ceinture?

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Au bain maure 

Ce que les pantalons ont caché se révèle.
Tout est visible. Rince toi l’œil à loisir.

Tu vois une croupe, un dos mince et svelte
et rien ne pourrait gâcher ton plaisir.

On se chuchote des formules pieuses…
Dieu, que le bain est une chose délicieuse!

Même qu’en venant avec leurs serviettes,
les garçons du bain ont troublé la fête.

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Pour si peu 

Je lui demande quelque chose
“Oh non, j’ai honte” m’a-t-il dit,
“Va voir un autre et propose
ce que nos pères ont interdit”

Je lui dis: “Je ne veux rien d’autre.”
“C’est mal, dit-il, c’est une faute.”
Et il voile sa jeune peur
D’un pan d’étoffe des ses pleurs. 

 

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« Les queers sont les maoïstes du genre ! » (Hélène Hazéra, On est pas des cadeaux)

Un nouveau volet de la série « En quête de notre histoire », l’histoire des luttes transpédégouines et la vie de personnes qui ont marqué ces luttes. Cette émission est consacrée à Hélène Hazera, à l’occasion d’un entretien réalisé pendant les UEEH en 2010. Dans ce portrait, elle nous raconte son histoire, son parcours de militante dans quelques groupes politiques depuis les années 1970, du FHAR  à Act Up-Paris.

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Au placard dans le placard. (Extrait de La Guillotine du sexe, 1978)

« Le sexe est tabou. Le fait d’en parler, dans certains milieux, avec l’apparence de la liberté, ne change rien au problème. Le sexe n’existe pas en prison. Il ne doit surtout pas exister, sinon il se surajouterait aux autres problèmes et compliquerait encore la situation, qui est déjà assez inextricable comme cela. Et pourtant, il suffirait de regarder la réalité en face pour prendre conscience de la gravité du problème posé : avons-nous le droit de priver un être humain de toute vie sexuelle ? Se taire suffit-il à masquer la vérité ? (…)

Même si, à l’extérieur, des questions se posent et si le dialogue s’ouvre, l’homosexualité reste un ghetto pour beaucoup. En prison, c’est le ghetto dans le ghetto.

Elle reste assez mal portée. C’est le reflet de ce qui se passe ailleurs. Mais cela se manifeste plus brutalement. En taule, un pédé, c’est quelqu’un de faible. Donc on le méprise. Ce n’est pas un homme. Tout devient permis. On peut le racketter, le mettre en quarantaine, ne pas lui parler et lui tourner le dos. (…)

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Dan surprend par son apparence très dure. Il a la trentaine bien tassée, le visage sculpté dans le granit, tel un dieu grec.

    • J’en ai marre, annonce-t-il.

    • Qu’est-ce qui t’arrive ?

    • Je suis au bout du rouleau !

    • Pourtant, tu plaisantes tout le temps. Tu as l’air en pleine forme. Tu remontes le moral aux autres.

Il soupire :

    • Penses-tu ! C’est le masque.

    • Et qu’est-ce qu’il y a derrière ce masque ?

    • Si je te le disais, tu serais sur le cul.

    • Et après ?

    • Mais peut-être aussi ne voudrais-tu plus être mon ami.

    • Ça ne va pas !

    • Si, je sais de quoi je parle. J’ai l’habitude. Mais, après tout, Jacques, tu es mon ami. Je te dois la vérité. Tant pis pour les conséquences. Je suis homosexuel.

    • Ce n’est pas un drame.

    • Si tu le prends comme ça, je sens que je vais déjà aller un peu mieux.

    • Tu croyais vraiment que j’allais te tourner le dos.

    • Oh ! Je n’en sais plus rien. J’en ai tellement vu. J’ai eu tellement de déceptions…

    • Tu déconnes complètement. Après ce que tu as fait pour moi, tu voudrais que j’annule tout pour si peu ?

    • Pour si peu, tu en as de bonnes ! D’abord, c’est vachement important…

    • Oui, mais, enfin, tu me comprends…

    • D’accord. N’oublie pas, quand même, qu’un pédé est mal vu en prison.

    • Et après ?

    • Eh bien ! Il vaut mieux ne pas être ami avec lui.

    • Ah ! Ça, je m’en fous pas mal.

    • Je suis soulagé de t’endre parler comme ça. De toute façon, je ne suis pas repéré en tant qu’homosexuel. Alors, tu ne risques rien à me fréquenter.

    • Même si tu étais connu comme pédé, je resterais ton ami.

    • Mais cela te ferai du tort !

    • Et je continuerai à te parler au vu et au su de tout le monde !

    • Tu es jeune. Tu ne te rends pas compte. En taule, un homo, c’est assimilé à une balance. C’est un enculé. Bien sûr, il y en a qui sont respectés, parce qu’ils se conduisent comme des hommes. Ils n’ont pas donné leurs associés dans leur affaire. Et, quand il faut se bastonner, ils ne se dégonflent pas.

    • Justement, tu es comme ça. Tu ne mouchardes pas et tu sais te battre.

    • Je suis un solitaire et je prèfère casser tout seul. Si un mec me monte sur les pieds, je lui flanque une correction.

    • Alors ?

    • Oui, mais, quand même, il vaut mieux ne pas en être. Comme ça, il n’y a pas d’histoires. On n’a pas à se battre pour prouver qu’on est un homme.

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(…) En prison, comme ailleurs, les préjugés restent rois. Ce n’est pas parce que l’on est opprimé que l’on comprend d’emblée les autres opprimés. Au contraire, bien conditionné par le système, l’individu brimé rejette son semblable, afin de se ranger dans le camps des oppresseurs. Il en devient le complice, ce qui lui donne l’illusion d’être un chef, alors qu’il n’est rien d’autre qu’un chien au service de ses maîtres et un traître auprès de ses frères.

Le cas de Dan est particulier. Il était déjà attiré par les hommes avant son internement. (…)

    • Mais alors, comment fais-tu ici ?

    • Je crève à petit feu. (…) Je souffre comme un damné. Quand j’étais au Quartier A, il m’est arrivé de me taper la tête contre les murs. (…) Ce que j’ai enduré, ce que j’endure est atroce. J’ai besoin d’un homme. Il me faut le contact d’un amant tendre et vigoureux, souvent, tous les jours même. Si je ne l’ai pas, j’ai mal partout, dans tout le corps. Surtout, j’ai besoin de me sentir pénétré par un sexe dur et fort. Il m’est arrivé de passer des nuits blanches. Je me bouffe les poings pour ne pas crier. Je reste des heures le membre en érection. J’ai beau me branler, il reste pareil.

    • Mais le fait d’éjaculer ne te procure pas un soulagement ?

    • Eh non ! Parce que ce n’est pas de ça que j’ai vraiment besoin. Seule, une femme pourrait me comprendre. C’est inhumain de rester enfermer comme cela. J’en pleure de rage et d’impuissance.

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Cette vérité, étalée sur des années, c’est ce qu’il importe d’opposer à tous ceux qui pensent que la prison est un paradis pour les homosexuels.

Le problème est différent pour ceux qui deviennent homosexuels en prison. Tout se passant en vase clos, cela se sait inévitablement. Et c’est la fin, pour celui qui espère garder l’estime des « garçons ». Pour retrouver du prestige, il lui faudra davantage faire ses preuves que n’importe qui.

S’ajoute à cela le jeu avec l’Administration. Les autorités veulent bien fermer les yeux sur certaines pratiques, mais en échange de quelques informations. Et, une fois que le pli est pris, il est difficile d’en sortir. La direction ne comprendrait pas une pareille volte-face et les codétenus ne croieraient pas, eux non plus, une pareille marche arrière. Un donneur est un donneur. On n’imagine pas qu’il devienne un homme. Et, comme pédé s’associe à balance, il est des métamorphoses qui paraissent du domaine de l’impossible.

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Il est rare qu’un détenu, homosexuel avant d’entrer en prison, passe inaperçu parmi ses camarades. Sa personnalité, sa manière d’être, ses tendances profondes apparaissent d’entrée. Au contraire même, il peut, dans certains cas, afficher et revendiquer sa déviance. Beaucoup exhibent leur féminité, en particulier les travestis. (…) Ils viennent troubler les plus purs et les plus durs.

Ils viennent nous rappeller que nous avons tous notre part d’homosexualité. Ils nous disent qu’en passant à l’acte, nous ne faisons que dépasser nos résistances à l’attirance pour notre propre sexe. Ce qui est vrai. Mais il n’est pas acceptable que de telles découvertes soient effectuées à la suite de privations.

De toutes façons, les travestis et les homosexuels trop voyants ne sont pas admis en détention. La Pénitentiaire ne saurait courir le risque de les voir perturber toute une prison. Elle les met à l’isolement. Prison dans la prison. (…) »

Extrait de La Guillotine du sexe, misère sexuelle dans les prisons, Jacques Lesage de La Haye, 1978.

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Commentaire Dépavage :

La Guillotine du sexe dresse un portrait de la prison à travers la misère affective et sexuelle des détenus. Bien que certains passages ne soient pas dénués « d’homo-érotisme », l’auteur, hétérosexuel et imprégné par les pensées de l’époque, la psychologie et la psychanalyse surtout, se permet parfois des analyses moralisatrices voire hétérosexistes. Il assimile parfois l’homosexualité (et le travestissement) au narcissisme voire à un état pathologique.

Un autre passage témoigne du viol d’un détenu, Rocky, qui retourne en prison deux ans après la fin de sa première peine et aurait demandé, lors de son passage devant le Conseil national d’observation de Fresnes, à retourner à Caen pour être avec « son ami ». L’auteur conclue que la prison lui a donné goût à l’homosexualité « et pas n’importe laquelle, celle du giron soumis à son julot » et qualifie la prison de « fabrique de schbems ».

Que des personnes découvrent l’homosexualité en prison est une réalité mais, comme en témoigne tous les détenus et anciens détenus (et ce livre ne fait pas exception), celle-ci reste très mal vue dans l’institution carcérale, à la fois par les détenus, par leurs proches et par la pénitentiaire. Si certains découvrent le plaisir entre hommes en prison, d’autres aussi s’en éloignent, beaucoup trop se tuent ou sont tués à cause de l’enfermemement et de l’homophobie, à cause de la nécessité du silence ou de l’isolement, à cause des agressions et des viols.

Non, la prison n’est pas un « paradis pour les gays » comme le voudrait les clichés alimentés par l’industrie pornographique et les petits bourgeois  qui fantasment sur les « mâles virils » des classes populaires.

Il va s’en dire qu’on ne saurait défendre l’institution carcérale parce qu’elle permettrait de découvrir la sexualité entre hommes, ce qui est une aberration que malheureusement il arrive que l’on entende. On ne saurait non plus la condamner pour la même raison, comme semble le faire Jacques Lesage de La Haye.

Ce n’est pas non plus uniquement parce qu’elle est un enfer pour les pédés qu’il faut en finir avec la taule. Il faut en finir avec tous les enfermements. Une prison qui permettrait aux détenus d’avoir une vie sexuelle, ou même une prison qui serait « gay-friendly », resterait de toutes façons une institution qui prive des individus de leur liberté, une institution au service d’un système politique qui s’en sert comme d’une arme pour inciter les prolétaires à rester dans le rang, enchaînés à l’usine… Si l’institution carcérale est profondément homophobe, hétérosexiste, c’est parce qu’elle est le reflet de cette société. Les différences sociales, liées au genre, à la race ou à la classe, y sont exacerbées.

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Bash Back ! (On est pas des cadeaux)

Emission de radio On est pas des cadeaux !

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L’histoire du mouvement anarcho queer américain Bash Back ! nous est racontée par un pédé de Millwaukee qui a participé à son émergence. A travers le récit des actions dans leur diversité de ce réseau actif entre 2008 et 2009 aux Etats-unis, revenons sur des thèmes majeurs qui secouent notre lutte de transpédégouines radicales : Qu’est ce que ça veut dire de lier une analyse anticapitaliste et radicalement anarchiste à notre envie de mettre fin à l’hétéropatriarcat ? Quelle place pour la violence en tant que stratégie ? Qu’est ce que la violence au fond ? Croyons nous que nous arriverons à nous faire accepter dans un monde meilleur ou s’agit il juste de montrer qu’on se laissera pas faire ?

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En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses. Témoignage, 2002.

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Témoignage recueilli par Act Up, 2002

J’ai vingt-deux ans, je suis homosexuel, je vis avec mon compagnon depuis juillet 1999. Il a trente-trois ans, il est séropositif et a été incarcéré en mars 2001. Nous avons alors été arrêtés ensemble et écroués dans la même maison d’arrêt. J’ai été libéré en mai. Lui est toujours en prison. Ce témoignage le concerne.

Trois mois après son incarcération, en mai, mon ami devient auxiliaire à la maison d’arrêt, son travail consiste à servir la « gamelle » aux autres détenus. En novembre, en compagnie de son codétenu, il surprend un surveillant en train de déchirer une lettre et de voler les timbres contenus dans l’enveloppe. Après vérification des morceaux de papiers, il s’agit du courrier d’un détenu. Mon compagnon interpelle le surveillant pour lui signaler que ce n’est pas légal, l’autre rétorque « ta gueule, PD ! ». Il décide alors de s’adresser au chef de secteur. Après une enquête, il est décidé que le surveillant ne travaillera plus dans le même bâtiment.

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A la même époque, la situation de mon ami se complique. La division où il est affecté apprend qu’il est homosexuel. Et qu’il est séropo. Par crainte de contamination, les détenus réclament qu’il cesse de les servir. Quelques jours après cette plainte, on le transfère. L’Administration pénitentiaire déclare qu’il n’est pas « apte » à exercer ce travail. Il est envoyé dans un autre bâtiment. Deux heures après son arrivée, on le déplace à nouveau. Il atterrit finalement dans la division où le surveillant a été muté. Lorsqu’ils se rencontrent, celui-ci lui glisse : « Pour moi, t’es déjà mort. Tu vas vivre un véritable enfer ». Rapidement, le maton fait circuler la rumeur qu’il est PD, ce qui déclenche insultes et représailles physiques. Agressions, intimidations, pression constante, plus de balade, plus de douche, plus d’appétit, il est terrorisé. En prison, être homosexuel, c’est la pire des choses.

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Mi-décembre 2001, nous obtenons enfin son transfert dans une autre maison d’arrêt. Quelques jours après son arrivée, un médecin lui délivre un certificat médical attestant que c’est un patient particulièrement fragile et sensible, qui doit être placé en isolement en raison de sa pathologie. Le chef de secteur refuse ce certificat médical. Aujourd’hui, mon ami est sous traitement. On lui fournit des médicaments sans qu’il ne connaisse les prescriptions. Depuis un mois et demi, il demande à accéder à son dossier médical. A ce jour nous n’avons toujours aucune réponse.

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Mais le pire s’est produit récemment et au moment où vous lisez ce témoignage, mon ami est dans un service psychiatrique, suite à une tentative de suicide. J’ai effectivement appris récemment qu’il a été violé par trois détenus sous les douches quelques jours avant son transfert. Comme d’habitude en prison, ses cris n’ont pas été entendus. Les trois détenus et les surveillants ont probablement tous supposé qu’un homosexuel apprécierait de se faire enculer violemment par des inconnus. En 11 ans, mon ami aura donc subi deux viols en milieu carcéral. Première incarcération : premier viol : transmission du VIH. Deuxième incarcération : second viol : tentative de suicide.

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Violence sexuelle dans les prisons pour hommes

Le point de vue d’une psychologue, Evelyne Josse, 2013

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Les prisons, un univers viril

Dans l’univers carcéral, la virilité tient lieu d’identité pour les détenus au détriment des spécificités telles que les différents domaines d’activité (travail, activités de loisirs, etc.) et les liens sociaux (famille, amis, voisinage, collègues, etc.) sur lesquelles reposait leur identité pré-carcérale.

L’incarcération, une perte d’identité

L’incarcération a pour conséquence de déposséder les individus de leur identité personnelle et sociale et d’invalider les compétences et les expériences dont ils pouvaient faire état dans la société. Elle leur impose un univers social confiné, très différent du leur qui les plonge dans une situation où ils sont privés de pouvoir. En effet, l’administration pénitentiaire exerce un contrôle jusque dans les plus petits détails de la vie quotidienne : horaires des repas, du lever et du coucher, composition des menus, programme et type d’activité, accès aux biens de consommation, etc.

Affirmer sa virilité pour être respecté

Partout dans le monde, les rapports de genre sont organisés selon une hiérarchie où les hommes occupent la position dominante et les femmes, une position de subordination. La virilité distingue non seulement les hommes des femmes mais elle classe également les individus masculins selon un axe vertical au sommet duquel se hissent les hommes « dignes de ce nom » et au bas duquel sont relégués les « sous-hommes » assimilés aux femmes.

Dans les communautés carcérales régies par la loi du plus fort, les hommes sont en compétition, ce qui concoure au renforcement des critères et des valeurs propres à l’identité masculine et à la surenchère des marqueurs de virilité. Les individus doivent être capables d’affirmer leur masculinité et de passer pour des « durs » sous peine d’être considérés comme des « tapettes », des « femmelettes » ou des « chochottes », de perdre leur honneur et d’être déconsidérés, voire maltraités.

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De la virilité au virilisme

Cet impératif de virilité, appelé virilisme, se marque par une exacerbation d’attitudes et de comportements virils. Le virilisme se manifeste principalement par l’agressivité, par la volonté de dominer et de conquérir, y compris sexuellement, par le rejet d’attitudes et de comportements considérés comme des signes de faiblesse tels que pitié, compassion, indulgence, sentiments amoureux, etc. ainsi que par le culte des caractéristiques extérieures de masculinité qui, selon les cultures, se traduit par la musculation du corps, notamment grâce au sport, les cheveux courts ou rasés, le port de la barbe ou de la moustache, les tatouages, un comportement sexuel dominateur, etc.

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Violence entre prisonniers

La violence structure le collectif carcéral en établissant une hiérarchie entre prisonniers.

« Fuck or fight », « baiser ou combattre »

Dans l’univers pénitentiaire, les violences verbales, physiques et sexuelles infligées à autrui servent à structurer les relations entre les prisonniers ainsi qu’à définir la répartition du pouvoir entre eux.

Chacun gagne sa place en se mesurant aux autres. Face à la provocation ou à l’intimidation d’un codétenu, il est impossible de fuir. Il n’existe dès lors que deux options : « fuck or fight », « baiser ou combattre », selon la paraphrase du célèbre « flight or fight », « fuir ou combattre » du spécialiste du stress Walter Cannon. S’il refuse de se soumettre, l’individu n’a qu’une issue : faire ses preuves, se battre pour son honneur, prouver qu’il est un homme.

Les détenus capables de se faire respecter deviennent des leaders. Ceux qui ne peuvent opposer une résistance efficace deviennent des subordonnés au plan physique, mental, financier et/ou sexuel. La violence produit ainsi des masculinités inégales ; elle départage les individus en deux classes : celle des hommes dignes de ce nom capables d’affirmer leur virilité et celle des sous-hommes.

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Les « vrais hommes »

Les « vrais hommes » doivent leur supériorité hiérarchique à leurs prouesses criminelles. En effet, ils peuvent généralement se vanter d’un lourd passé déterminé par l’activité criminelle. Ils démontrent à tout moment leur sens de l’honneur et leur volonté de dominer : ils sont violents en réponse à toute provocation ou intimidation et refusent la négociation. On les reconnaît également à leur apparence virile : musculature développée, tatouage, etc.

Les « sous-hommes »

Les « sous-hommes » regroupent les homosexuels, les bisexuels, les transsexuels et les travestis car ils n’attestent pas d’un comportement sexuel dominant et ne répondent donc pas aux canons de la virilité.

Les victimes d’agressions sexuelles sont également exclues de la communauté virile car selon le mythe un homme ne peut être forcé à accomplir quelque acte que ce soit et préfère mourir plutôt que de céder sa virginité anale.

Les détenus qui présentent, ou à qui l’on prête, des qualités physiques ou psychologiques associées aux stéréotypes féminins sont également bannis du groupe des « durs ». C’est le cas des individus petits, minces, aux traits délicats, imberbes, à la peau douce, portant les cheveux longs, maniérés, de caractère sensible, timide et pacifique.

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Parmi les sous-hommes, on retrouve également les prisonniers ayant transgressé le code d’honneur propre à l’identité masculine : les « pointeurs », individus écroués pour avoir violenté une personne vulnérable (un enfant, une personne âgée, un handicapé ou une femme), parce qu’ils ont bafoué la règle prescrivant de protéger les plus faibles et les « balances », parce qu’elles ont enfreint la loi du milieu en trahissant leurs amis.

Les violences sexuelles dans les institutions pénitentiaires

Selon diverses études, un détenu Américain sur cinq serait soumis par ses pairs à diverses pressions pour se livrer à des actes sexuels et un sur dix serait victime de viol (1). 25% des prisonniers Australiens âgés de 18 à 25 ans déclarent quant à eux avoir été agressés sexuellement (2).

Des victimes « coupables »

Les violences sexuelles subies par les détenus soulèvent peu d’intérêt dans la population générale. Ils ne bénéficient pas de la compassion accordée aux « victimes innocentes », celles dont la responsabilité dans le processus de victimisation n’est pas mise en cause.

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Implicitement, on attribue aux prisonniers un rôle actif dans la genèse des agressions dont ils sont l’objet dans la mesure où ils ont provoqué les conditions de leur avènement. « Vous vous êtes livrés à des pratiques déviantes et condamnables, vous vous êtes mis dans cette situation, assumez-en les conséquences », voilà ce que pense de nombreuses personnes. Le détenu victime est considéré comme aussi coupable que son agresseur, par exemple, lorsqu’il est agressé par un de ses pairs, voire davantage, par exemple, lorsqu’il est condamné pour pédophilie.

Frustrations sexuelles ?

Les relations sexuelles contraintes entre détenus ne peuvent être uniquement attribuées aux frustrations sexuelles. En effet, nul besoin de forcer ou d’agresser autrui pour satisfaire ses pulsions sexuelles. La majorité des prisonniers se contente d’ailleurs de la masturbation, du recours à la pornographie, d’échanges homosexuels consentis et d’ébauches de relations sexuelles dans les parloirs. De plus, le fait que les agressions soient perpétrées par des hétérosexuels qui à priori n’éprouvent pas de désirs pour leurs pairs masculins conduit à chercher d’autres explications.

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L’exercice du pouvoir

Le véritable enjeu de la violence sexuelle porte en fin de compte sur l’exercice du pouvoir. Le viol et autres agressions sexuelles servent aux détenus à prouver leur puissance, tant à eux-mêmes qu’à leurs compagnons, à confirmer leur appartenance à un groupe dominant et à défendre leur place en son sein.

Selon la conception machiste, être un homme, c’est être supérieur aux femmes ou à leurs équivalents symboliques, la féminité représentant l’antithèse méprisable de la virilité. Les détenus tentent donc de se démarquer au maximum de tout stéréotype féminin en affichant continuellement leur masculinité tant dans leur comportement que dans leur discours.

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Les hommes « femmes » et les hommes « hommes »

Dans la conception des détenus, le partenaire soumis, passif dans la pénétration ou actif dans la fellation et dans la masturbation, est considéré comme homosexuel ou plus précisément, comme un équivalent symbolique féminin. Dans la sodomie, il est pénétré comme l’est une femme, voire même jouit d’une manière comparable. La passivité sexuelle, consentante ou forcée, corrompt son identité sexuée. Elle lui dérobe sa virilité. Il acquiert une réputation de « tapette », de « pédé » mais aussi de « pute », de « salope », de « femmelette », de « gonzesse ».

L’homme dominant, quant à lui, se comporte sexuellement comme il le ferait avec une compagne et éprouve des sensations physiques similaires à celles ressenties dans les rapports hétérosexuels. Il prouve qu’il est un homme en étant sexuellement actif : il entretient une activité sexuelle et il asservit sexuellement son partenaire en lui assignant un rôle de femme. Il affirme et consolide ainsi sa virilité.

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Bibliographie

- « L’atlas de la Sexualité dans le monde » cité par Massardier, http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/conf&rm/conf/confvictime/prvictimes.html)
- Cabelguen M. (2006), « Dynamique des processus de socialisation carcérale », Champ pénal, http://champpenal.revues.org/document513.html
- Donaldson S. (1993), “A Million Jockers, Punks, and Queens, Stop Prisoner Rape : Sex among American Male Prisoners and its Implications for Concepts of Sexual Orientation”, Stop Prisoner Rape, http://www.spr.org/en/docs/doc_01_lecture.asp
- Human Rights Watch (2001), « No escape : Male Rape In U. S. Prisons », http://www.hrw.org/reports/2001/prison/report.html
- Knowles G. J., “Male Prison Rape : A Search for Causation and Prevention”, The – Howard Journal Vol 38 No 3. Aug 99 ISSN 0265-5527, pp. 267-282, http://www.spr.org/pdf/knowles2.pdf
- Struckman-Johnson C., Struckman-Johnson D., « Sexual Coercion Rates in Seven Midwestern Prisons for Men”, 80 The Prison Journal 379 (2000), http://www.spr.org/pdf/struckman.pdf
- Welzer-Lang D., Mathieu L. (1997), « Les abus dits sexuels en prison : une affaire d’hommes », http://www.traboules.org/text/txtpris.html

Par Evelyne Josse, psy, en 2013

 

Brisons les murs

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[actu] Dimanche : Manif pour tous ?

Article du mass média Métro le 29.09

REVUE DES TROUPES – La manif pour tous, connue pour son combat contre le mariage homosexuel, manifeste une nouvelle fois dimanche prochain à Paris et Bordeaux. Et si le mouvement nie ses liens avec l’extrême droite, de nombreux groupuscules identitaires et nationalistes prévoient de marcher aux côtés des militants anti-mariage gay traditionnels.

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[actu] Belgrade, Serbie : la gay pride sous protection policière et le patriarche vomitif

Plusieurs centaines de personnes ont participé dimanche à Belgrade à la première Gay Pride en quatre ans, un défilé qui a pris fin sans incident et qui s’est déroulé sous haute protection policière, en raison de craintes de contre-manifestations.

Dans une atmosphère bon enfant, le défilé a commencé vers 12H30 (10H30 GMT) avec pour point de départ le siège du gouvernement, et s’est poursuivi sur environ deux kilomètres pour s’arrêter devant la mairie de Belgrade vers 14H00 (12H00 GMT).

Il s’agissait de la première Gay Pride autorisée par les autorités depuis celle de 2010, marquée par de graves violences provoquées par des groupes ultranationalistes.

Le défilé était surveillé de près par l’Union européenne, qui le considérait comme un test du respect des droits de l’Homme dans cette ex-république yougoslave ayant démarré en janvier les négociations d’adhésion au bloc des 28.

«Je suis très content de pouvoir enfin marcher librement dans mon Belgrade. J’espère que le défilé d’aujourd’hui représentera un premier pas pour le respect de nos droits», a dit un homme d’une vingtaine d’années qui a refusé de se présenter.

«On m’a enfin donné l’opportunité d’afficher mon identité», se réjouit Jelena, 47 ans, qui se présente comme lesbienne et n’a pas souhaité donner son nom de famille.

Des manifestants de tous âges agitaient des drapeaux arc-en-ciel, d’autres brandissaient des banderoles aux mêmes couleurs, frappées de l’inscription en anglais «Peace and love», symbole de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels).

Initiative sans précédent, des membres du gouvernement ont participé à la Gay Pride, dont Tanja Miscevic, négociateur en chef pour l’adhésion à l’UE et le ministre de la Culture, Ivan Tasovac.

Le maire de Belgrade, Sinisa Mali, marchait lui aussi au milieu du cortège de même que nombre de diplomates occidentaux dont le chef de la délégation de l’UE à Belgrade, Michael Davenport.

«Il s’agit du début d’une lutte efficace pour la protection des droits fondamentaux en Serbie, d’une lutte plus efficace contre la discrimination», a dit M. Davenport.

 

– Pour l’Église orthodoxe, la Gay Pride est immorale –

Dans le centre-ville, sur trois kilomètres à la ronde le trafic routier était interdit. Plusieurs milliers de gendarmes et policiers en tenue antiémeute, appuyés par des transports de troupes blindés, étaient présents à chaque coin de rue. Par endroits, ils étaient alignés en travers des grands boulevards. Des hélicoptères de la police tournaient sans cesse au-dessus de la ville.

Les piétons étaient tous fouillés. Pouvaient passer uniquement ceux habitant dans cette zone ou munis d’accréditations pour participer à la marche.

Des groupes ultranationalistes et radicaux d’extrême droite avaient menacé de descendre dans la rue pour protester contre cet évènement.

«Quiconque tente de provoquer des incidents sera puni particulièrement sévèrement», avait mis en garde le Premier ministre, Aleksandar Vucic.

«Dans notre pays il y a des droits et des libertés qui sont garantis par la Constitution et nous les respectons», a-t-il dit dimanche à la presse depuis Tekija (est).

De son côté, le patriarche Irinej, chef de l’influente Église orthodoxe, majoritaire à plus de 80% dans ce pays de 7,1 millions d’habitants, a dénoncé la Gay Pride comme étant «immorale» et «imposée par le lobby homosexuel et leurs mentors d’Europe» occidentale.

Il a également dressé un parallèle entre l’homosexualité, la pédophilie et l’inceste.

Preuve de l’hostilité d’une bonne partie de la population à l’égard des homosexuels, il y a deux semaines, un militant allemand pour les droits des homosexuels a été hospitalisé pendant cinq jours après avoir été sévèrement battu à Belgrade. La victime venait de participer à une conférence sur les droits de la communauté LGBT.

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Lors du défilé de 2010, les violences provoquées par des extrémistes hostiles à la Gay Pride avaient fait plus de 150 blessés, des policiers pour la plupart, et provoqué des dégâts dont le coût avait été évalué à plus d’un million d’euros.

 Mise à jour : Plusieurs manifestant.e.s d’extrême droite ont tenté de perturber la Marche, sans succès. Cinquante personnes ont été interpellées.

 

Message du patriarche de Serbie Irénée au sujet de la « gay pride » prévue à Belgrade le 28 septembre

Lu sur orthodoxie.com

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« En la fête de la Nativité de la très sainte Mère de Dieu

Ces jours-ci, la « gay pride » à nouveau est imposée par la force à Belgrade et à la Serbie. Les organisateurs d’un défilé de cette sorte ainsi que leurs mentors européens ne souhaitent pas tirer un enseignement de tout ce qu’ont provoqué les parades précédentes : l’opposition de l’immense majorité des citoyens indépendamment de leur appartenance religieuse, politique, idéologique ; le malaise et l’instigation à l’agressivité, le réveil de l’instinct de destructivité dans certaines couches de la population, particulièrement chez les plus jeunes, la contrainte, pour les autorités, d’engager pratiquement l’appareil policier entier du pays pour assurer la sécurité de ce groupe minoritaire. Faut-il en raison de ce défilé réellement absurde, que l’État, dans la situation actuelle de pauvreté, dépense des millions pour la sécurité d’une poignée de ses concitoyens et de leurs hôtes, pour une « parade » de quelques centaines de mètres dans la centre de Belgrade ? Le ministère de l’Intérieur doit faire venir de toutes les régions de Serbie des milliers de policiers, leur assurer le séjour dans la ville de Belgrade, les repas, avec en outre des risques réels pour eux d’être blessés, voire de mettre en péril leurs vies. Prenant en compte tous les dangers que cette parade peut provoquer des deux côtés, de même que la menace sérieuse à la sécurité dans la ville, nous prenons la liberté avec un souci paternel, au nom de l’Église – la gardienne séculaire de la dignité humaine et des principes moraux sains –  et aussi au nom de ses fidèles qui constituent environ 80% de toute la population de la République de Serbie, de nous adresser aux organisateurs et aux participants de la « gay pride » avec quelques questions :

1. La défense de ses intérêts privés doit-elle et peut-elle se réaliser par l’humiliation et le piétinement des sentiments moraux de l’immense majorité de l’humanité ?
2. Est-ce que, par le mépris de la Loi Divine et de l’ordre moral inscrit dans la nature humaine, se réalise la dignité humaine ?
3. Si l’orientation sexuelle « gay » est justifiée, et qu’il faille la propager, sur la base de quoi la même chose n’est pas valable pour la pédophilie (répandue massivement dans le monde occidental), pour l’inceste, pour la zoophilie, et autres instincts sexuels pervers ? En quoi leur droit est-il inférieur au soi-disant droit de votre (dés)orientation ?
4. Êtes-vous à ce point aveuglés par votre vice et votre égoïsme qu’il ne vous gêne pas de mettre en branle tout l’appareil d’État de la Serbie et donner lieu à des dépenses matérielles infondées ? Et aussi de provoquer chez vos frères et concitoyens tant de trouble et d’agitation, bien souvent avec des conséquences catastrophiques sur les deux côtés ?
5. Est-ce que par vos « parades » vous propagez seulement vos « droits » ou tentez-vous peut-être d’imposer votre style de vie aux autres, particulièrement aux enfants innocents et à la jeunesse inexpérimentée, en raison de quoi, absolument à juste titre, leurs parents et leurs enseignants sont préoccupés ?
6. Le fait même que vous qualifiez votre parade de « parade de la fierté », ne témoigne-t-il pas de l’incertitude de votre conscience quant au bien-fondé de votre orientation et votre mode de vie ?

Quoi qu’il en soit, une seule chose est certaine : vous avez le droit de défiler, mais seulement à vos propres frais et celles de vos mandants, quel que soit le nom dont ils s’affublent et ce tant pour la parade elle-même que pour votre sécurité, mais non aux frais de la Serbie : bombardée, détruite, paralysée moralement et économiquement, appauvrie, inondée, clouée au pilori… Outre tout cela, ni nous ni vous, ni qui que ce soit, ne saurions oublier cela : nous pouvons tout faire, mais tout n’est pas pour notre utilité et notre bien, ni pour atteindre la véritable dignité humaine.
Les droits et la vie humaine ne se mesurent pas seulement par la justice humaine, mais par celle de Dieu, éternelle et divino-humaine ! »

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Toulouse : solidarité avec les personnes trans interpellées suite à l’apéro anti-prostitution

Ce lundi 22 septembre, un petit groupe de « riverains » du quartier des Ponts Jumeaux et du boulevard de Suisse avait prévu chips et cacahuètes pour fêter le « retour à la tranquillité » du quartier après la mise en application de l’arrêté municipal anti-prostitution.

Nous, également riverainEs du quartier, ne nous réjouissons pas d’une tranquillité qui exclut les travailleurEUSEs du sexe, mais aussi les Roms, les sans-papierÈs, les précaires, les squatteur-euse-s et les personnes trans.

À l’inverse des comités de quartier auto-désignés comme représentants de tous les habitants, nous voulons un voisinage solidaire avec celles et ceux qui doivent affronter une violence sociale quotidienne. La violence c’est l’exclusion, c’est l’isolement, c’est l’indifférence, c’est cacher la misère et la pousser sur le palier du voisin.

Nous remercions les joyeuSEs perturbateurICEs venuEs troubler cet apéritif nauséabond et qui ont ainsi montré que le quartier ne se résume pas au visage de la haine bien-pensante, de la peur et du repli sur soi. Dans plusieurs médias, l’adjoint au maire chargé de la sécurité, Olivier Arsac, les traite de fascistes et les compare à une milice d’extrême droite. Nous lui répondons : c’est l’hôpital qui se fout de la charité !

À l’issue de l’intervention, ce sont trois personnes trans qui ont été menottées, violentées, humiliées et emmenées par la police venue en grand nombre.

Une personne interpellée, habitante des Minimes, est sortie du commissariat le lendemain soir, une autre, blessée par la police, est sortie mercredi, et la dernière a dû passer en comparution immédiate le même jour après une longue garde à vue. Son procès a été ajourné, elle comparaîtra le 15 octobre.

Les voix sont de plus en plus nombreuses à s’élever contre les politiques d’aseptisation et de guerre aux pauvres menées depuis longtemps à Toulouse et encore intensifiées par le nouveau maire, Jean-Luc Moudenc.

Faisons-les entendre !

D’autres riverainEs

Publié le 26 septembre sur IAATA.

Lundi 22 septembre les voisin.e.s des Ponts-Jumeaux fêtaient le départ des travailleuses du sexe de leur quartier suite à l’arrêté municipal qu’ilelles ont obtenu de la mairie de Toulouse. Des personnes qui ne l’entendaient pas de cette oreille sont allées leur exprimer leur colère. La police est intervenue violemment arrêtant trois personnes.

Les trois personnes arrêtées dans la soirée du lundi 22 septembre sont libres.
La dernière personne qui passait en comparution immédiate a refusé d’être jugée aujourd’hui. Son procès est repoussé au 15 octobre. Nous ne connaissons pas les charges exactes, plus d’informations seront données plus tard. (24/09 ; 16h35)

Une deuxième personne libérée ce matin et une personne déférée en comparution immédiate. La comparution immédiate aura lieu à partir de 14h au TGI, allée Jules Guesdes.
Pour l’instant, il semblerait que les deux personnes libérées n’aient pas eu de charge annoncée à la sortie du comico, ce qui n’empêche le proc de poursuivre par la suite, l’avocat ne semble pas très optimiste. La presse locale se fait l’écho ce matin des arrestations, la question se pose « est-ce qu’il fallait fêter le départ des prostituées« , enfin une travailleuse du sexe peut exprimer le mépris que constituent ces arrêtés anti prostitution. Ces mesures destinées à faire plaisir aux voisins ne sont que des emmerdements en plus pour des personnes dont le travail est déjà suffisamment compliqué. (24/09 ; 13h01)

Aux dernières nouvelles, une personne a été libérée les autres sont maintenu.e.s en garde à vue… Nous n’avons pas plus de précision à fournir pour l’instant, (23/09 ; 22h)

L’article de la dépêche qui annonçait le petit apéro entre voisin avec le chef des flics municipaux Nicolas Arsac… (que du beau monde !)
Pour l’instant pas tellement plus d’info que ça. Les arrestations ont été violentes et au moins une des personnes arrêtées a été passablement passée à tabac. Des inculpations pour violence en réunion et rebellions sont à craindre…

 

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Toulouse, Marche des fiertés 2014 : LGBT ou pas, les flics on les combat !

Plus de 150 personnes ont rejoint le cortège unitaire radical à l’occasion de cette Marche des Fiertés.

Histoire de se mettre en jambes avant que ça commence, les 4 personnes du FLAG ont été largement huéEs par la foule aux cris de « LGBT ou pas, les flics on les combat! ». Quelques minutes après, ils et elles ont pris la fuite !

FLAG annonce sa fuite...

Ensuite, un beau cortège radical animé pendant plus de 3H autour de slogans tels que :
« FierEs, vénères, pas prêtEs à se taire! »
« Y’en a assez, assez, assez c’te société ! Qui opprime les trans, les biEs, les gouines et les pédés! »
« Flics, fascistes, assassins ! »
« Contre les LGBTIphobies, RIPOSTE RADICALE! »

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Les étiquettes sexuelles, Q-zine

Publié par Q zine, magazine du Réseau des Jeunes LGBTQ de l’Afrique de l’Ouest (QAYN)

 Décembre 2013.

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par Bonnie Sepora, assistant social et chanteur à Gaborone, Botswana.

 

Chaque fois qu’un mec flirte avec moi, il finit toujours par me demander à un moment ou à un autre, parfois indirectement, mais le plus souvent sans détour, si je suis passif ou versatile. J’en ai l’habitude mais n’empêche que cette question me met toujours mal à l’aise. Il m’est parfois arrivé d’être approché par des mecs qui me disent, droit dans les yeux, que je serais bien à ” pénétrer “. Une fois, un mec s’est même permis de me dire que je ressemblais à quelqu’un qui aimait bien se faire ” piler “.

N’est-ce pas étrange qu’une personne ne sachant rien de moi pense qu’elle a le droit de me coller une étiquette?

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Pourquoi est-ce que le collage d’étiquettes sexuelles semble être le jeu préféré de la plupart des gays? Et pourquoi est ce que chez les gays noirs, ce type de jeu semble avoir une plus grande importance?

Actifs, exclusivement actifs, actif oral, actif-passif ou versatile, versatile-actif, versatile-passif, exclusivement passif, passifs viriles, etc. tant d’étiquettes toutes aussi dénigrantes les unes les autres. Je dis dénigrantes parce que généralement lorsque les gays africains adoptent ces étiquettes, ils mentent. Autrement dit, beaucoup d’entre nous vivent dans un état de déni.

Je n’ai aucun problème avec le fait qu’un mec décide de se coller une étiquette sexuelle, du moment qu’il est honnête avec les raisons de son choix. Par contre, j’ai un problème quand les gays et bisexuels africains utilisent ces étiquettes pour se démarquer de ce qu’ils considèrent comme leur étant inférieurs.

Quand nous nous enfermons dans cette logique selon laquelle, se laisser pénétrer par un autre homme fait de nous un “passif ” et nous enlève une partie de notre masculinité, nous intériorisons inconsciemment ces valeurs religieuses et sociales qui ont justement servies à nous opprimer depuis des décennies et qui n’ont plus leur place dans la vie d’un gay ou d’un bisexuel en ces temps modernes.

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Si vous faites un tour sur Gaydar.co.za ou Adam4Adam.com, vous trouverez un nombre disproportionné de profiles qui se disent actifs. Si 90% d’entre nous sont des actifs, alors qui “se fait piler?”

Curieux que je suis, j’ai décidé de faire un test simple. J’ai créé un profil sur Adam4Adam ; profil sur lequel j’ai indiqué que j’étais “uniquement actif.” Je l’ai baptisé Tumo, lui ai associé un énorme pénis et pris la peine de préciser que celui qui aura la chance de décrocher un rencard avec Tumo devrait s’apprêter à ” se faire péter la rondelle ” (car c’est ce genre de phrases absurdes qui sont courantes sur ce type de sites). Si vous ne trouvez rien de dérangeant dans cette phrase, c’est que vous avez peut-être besoin d’aller voir un psy.

Que pensez-vous qu’il s’est passé? Chaque fois que Tumo se connectait sur le site, de nombreux profils estampillés ” uniquement actifs ” n’arrêtaient pas de le contacter, certains le suppliant presque pour se faire défoncer par son membre disproportionné. Ils lui envoyaient leurs mensurations et en demandaient tous après du ” hard “. Quelques uns demandaient à se “faire inondé” (mais ça c’est toute une autre histoire).

Mes chers frères gays, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, nous sommes tous malades et avons besoin d’aide. Notre déni profond a atteint une dimension psychologique qui frôle le malsain. Que c’est triste que nous ne soyons plus en mesure d’être honnêtes avec nous-mêmes et encore moins avec nos frères gays.

Bien sûr, je n’ai pas été surpris par le résultat de mon expérience. J’ai eu à faire du counselling envers les gays et bisexuels auparavant, alors je suis bien conscient des problèmes que nous avons avec notre sexualité. Dès notre bas-âge, on se fait appelés “tapettes”, “pédés” et j’en passe, des insultes comme pour nous rappeler que nous ne sommes que des créatures ” abominables ” destinées à bruler en enfer. Ce n’est donc pas étonnant de voir que beaucoup d’entre nous finissent par intérioriser tout cela et en arrivent à se détester eux-mêmes. Une réalité que très souvent, nous masquons dans l’alcool et la drogue.

Et puis, il y a l’émasculation des hommes noirs provoqués par le racisme et toutes ses conséquences sur l’appréhension de la psyché masculine africaine, qu’il s’agisse des homosexuels ou des hétérosexuels. La perception sociale que l’on se fait des hommes en Afrique est basée essentiellement sur une exagération et une surévaluation de leur masculinité : le machisme est tout simplement la norme ici.

Il n’est donc pas surprenant qu’il soit si difficile pour beaucoup d’entre nous d’admettre que nous aimons nous faire baisé. Nous percevons les passifs comme étant plus “gays” que les actifs et certains passifs commencent à se voir comme n’étant rien d’autre que de simples réceptacles de bites. Ils deviennent “exclusivement passifs ” – ceux-là à qui la bite ne sert à rien d’autre qu’uriner. À mon avis, ni les mecs ” uniquement actifs ” (c’est-à-dire ces actifs qui ne savent pas ce qu’est un baiser et n’osent faire des fellations), ni les mecs ” exclusivement passifs ” (à qui çà ne pose aucun problème de ne jamais être sucé) ne sont sexuellement ou psychologiquement normaux.

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Les hommes noirs qui se présentent comme étant ” uniquement actifs “, tout en étant dans le déni, posent un énorme problème à notre communauté. Si vous ne pouvez admettre au fond de vous que vous aimez être pénétré, vous êtes moins susceptible d’être prêts pour des rapports sexuels protégés. Lorsque vous êtes obsédé par l’idée de vous coller une étiquette d’actif tout en ayant honte de vos désirs profonds, et qu’il vous arrive de rencontrer quelqu’un qui vous fasse vibrer le rectum, signe annonciateur d’une envie folle de se faire défoncer ; alors, vous êtes également plus susceptibles de vous laisser aller à des choses plus dangereuses et néfastes telles que la cocaïne, la méthamphétamine ou toute autre chose dans le genre. La prochaine chose qui vous arrivera par la suite, sera probablement vous faire défoncer et pisser dessus.

Plus tard, vous ferez une fixation dessus : vous êtes un actif. Mais curieusement, votre corps vous dit le contraire. Et parce que vous êtes un actif et qu’une certaine “Mojita” vous a dit que les actifs ne peuvent pas attraper le VIH, vous ne vous êtes jamais fait dépister. Quelques années plus tard, allongé sur un lit d’hôpital, on vous annonce que vous êtes atteint de SIDA (pas seulement infecté par le VIH, mais déjà atteint de SIDA). Tout cela parce que vous ne pouviez pas accepter que, comme beaucoup d’hommes – comme la plupart des gays et même certains hétéros – Vous aimez être pénétré, parce que c’est sacrément bon.

Bien sûr, il y en a qui ne ressentent pratiquement pas de douleur, les amoureux transis et ceux qui ont tout simplement de nombreux blocages par rapport à tout ce qui se passe en dessous de la ceinture et ne tirent jamais un grand plaisir à se faire pénétrer. Quatre-vingt dix pour cent de la douleur est psychologique et vient des histoires avec lesquelles on vous a bourré le crane.

Cependant, les histoires de honte ou de douleur au sujet de la pénétration ne sont pas les seuls mythes en circulation. En voici un autre qui est tout aussi néfaste. Être un actif ne vous rend pas forcément plus viril que votre partenaire qui peut accepter souffrir de se faire prendre quelques minutes, puis payer lui-même ses propres factures par la suite et vous enculer à votre tour lui aussi. La plupart des mecs ” uniquement actifs ” ont juste une plus grande bite, une allure plus masculine et tout ce qui va avec.

Comme pour toutes ces autres choses que certains mecs qui se disent exclusivement actifs affirment ne pas faire comme sucer une bite, etc. – cela voudrait tout simplement dire qu’il ne trouve pas votre sexe attirant. Si tout ce que vous pouvez faire c’est vous faire sucer et puis défoncer un trou, alors je suis désolé de vous le dire de cette manière mais, sachez que vous n’êtes pas ” un bon coup “. Il existe des gadgets sexuels qui procureraient plus de plaisir que vous à votre partenaire.

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Je terminerai en répétant simplement que toutes ces étiquettes sont fausses. Pire encore, elles nuisent à notre capacité à entretenir des relations à long terme. Et il ne s’agit pas uniquement de mon point de vue ici, car des études l’ont prouvé.

J’aimerais que vous y pensiez plus sérieusement, que vous preniez un moment pour réfléchir à l’étiquette sexuelle que vous utilisez. Cela représente-t-il vraiment qui vous êtes et ce à quoi vous voulez que l’on vous associe en tant que gay ou bisexuel africain? Soyez honnête avec vous-même. Qu’y’a-t-il de mal à dire tout simplement que vous avez envie d’enculer ou de vous faire enculer ce soir ? Cela ne vous reliera pas systématiquement à une étiquette dont vous ne pourrez plus vous défaire. Qu’y’a-t-il de mal à ce que deux africains s’aiment et couchent ensemble, chacun voulant à la fois se faire plaisir et satisfaire l’autre, tout en sachant que leur masculinité ne sera pas compromise à cause de ce qu’ils ressentent ou font ? Être honnête avec vous-même et envers vos amants est une preuve de force et de respect de soi – et qu’y’a-t-il de plus “viril” que cela ?

Relevons le défi ensemble, gais et bisexuels d’Afrique !

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Publié par Q-zine http://q-zine.org/2013/12/31/les-etiquettes-sexuelles/

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Riposter à l’homophobie (avril 2013)

Un extrait de l’émission Haine des Chaînes du 22 avril 2013, avec un sample d’un film de Téchiné, des extraits de propos haineux au cours du débat autour du mariage pour tous, un tour de l’actualité homophobe, le chant du FHAR, et un appel à riposter…

 

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Désintégrer les intégrismes sans s’intégrer

L’existence d’une visibilité homosexuelle dans notre petit monde occidental laisserait à penser que tous les hommes attirés par d’autres hommes y seraient désormais libres de s’affirmer, de se marier et de mener une existence comparable à celle des couples hétérosexuels.

Parce qu’il existe des lieux où l’on peut consommer de la rencontre et de la culture gay moyennant finances, parce qu’il y a désormais des lois pour dénoncer l’homophobie, parce que l’on peut même avoir un statut légal pour fonder un couple ou bientôt une famille… on veut nous faire croire que le combat contre l’oppression morale qui condamne l’attirance sexuelle pour une personne du même sexe serait bientôt dépassé ou qu’il se situerait seulement dans le champ de la légalité…

Il n’en est rien ! Au boulot, dans la rue, dans les halls, au comptoir, dans les taules ou les HP… parce que nous n’avons pas les privilèges économiques qui nous en préservent, nous subissons toujours le joug de la morale phallocrate et l’incapacité de transcender la norme et la bienséance hétérosexuelle. Si la répression à notre encontre n’est plus inscrite dans la loi, elle est encore bien présente dans les esprits et se transforme trop souvent en diverses agressions.

Avouer son homosexualité, que ce soit à sa famille, à ses potes ou à ses collègues, ne se fait jamais sans difficulté, d’autant plus si l’on habite à la campagne ou en banlieue ou si l’on bosse dans certains corps de métiers à forte présence masculine. Le pédé est encore souvent considéré comme un être immature, voire un sous-homme, un dépravé, un dégénéré ou un malade, quelqu’un à qui l’on ne peut faire confiance, quelqu’un qui devrait avoir honte…

Pire, désormais, le pédé est associé au cliché qu’en on fait les médias : un être frivole qui se complet dans un consumérisme à outrance, dans le monde des apparences, du fashion et du sexe-marchandise… Pour un peu, nous serions tous semblables à un Delanoë, un Jean-Paul Gautier ou à tel imbécile de série télé ou de une de magazine. Les revendications partielles, l’identitarisme et leur récupération par le système capitaliste ont achevé de caricaturer une « culture gaie » qui sert de repoussoir pour les uns et d’arguments pour tous ceux pour qui l’homosexualité n’est qu’une déviance de bourgeois, d’occidentaux ou de mécréants, c’est selon.

Alors, à quoi bon sortir de l’ombre, si c’est pour être sous les projecteurs de cette société marchande ? A quoi bon sortir du placard pour se laisser enfermer dans les ghettos créés par et pour la bourgeoisie ?

Nous haïssons les réacs de tous poils et de toutes confessions qui eux, ne voudraient plus nous voir ni nous entendre, oui, nous les haïssons et nous voudrions les combattre jusqu’au dernier…

Mais, pour autant, nous ne nous laisserons pas instrumentaliser ni récupérer par les « homosexuels bien pensants », ni par ceux qui nous tolèrent simplement pour stigmatiser d’autres cultures et exalter leur fierté nationale ou républicaine.

Nous refusons de respecter les « bonnes mœurs » et de nous conformer à la norme du couple, de la famille nucléaire.

Nous ne voulons pas d’une intégration ou d’une quelconque reconnaissance sociale trop étroite pour nos aspirations à la différence et à la liberté.

Nous refusons d’être des victimes et préférons rendre les coups de mille manières plutôt que d’en appeler à la protection policière et aux compensations judiciaires.

Nous ne correspondrons pas aux rôles qu’ils veulent nous assigner.

Nous ne visons pas à aménager cette société capitaliste et patriarcale.

Nous ne voulons œuvrer qu’à sa destruction, à la liquidation de toutes formes de dominations.

Quelques pédés prêts à riposter, avril 2013.

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[actu] Un hackeur met en garde contre Grindr

Publié le 27 août sur le média gay suisse mainstream 360.

Un hackeur affirme avoir mis en garde 100’000 utilisateurs de l’application de drague gay contre la vulnérabilité du système, susceptible selon lui de mettre leur vie en péril.

La drague gay a toujours comporté des risques. A ce titre, les apps de rencontres ne sont guère plus sûres que les rencards nocturnes dans les parcs. Grindr, qui revendique 5 millions d’utilisateurs, a été utilisé par plusieurs auteurs d’agressions homophobes, récemment encore lors d’un double meurtre à Seattle. Toutefois, depuis quelques mois, un mystérieux hackeur met en garde les utilisateurs contre une menace de plus grande envergure: le piratage massif de données à des fins de chasse aux gays.

Extrême précision

De fait, selon lui (ou elle), la base de données de l’app gay vedette du moment est particulièrement perméable aux bidouilleurs plus ou moins bien intentionnés. Il le démontre dans une vidéo postée sur YouTube (voir ci-dessous). La localisation exacte des utilisateurs de Grindr sont facilement accessibles, même sans utiliser l’application. Au moyen de requêtes multiples au serveur de l’application via le système JSON (JavaScript Object Notation) et un calcul de triangulation, n’importe qui pourrait obtenir une signalisation extrêmement précise des utilisateurs d’une zone donnée, et les reporter sur une carte. «On peut dire s’il utilise Grindr dans sa salle de bain ou sur son sofa», précise l’individu.

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En outre, les protocoles utilisés par Grindr pourraient être court-circuités afin de créer de faux profils ou d’envoyer des messages aux utilisateurs de l’app, comme le relève le blog technologique du site indien NDTV. Notre hacker affirme avoir ainsi mis en garde quelque 100’000 gays dans 70 pays réprimant l’homosexualité contre le risque d’un piratage susceptible de dévoiler leur identité.

Responsabilité sociale

Grindr a balayé les accusations de faille de sécurité et la demande du hackeur de combler ces lacunes. L’entreprise a souligné qu’elle n’assumait pas la responsabilité sociale du partage de la géolocalisation, une fonctionnalité du système désactivable. Sur les blogs américains, où le sujet provoque une controverse passionnée, on souligne que l’abandon de la géolocalisation ferait perdre à Grindr tout intérêt. On rappelle également que les systèmes de ce type ont révolutionné la vie des gays à travers le monde. «De bien des manières, Grindr aide ceux qui se trouvent dans des régions peu gay-friendly à trouver des gens qui partagent la même sensibilité, commente l’expert Chris Ward dans le Huffington Post, mais il y a toujours un risque.»

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Mise à jour (29 septembre 2014) :  L’application de rencontres Grindr délivre désormais un message d’avertissement à ses utilisateurs égyptiens : «L’Égypte arrête des personnes LGBT, et la police peut se faire passer pour une personne LGBT afin de vous piéger. Veuillez être prudent lorsque vous prévoyez de rencontrer une personne que vous ne connaissez pas et soyez vigilant si vous publiez quelque chose qui pourrait révéler votre identité.»

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[actu] Fichage : Facebook contre les Drag queen

Drag queen Eva Stiletto applies make-up before a drag show in Tel Aviv

Publié le 18.09.14 par le média lgbt mainstream Yagg.

Deux représentant.e.s de Facebook ont rencontré ce mercredi 17 septembre à San Francisco des drag-queens, un membre du conseil municipal et des militant.e.s LGBT au sujet de l’exigence d’inscrire son «nom réel» sur le réseau social. Après que leur profil a été signalé, plusieurs personnes, dont des drag-queens, utilisant des pseudonymes ont vu leurs comptes supprimés. Facebook s’est engagé à rouvrir ces comptes, mais pendant deux semaines seulement. À l’issue de cette période, les personnes concernées devront soit utiliser leur identité civile, soit voir leur profil être transformé en «Page» destinée à accueillir les messages de fans.

«INACCEPTABLE»
«Même si à première vue, cela ressemble à un grand geste de soutien à notre communauté, c’est en fait totalement creux, a réagi sur Facebook Sœur Roma, des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Ils nous ont en effet offert la possibilité de retrouver nos profils pour les suspendre deux semaines plus tard et exiger que nous nous soumettions à leurs règles injustes et discriminantes, et si on refuse, ils les supprimeront à nouveau. C’est absolument inacceptable.»

Une autre rencontre avec des responsables de Facebook dont la date n’a pas encore été fixée doit avoir lieu. Sœur Roma se veut optimiste car elle a par ailleurs rencontré l’association des salarié.e.s LGBT du réseau social qui l’ont assurée de leur soutien et lui ont appris que la règle du «nom réel» était également débattue en interne. Mise en place depuis plusieurs années, cette règle répond au besoin de Facebook de «responsabiliser» les utilisateurs/trices. L’identité civile d’une personne a également une plus grande valeur marchande, ce qui n’est pas négligeable pour le réseau social passé maître dans l’art de vendre les données que ses utilisateurs/trices ont publiées, souligne le Wall Street Journal.

Les représentant.e.s du réseau social ont admis que depuis quelques semaines, les profils des drag-queens ont été particulièrement ciblés dans les signalements pour usage de faux nom. «C’est du harcèlement virtuel, s’est indignée Heklina, une autre drag-queen citée par le Bay Area Reporter. Au début, je voulais boycotter Facebook. Mais une journée après que mon profil a été suspendu, j’ai eu l’impression qu’on m’avait coupé une jambe.» Elle réclame le droit de ne pas utiliser son identité civile car elle a «une famille totalement folle» qui pourrait lui nuire.

«CAPRICE DE DRAG-QUEENS»?
Les personnes entendues par Facebook n’ont eu de cesse de faire valoir qu’il ne s’agit pas là d’un «caprice de drag-queens» comme l’a expliqué Sœur Roma, mais la revendication légitime de personnes dont le bien-être et la sécurité pourraient être menacées si elles utilisaient leur «nom réel». D’autant plus qu’un nom de scène n’a rien d’irréel: «Si Facebook voulait vraiment savoir si je suis réelle ou pas, il suffisait de regarder les centaines de photos de moi prises pendant mes spectacles», a réagi Heklina. Mais le réseau social se veut intangible: dans un mail, un porte-parole indique que «si des gens veulent utiliser un nom alternatif sur Facebook, plusieurs options sont à leur disposition, comme mentionner un pseudonyme sous leur nom, ou créer une page dédiée à leur identité alternative».

D’après le Wall Street Journal, 11,2% des profils Facebook existants ne correspondent pas à l’identité civile de leur détenteur/trice. Mais le réseau social met tout en œuvre pour vendre les données les plus précises et les plus exactes aux annonceurs. En 2014, cela devrait lui rapporter un peu plus de 9 milliards d’euros.

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Traitement préventif contre le VIH ? En finir avec la dépolitisation !

Morgane Merteuil et Thierry Schaffauser, militant-e-s du Syndicat du travail sexuel (STRASS), reviennent ici sur le débat associé à un nouveau mode de prévention du VIH, et pointent notamment les effets néfastes d’une stratégie de lutte contre le sida dépolitisée.

 La récente Conférence mondiale sur le sida qui s’est déroulée à Melbourne du 20 au 25 Juillet 2014 a notamment été l’occasion de faire le point sur une stratégie de lutte contre l’épidémie qui fait de plus en plus parler d’elle : la Prophylaxie pré-exposition (PrEP) ; il s’agit, pour les personnes séronégatives, de prendre un traitement anti-rétroviral contre le VIH (le Truvada), afin de diminuer les probabilités d’être infecté en cas de prise de risque. Face au constat qu’en dépit d’énormes progrès réalisés au niveau des différents moyens mis en œuvre pour lutter contre le virus (notamment : accès aux préservatifs, dépistages rapides, Traitements Post-Exposition, Treatment as Prevention, amélioration des traitements existants), l’épidémie progresse toujours au sein des populations clés comme les gays et HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), les usagers de drogues et les travailleur-se-s du sexe (si le nombre de contaminations parvient à baisser dans certains pays, en France il y en a toujours environ 7000 par an), la PrEP apparaît alors comme un nouvel outil de lutte qui pourrait permettre de réduire le nombre de celles-ci. Si les premiers résultats des essais mis en place tendent à prouver qu’avec une bonne observance du traitement, la PrEP protégerait autant que le préservatif, sa promotion amène tout de même à quelques interrogations. Ce qui peut apparaître comme positif sur un plan purement statistique, ne se traduit pas toujours tel que souhaité une fois mis en place, et des effets non désirés peuvent émerger.

Certaines contraintes, comme le fait de devoir prendre un traitement lourd entraînant de possibles effets indésirables, trouveront certainement leurs réponses dans le futur, au fur et à mesure de l’amélioration de l’outil tout en sachant que le Truvada est en fait déjà connu comme un des médicaments anti-VIH le mieux supporté par les patients séropositifs qui l’expérimentent depuis plusieurs années. D’autres questions, d’ordres plus politiques, méritent en revanche d’être posées dès aujourd’hui, puisque les essais d’une PrEP destinée aux HSH ont commencé en France, via Ipergay (qui vise à tester l’efficacité du Truvada en prise préventive à la demande, c’est à dire de manière ponctuelle, en fonction des périodes d’activité sexuelle des participants)1. Dans le même temps, plusieurs questionnaires ont été soumis aux travailleur-se-s du sexe afin de recenser leurs connaissances et intérêt potentiel pour la PrEP. Il nous semble en effet qu’au-delà des débats sur la potentielle efficacité de cet outil, ou sur les conditions de son utilisation, peu de questionnements ont émergé en ce qui concerne les implications du choix d’une telle stratégie, et notamment des implications politiques et économiques.

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Truvada Whores et travailleur-se-s du sexe

Alors que le Truvada en PrEP a été autorisé l’an dernier par la FDA (Food and Drug Administration) afin d’être commercialisée aux États-Unis, une expression nouvelle a fait son entrée dans les milieux gays, utilisée par ceux (travailleurs du sexe ou non) qui ont opté pour cette méthode de prévention pour s’auto-désigner « Truvada whore » (pute à Truvada). À l’heure où des questionnaires sont distribués et des réunions organisées2 afin de connaître l’opinion de celles qui semblent être la prochaine population cible au sein de laquelle sera promue la PrEP, il nous paraît nécessaire d’énoncer les limites d’une transposition de la PrEP aux travailleur-se-s du sexe, en rappelant notamment les revendications des travailleuses du sexe elles-mêmes quant à l’épidémie de VIH.

Pour commencer, il nous semble nécessaire de rappeler que le débat sur la PrEP au sein de la communauté gay s’inscrit dans la continuité d’autres débats qui l’ont traversée notamment depuis la fin des années 1990 et le phénomène accru de prises de risques sexuels avec l’arrivée des trithérapies. Depuis le milieu des années 2000, le traitement comme prévention (TasP) part du constat qu’une personne séropositive sous traitement, qui est bien suivie, et dont la charge virale est indétectable, n’est plus contaminante. Cela a permis à de nombreux gays d’avoir une sexualité sans préservatifs, et est apparu comme un grand soulagement pour les couples sérodifférents qui vivaient auparavant dans la peur d’une contamination en cas de rupture ou de non usage du préservatif. Les débats sur les politiques de prévention axées sur le préservatif ou des stratégies dites de réduction des risques se prolongent donc avec l’arrivée de la PrEP. En effet, il s’agit d’un important changement de paradigme dans les stratégies de prévention des gays. Tandis que le préservatif restait le seul moyen de ne pas devenir séropositif, dont une des principales conséquences est de devoir prendre un traitement à vie, il sera désormais possible de prendre un traitement pour ne pas devenir séropositif.

Par ailleurs, le monde de la lutte contre le sida étant dominé par les gays, les autres populations clés ne sont pas épargnées par ces débats, dont bien entendu la communauté des travailleur-se-s du sexe. La différence est que la PrEP ne fait en réalité pas débat chez les travailleur-se-srSEs du sexe. Il ressort ainsi de l’enquête menée sur les attentes concernant cet outil au sein de la communauté3 que la PrEP n’est pas encore aussi connue qu’elle peut l’être chez les gays, mais surtout qu’elle ne suscite pas le même enthousiasme. Dans l’enquête menée, à l’échelle internationale cette fois, par le NSWP, il apparaît également que :

 « Les travailleuses du sexe ont exprimé une grande incertitude à l’égard de la PrEP et d’une mise sous traitement précoce. La majorité des participants étaient sceptiques quant à ces stratégies et beaucoup ont déclaré qu’ils ne voudraient pas adopter la PrEP comme stratégie de prévention »4.

Cette différence d’enthousiasme s’explique par le fait que les problématiques de prévention chez les travailleur-se-s du sexe sont assez différentes de celles chez les gays. Par exemple, la problématique d’une potentielle baisse de plaisir sexuel avec le préservatif qui est exprimée par certains gays, ne l’est a priori pas pour l’instant de la part des travailleur-se-s du sexe, dont le but premier du rapport sexuel avec leurs clients est l’obtention d’un revenu plus que la recherche de plaisir. Ainsi, on note également que la relâche des outils de prévention chez les gays travailleurs du sexe se constate bien plus dans leurs pratiques « privées » que « professionnelles »5. Par ailleurs, comme le remarquait la « Note du STRASS sur la PrEP »6, « le préservatif sert parfois de barrière émotionnelle avec les clients et permet de faire la différence entre le travail et la vie sexuelle et affective privée ».

Il est vrai en revanche qu’il existe une demande de rapports non-protégés de la part des clients des travailleur-se-s du sexe. Cette demande est d’ailleurs une des raisons principales des craintes des travailleur-se-s du sexe face à une potentielle mise en avant de la PrEP à leur destination, puisqu’il est probable qu’il s’ensuivrait une concurrence accrue entre les travailleur-se-s du sexe qui, utilisant la PrEP, accepteraient ces pratiques, et les autres. Il est à craindre, dès lors, que de nombreuses travailleur-se-s du sexe optent pour cette stratégie de prévention non par préférence personnelle pour cet outil, mais pour s’adapter au marché. Comme toujours, cette pression sera encore plus néfaste aux travailleur-se-s les plus précaires et qui ont déjà un moindre pouvoir de négociation. Plus inquiétant encore, ce sont justement les travailleur-se-s les plus précaires qui risquent d’avoir un accès plus difficile à la PrEP, puisque la précarité est bien souvent une entrave majeure à l’accès aux services de santé, avec la répression qui touche, elle aussi, en priorité les travailleur-se-s précaires.

Si l’on peut souhaiter que les recherches progressent de manière à rendre la PrEP de moins en mois contraignante, il n’en reste pas moins que la prise régulière d’un traitement est inenvisageable pour de nombreux-se-s travailleur-se-s du sexe. La nécessité d’un suivi médical amenant forcément les travailleur-se-s du sexe à devoir déclarer leur activité, la stigmatisation apparaît déjà en tant que telle comme une barrière conséquente même pour les travailleur-se-s du sexe qui pourraient être intéressées par cet outil de prévention, puisque la révélation d’une utilisation de la PrEP équivaudrait alors à une révélation de l’activité professionnelle de la personne. Inversement, dans les pays réglementaristes qui imposent déjà des tests médicaux aux travailleur-se-s du sexe, il est à craindre que le droit élémentaire de refuser un traitement, alors qu’on n’est pas malade, fasse peu de poids face aux volontés de certainEs de contrôler l’état de santé des travailleur-se-s du sexe par crainte qu’elles ne contaminent le reste de la société.

La PrEP pourrait ainsi dans certains contextes servir d’argument supplémentaire pour imposer le dépistage et une mise sous traitement obligatoires pour toutes les travailleur-se-s du sexe, et justifier d’autant plus la criminalisation de la transmission du VIH existant dans des pays comme la Grèce ou la Suède. Ainsi, la Suède oblige tout séropositif à déclarer son statut sérologique à ses partenaires sexuels, ce qui pousse les travailleur-se-s du sexe à enfreindre la loi pour ne pas prévenir leurs clients, tandis qu’en Grèce, une véritable chasse aux sorcières7 à eu lieu contre des personnes séropositives, travailleur-se-s du sexe ou non, comprenant raids policiers, emprisonnements, dépistages obligatoires et publication dans les médias et sur le site de la police des photos de celles dépistées positives et identifiées (quand bien même ce n’était pas le cas) comme travailleur-se-s du sexe . Quand bien même, dans d’autres contextes, il pourrait sembler qu’il s’agit de protéger non le reste de la société mais les travailleur-se-s du sexe, la logique ne serait pas différente de celle qui a mené au XIXe siècle au régime français des maisons closes ou au Contagious Diseases Act anglais. Ainsi, on lit, toujours dans la consultation réalisée par le NSWP, que : « Les participants ont noté que ces technologies ont augmenté la surveillance des travailleur-se-s du sexe et intensifié le risque de violations des droits, y compris le dépistage, le fichage et le traitement obligatoire des travailleur-se-s du sexe. »8

La répression, première cause de vulnérabilité des travailleur-se-s du sexe

La répression a déjà comme conséquence que de nombreuxSEs travailleur-se-s du sexe séropositifVEs voient leur accès au traitement entravé, puisqu’elles ne peuvent pas toujours y avoir accès lorsqu’elles sont en garde-à-vue ou en prison. C’est également la répression qui réduit le pouvoir de négociation des travailleur-se-s du sexe face aux clients qui veulent des rapports non protégés, puisque plus les travailleur-se-s sont précarisées, moins elles peuvent se permettre d’imposer leurs conditions.

Au contraire, en Nouvelle-Galle du Sud (État Australien), aucune contamination entre une travailleuse du sexe et un client n’a été documentée depuis le début de l’épidémie. On notera que cet État a décriminalisé le travail sexuel à la fin des années 1970 avant même l’apparition du sida. Comme le recommandent d’ailleurs de plus en plus de médecins et d’institutions, en plus des organisations de travailleur-se-s du sexe elles-mêmes, la décriminalisation totale des industries du sexe apparaît comme la première mesure à prendre si l’on veut lutter contre le VIH chez les travailleur-se-s du sexe, puisqu’en contexte criminalisé, les préservatifs peuvent être utilisés comme preuve de prostitution, et les travailleur-se-s du sexe disposent d’un pouvoir de négociation moindre pour imposer leurs conditions en termes de pratiques protégées. Lors du congrès de Melbourne, a notamment été publiée par The Lancet, célèbre revue médicale, une étude confirmant que la criminalisation du travail sexuel était l’entrave la plus grande à la prévention chez les travailleur-se-s du sexe9. Mais cette revendication demande de s’attaquer à des causes structurelles, et non pas individuelles et comportementales, de s’attaquer directement aux États prohibitionnistes, non d’établir avec eux ou leurs relais, des partenariats pour cartographier les populations considérées comme étant à risque.

La dépolitisation de la lutte contre le sida

L’arrivée de la PrEP dans le débat public, et plus exactement les modalités de ce débat, nous semblent manquer des enjeux politiques essentiels. La lutte contre le sida, mais plus généralement les luttes pour la santé, demandent la mise en place de politiques plus ambitieuses que celles consistant à mettre un pansement sur un symptôme. La lutte contre le sida a d’ailleurs été, peu après l’apparition de la maladie et des ravages qu’elle a causés, l’occasion d’une affirmation politique radicale de la part d’associations comme, par exemple, Act Up qui, très vite, ont lié l’expansion de l’épidémie à un contexte politique plus global, et ont ainsi su rattacher la question du VIH à des enjeux politiques tels que l’économie de l’industrie pharmaceutique, le pouvoir des patients face au monde médical, l’homo/transphobie structurelle, ou encore la répression d’État et la situation des prisonnierEs. La position d’Act Up a fait l’objet de nombreuses critiques, puisque l’association a toujours préféré mettre en avant une approche de la prévention par le préservatif, le développement d’une responsabilisation communautaire, et la lutte politique, plutôt qu’une approche de « non-jugement » des pratiques individuelles et la réduction des risques comme adaptation à un contexte propice à l’épidémie, tel que l’a défendu par exemple l’association Aides10. S’il semble évident aujourd’hui que c’est cette dernière approche qui, grâce au soutien institutionnel, l’a emporté, il s’agit alors pour nous de penser l’étape suivante, et de rappeler que si la lutte contre le sida est une lutte politique, elle ne saurait ignorer les enjeux dans lesquels elle s’inscrit également en partie.

Si nous nous emparons de cette question aujourd’hui (et si nous espérons que la gauche le fera également), c’est justement parce que cet agenda nous est déjà imposé. En ce qui concerne les travailleur-se-s du sexe, par exemple, jamais la PrEP n’a été une revendication des organisations qui les représentent. Dans un tel contexte, il serait inacceptable de ne pas, au moins, porter un regard critique sur les modalités de cette imposition, et de ne pas tenter de rectifier le tir, afin de ne pas subordonner les intérêts à la fois des travailleur-se-s du sexe et des personnes pour qui la PrEP pourrait être bénéfique à des intérêts politiques et économiques qui ne sont pas les nôtres. Il nous semble en effet particulièrement regrettable que, face à la proposition d’un outil qui pose tout de même un certain nombre de questions, les seules qui semblent émerger des discussions et différents articles, que ce soit dans la presse gay ou généraliste, soient des questions strictement circonscrites aux enjeux de santé individuelle (efficacité ou pas, prise ponctuelle ou pas, dé-stigmatisation du bareback ou pas, etc.) comme si le domaine de la santé lui-même n’était pas lié à d’autres intérêts plus généraux. Mais comme le rappellent les auteurs d’une tribune11 parue sur Yagg et VIH.com, les questions sur les implications politiques plus larges que les stricts enjeux de santé « peuvent agacer ».

Les questions concernant strictement l’efficacité de la PrEP étant délaissée aux scientifiques et spécialistes du virus, nous espérons au moins, en tant que militant-e-s d’une communauté exclue de ces débats, faire émerger d’autres questions qui nous semblent cependant centrales. Ainsi, la question de l’imposition d’un agenda, que ce soit aux HSH ou aux travailleur-se-s du sexe, nous mène à la question de ce que nous voulons, en tant que personnes potentiellement concernées par le VIH. Lorsque nous constatons l’énergie et les financements investis (entre autres par l’industrie pharmaceutique) dans la recherche et la promotion de la PrEP, qui pourrait devenir une manne financière considérable si des millions de séronégatifs perçus comme « à risque » se voyaient encouragés à prendre ces traitements coûteux, nous nous demandons pourquoi si peu d’argent de la lutte contre le sida est alors investi dans des programmes de plaidoyer contre la criminalisation du travail sexuel, étant donné que ce contexte est la première cause structurelle de notre vulnérabilité. Pourtant, lors de la lutte pour l’ouverture du mariage par exemple, il semblait alors évident pour de nombreuses associations et personnalités de la lutte contre le VIH que la lutte contre l’homophobie et pour l’accès aux droits des gays était un enjeu de lutte contre le sida. Pourquoi n’en est-il pas autant de même avec les droits des travailleur-se-s du sexe, des usagerEs de drogue, des prisonnierEs, des trans, ou des étrangerEs ? Nous nous demandons également pourquoi gouvernements et institutions envisagent la promotion de nouveaux outils de prévention plutôt que de réfléchir aux conséquences néfastes de leurs politiques répressives et stigmatisantes. Cela revient, au sujetes travailleur-se-s du sexe, à fermer les yeux sur les causes du problème que l’État a lui-même créé et divertir notre attention en proposant des réponses qui ne sont pas demandées par les concernées.

Comme l’écrivait le STRASS : « L’efficacité de tel ou tel outil de prévention est liée principalement à son contexte d’usage. Quand notre priorité est de devoir nous défendre contre des violences policières et des discriminations accrues, la santé passe après »12. L’intérêt de la PrEP parmi les travailleur-se-s du sexe, mais aussi parmi toutes les populations concernées, sera conditionné à un contexte d’usage favorable qui permette que cet outil apparaisse véritablement comme un choix supplémentaire et non comme une option vers laquelle nous poussent des contraintes d’ordre structurel.

Prostitution-illustration

Comme le rappelait l’avis du Conseil National du Sida, il s’agit avec la PrEP de « faire le pari de l’autonomie et de l’intelligence ». Mais de quelle autonomie parlons-nous lorsque sous prétexte que le travail sexuel est une réponse à une nécessité, celles et ceux qui l’exercent font l’objet d’un traitement d’exception ? De quelle intelligence parlons-nous lorsque l’approche répressive des questions sociales n’est toujours pas remise en question, quand les mouvements de lutte contre le sida ont mis tant de temps à comprendre l’importance de la décriminalisation du travail sexuel et de sa reconnaissance comme travail, ou encore peinent à s’emparer de la terminologie mise au point par les personnes concernées pour les désigner ? Ainsi, lors de la récente évaluation du Plan National de Lutte contre le Sida 2010-2014, les remarques des travailleur-se-s du sexe quant à la non-réalisation des objectifs de celui-ci n’ont été suivies d’aucun effet. Pourquoi nous demander notre avis sur la PrEP si c’est pour dans le même temps esquiver ainsi nos critiques de l’action gouvernementale en matière de lutte contre le VIH chez les travailleur-se-s du sexe ? Tant que ces questions ne seront pas posées, tant que l’agenda ne semblera pas dirigé par et pour les personnes potentiellement concernées par l’épidémie, tant que des conditions claires ne seront pas posées aux laboratoires sur les prix des traitements et la garantie de leur accès universel, et pas uniquement sur la PrEP, mais également sur les trithérapies s’adressant aux personnes séropositives dont nombreuSEs sont les travailleur-se-s du sexe dans le monde à en manquer l’accès, tant que les encouragements institutionnels à la responsabilisation individuelle face aux questions de santé continueront de s’accompagner d’un tel désengagement de l’Etat des services publiques de santé et d’un sous financement de nos associations de santé communautaires, les discours qui prétendent que la promotion de la PrEP constituerait une solution à l’épidémie ne nous convaincrons pas, et nous continuerons à émettre des doutes légitimes sur les intérêts finaux au nom desquels ces recherches sont effectuées.

 Publié par Contretemps.

 

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[actu] « Si tu es homosexuel (et palestinien)… Israël va transformer ta vie en enfer »

Publié par Jeune Afrique le 12.09.2014

Une quarantaine de soldats de réserve de la plus prestigieuse unité de renseignement militaire israélien ont décidé de ne plus en endosser l’uniforme pour ne plus avoir à participer aux injustices commises selon eux contre les Palestiniens. Il s’agit de l’une des plus importantes expressions d’objection de conscience depuis des années en Israël.

« Nous, anciens de l’unité 8200, réservistes mobilisés ou mobilisables, déclarons que nous refusons de prendre part à des actions contre les Palestiniens et de continuer à être instrumentalisés pour renforcer le contrôle militaire sur les Palestiniens dans les territoires occupés », écrivent 43 officiers et soldats signataires d’une lettre adressée au Premier ministre et au chef d’état-major israéliens et transmise vendredi à l’AFP dans une version anonyme.

« Nous ne pouvons plus continuer à servir ce système et à dénier leurs droits à des millions de personnes tout en gardant bonne conscience », disent les signataires.
Publiée moins de trois semaines après la guerre dans la bande de Gaza, la lettre est sans lien avec elle. Mais elle est un pamphlet contre la politique globale du « régime » et les pratiques du Renseignement mises au service de cette politique.

La NSA israélienne

Il y est question de mise sous surveillance de millions de Palestiniens sans distinction, jusque dans leur vie privée. Ces refuzniks (terme désignant des Israéliens refusant de servir) dénoncent « la persécution politique » à laquelle participe leur activité d’espionnage; des tribunaux militaires rendant leurs jugements sans que les Palestiniens aient accès aux preuves rassemblées contre eux et des agissements montant les Palestiniens les uns contre les autres.

Ils s’en prennent plus largement à la règle militaire sous laquelle des millions de Palestiniens vivent depuis plus de 47 ans ainsi qu’à la colonisation et à l’hypocrisie d’une politique invoquant les nécessités de sécurité pour se justifier. L’armée a nié la réalité de ces accusations et a affirmé dans un communiqué ne « pas avoir d’informations selon lesquelles des violations spécifiques mentionnées dans cette lettre ont eu lieu ».

Ce « manifeste des 43 » émane d’une unité qui, par la force des choses, sort rarement de l’ombre. L’unité 8200 est un service d’élite du renseignement militaire. Spécialisée dans la cyberdéfense, chargée des écoutes, elle est souvent comparée à la NSA (National Security Agency) américaine. Dans un pays où l’armée joue un rôle prééminent et où l’opinion a très majoritairement soutenu la récente guerre à Gaza, la dernière manifestation marquante d’objection de conscience remonte à 2003, lors de la seconde Intifada. Vingt-sept pilotes de l’armée de l’air avaient refusé de mener des opérations de liquidation dans les Territoires palestiniens.

Ils ont perdu le sommeil

« Je pense que nous avons tous signé cette lettre pour la même raison: parce que nous n’arrivons plus à dormir la nuit », résume une des 43 dans un entretien publié vendredi dans le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot. Une femme parle de l’erreur d’identification qu’elle a commise et qui a conduit selon elle à la mort d’un enfant. D’autres s’émeuvent d’avoir à écouter les conversations les plus intimes de Palestiniens.

« Si tu es homosexuel, et que tu connais quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît l’homme que l’on recherche, Israël va transformer ta vie en enfer », explique un autre à titre d’exemple.

« C’est comme cela qu’on recrute des agents partout dans le monde, cette méthode du chantage se trouve dans n’importe quel manuel du renseignement de n’importe quelle armée », commente le colonel de réserve Itamar Yaar, ancien vice-président du Conseil de sécurité nationale interrogé par l’AFP.

« Les soldats sont aussi des citoyens et ont aussi une opinion politique. J’aurais préféré que cette lettre n’existe pas, mais elle est là, et c’est une chose normale », dit-il.

Un responsable sécuritaire a minimisé l’impact de ce « manifeste des 43 ». « Ils lavent leur linge sale en public avant même de se tourner vers l’armée. C’est la preuve qu’ils sont dans une démarche d’activisme politique plutôt qu’une volonté de faire changer le système », a dit à l’AFP ce responsable sécuritaire sous couvert d’anonymat. Selon lui, ces 43 personnes représentent moins d’1% du nombre total de réservistes de l’unité 8200.

(Mass média – Jeune Afrique avec AFP)

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[actu] La « Manif pour tous » voudrait contrôler l’école

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Repris de la presse gaie bourgeoise Yagg. Publié le 29 septembre 2014.

À la rentrée 2013, la «Manif pour tous» avait incité les parents d’élèves à rejoindre des comités Vigi-gender ou à devenir délégué.e.s pour garder un œil sur les programmes scolaires et veiller à ce que l’égalité entre filles et garçons ne s’immisce dans les salles de classe. Dans la ligne de mire, les ABCD de l’égalité, alors en expérimentation dans plusieurs académies et aujourd’hui abandonnés au profit d’un plan d’actions pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école.

Outre la distribution de tracts devant les grilles des établissements scolaires, ces groupes avaient aussi entre autres fait naître une polémique autour de la diffusion dans les écoles du film Tomboy. Cette année, la mobilisation des anti-égalité n’a pas faibli et ils entendent désormais peser dans la balance à l’approche des élections des représentant.e.s de parents d’élèves qui ont lieu les 10 et 11 octobre prochains. Les représentant.e.s élu.e.s sont amené.e.s à participer à la vie de l’établissement et à donner leur avis sur le projet de l’établissement, le règlement intérieur, ou encore sur l’organisation d’activités complémentaires, éducatives, sportives ou culturelles. Farida Belghoul, à l’origine avec sa «Fédération nationale de parents engagés et courageux» des «journées de retrait de l’école», souhaite aussi rejoindre les sièges des délégué.e.s. Dès lors qu’ils ou elles seraient élu.e.s, des représentant.e.s issus de ces différentes groupes pourraient être en mesure de montrer leur opposition à des spectacles, des lectures ou des projections, ou même à des interventions d’associations telles que SOS homophobie ou le MAG Jeunes LGBT.

Les fédérations de parents d’élèves, qui déjà l’an dernier avaient été attentives à la progression aux abords des écoles de ces groupes en guerre contre l’égalité restent en alerte, et constatent que dans certains secteurs, ils pourraient effectivement trouver un écho favorable auprès de certaines familles: «Des listes pourraient passer dans des écoles et dans quelques collèges où la mixité n’existe pas forcément, où le climat entre parents et enseignants est tendu, explique Bruno Brisebarre, secrétaire départemental de la FCPE-Val-d’Oise, cité par Le Monde. Quoi qu’on leur dise, des familles continuent à craindre la théorie du genre.» Le travail de désinformation par la peur orchestré autour d’une pseudo «théorie du genre» pourrait donc porter ses fruits.

Repris de la presse gaie bourgeoise Yagg. Publié le 8 septembre 2014.

En Loire-Atlantique, l’organisation a envoyé un courrier aux 1048 chefs d’établissement.

Si la présidente de la «Manif pour tous Loire-Atlantique» France de Lantivy assure qu’elle n’a pas émis de «menace», elle a malgré tout envoyé un courrier intimidant aux 1048 chefs d’établissement de Loire-Atlantique en juillet, rapporte fRance Info.

TRANSPHOBIE
Le but? «Éveiller les équipes pédagogiques en disant attention, nous allons être vigilants aux ouvrages que vont manier nos enfants par votre biais, par rapport aux spectacles qui vont être donnés, aux films, à tous les outils pédagogiques parce qu’on dénonce cette théorie du genre qui pour nous est un mensonge», a-t-elle avancé. La lettre dénonce notamment la lecture de l’ouvrage pour enfants Tango a deux papas à une classe de moyenne section, ce qui serait «inacceptable».

L’homoparentalité n’est pas le seul problème de la «Manif pour tous» qui veut aussi taire l’existence des personnes trans’. «La théorie du genre, c’est quand on vient mettre un mensonge dans l’esprit des enfants en disant: “Tiens, voilà, toi, petit garçon, en fait, tu n’es pas forcément un petit garçon, mais tu peux aussi être une petite fille”», a expliqué France de Lantivy. D’après son compte Twitter, celle-ci a milité contre la diffusion du film Tomboy dans les écoles et estime que la libre circulation des travailleurs/ses en Europe serait un complot du «lobby LGBT» pour imposer la reconnaissance de l’ouverture du mariage à l’ensemble du continent.

«FANTASMES»
Les responsables éducatifs locaux ont réagi à ce courrier en donnant tort à la «Manif pour tous». «Les enseignants n’ont pas à être sous surveillance, a répliqué William Marois, le recteur de l’académie de Nantes. Ils enseignent les principes de la République, loin des fantasmes développés dans ce courrier par quelques groupes.» Même position du côté de Thierry Chouquet, le principal du collège Salvador-Allende à Rezé, qui se dit «assez mécontent» d’avoir reçu un tel courrier. «On a le sentiment d’être sous une éventuelle surveillance en dehors de tout cadre légal. On a l’impression qu’il se passera quelque chose si ces organisations estimaient qu’on ne fait pas notre travail. Je serais bien incapable d’enseigner la théorie du genre et je pense que les enseignants de nos établissements, pour eux c’est quelque chose qui n’existe pas.»

Par Julien Massillon, presse gay mainstream

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Témoignage de Chloé, trans incarcérée à Caen, septembre 2013

Interview de Chloé dans l’émission anti-carcérale « Les murs ont des oreilles », septembre 2013 :

http://hainedeschaines.free.fr/IMG/mp3/lesmursontdesoreilles_itw-chloe.mp3

Dessin prisonnière

Le combat sans fin de Chloé, transsexuelle incarcérée (L’Envolée)

Chloé est incarcérée au centre de détention (CD) de Caen ; depuis 2004, elle se bat pour se faire reconnaître en tant que transsexuelle. Ce combat pour exister en tant que femme se situe à tous les niveaux, vis-à-vis de l’administration pénitentiaire (AP), du corps médical, des prisonniers et de la société en général. De 2004 à 2008, elle est en demande pour intégrer le protocole de soin officiel, passage obligé pour obtenir une modification chirurgicale du sexe avec l’obligation d’être suivi-e par une batterie de médecins (psychiatre, endocrinologue, urologue, etc.). Face aux refus à répétition, elle commence à prendre des hormones de manière non officielle. Puis elle obtient des prescriptions de manière aléatoire en fonction du bon vouloir des psychiatres. En 2007, elle se rend compte qu’un psychiatre lui prescrit des neuroleptiques en lui faisant croire que ce sont des hormones. C’est à cette période qu’elle commence sa vasectomie, puis l’ablation des testicules par ses propres moyens. En effet, lorsqu’elle formule des demandes afin d’être opérée, il lui est répondu de le faire elle-même. Le corps médical sera alors témoin des différentes étapes de ses tâtonnements chirurgicaux, mais refuse d’intervenir tant qu’il n’y a pas de nécroses ou de risques vitaux. De juillet 2008 à mars 2012, suit une série d’opérations qui ne font que répondre en urgence aux complications des actes qu’elle se pratique. Au cours de la dernière opération, les chirurgiens ont mal positionné son urètre, elle devra attendre septembre 2013 pour que cela soit rectifié. C’est dans ce contexte que Chloé a appelé l’émission anticarcérale « Les murs ont des oreilles » à Grenoble, avec qui elle était déjà en contact. Voici la retranscription de cet interview et des extraits de ses courriers.

 – Comment ça va ?

– Mieux maintenant que je suis opérée. Ils ont simplement réparé une erreur qu’un centre hospitalier universitaire (CHU) a fait et qu’il ne veut pas réparer. Ce n’est pas une vaginoplastie. Le CHU de Caen avait positionné l’urètre sept à dix centimètres trop haut. C’est inadmissible et puis pour aller aux toilettes c’était impossible, je t’explique même pas comment je faisais… Du coup, le CHU de Caen a reconnu qu’ils avaient fait une erreur, mais ils n’ont pas voulu faire la chirurgie réparatrice. Ils m’ont dit de me débrouiller, je me suis débrouillée, j’ai trouvé ce CHU où ils ont bien voulu gentiment me mettre un peu plus au monde. L’opération a duré cinq heures…

– Et t’es quand même soulagée ?

– Je vais mieux, beaucoup mieux. Parce qu’il a fait du mieux qu’il pouvait pour que ça soit présentable, pour que ça fasse quand même féminin. Donc c’est certain qu’à présent dans mon cœur c’est autre chose…

– Qu’est-ce que c’est dans ton cœur ?

– Je suis femme, peu importe qui le pense ou qui pense l’inverse, ce n’est pas mon problème. Dans mon cœur, je suis femme. Si on ne m’accepte pas comme ça, je ne vois pas pourquoi moi j’accepterais les gens, alors que moi je ne fais pas d’histoires. Les gens nous regardent différentes, mais c’est leur regard qui fait que l’on est différentes.

– Et ça s’est bien passé avec le personnel de l’hôpital ?

– Avec le personnel de l’hôpital, j’ai été acceptée totalement, très aimable, très gentil. J’ai été tout de suite acceptée comme une femme, tout a été merveilleux.

– Ça a dû te faire du bien…

– Ça fait du bien quand on se réveille et qu’on se met à pleurer en se disant : « c’est fini ». Parce que ça fait quand même deux ans que cette histoire traîne.

– Comment ça se passe pour les permissions ?

– Au début on m’interdisait les permissions, parce qu’ils ne voulaient surtout pas qu’une trans apparaisse dans la ville, surtout en venant d’un CD. Lors des extractions, une fois sur deux, les surveillants ne voulaient pas m’amener parce que j’étais en jupe… Puis ils ont trouvé une solution, ils m’ont dit de me démerder moi-même pour faire mes soins. Du coup, maintenant je n’ai plus de surveillants et j’ai la permission de me faire soigner.

Ils avaient proposé l’Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale de Rennes, parce que c’est un centre hospitalier qui ne s’occupe que des détenus, mais il n’en était pas question. Ils me donnent des permissions pour aller faire des expertises médicales à droite et à gauche, pourquoi j’accepterais de mettre une paire de menottes pour aller à Rennes pour faire soigner quelque chose qu’un CHU, qui est à deux kilomètres, a fait et ne veut pas réparer ? J’ai dit que je n’étais pas d’accord, alors on m’a dit de trouver un CHU. J’ai cherché, j’ai trouvé, j’ai pris un rendez-vous et j’ai demandé une permission. Ils m’ont laissé partir, normalement je devais rentrer vendredi, mais l’opération ayant été beaucoup plus longue et compliquée que prévu, j’ai dû rester quatre jours de plus.

– Et pour tes autres opérations ?

– Les autres fois, c’était avec les menottes et ils étaient tous là… Une des pires fois dont je me souvienne, on m’a posé une sonde [NDLR : dans l’urètre] sans se demander pourquoi c’était bouché, alors que je me l’étais coupé donc forcément c’était bouché. Ils m’ont posé une sonde à vif, ils l’ont enfoncée d’un grand coup alors que j’étais attachée avec les menottes. J’étais allongée par terre parce que je n’arrivais pas à tenir tellement je souffrais. Quand je leur ai demandé de sortir, ils ont refusé, ils se sont simplement tournés.

– Tu crois que tu a été aussi bien accueillie cette fois-ci à l’hôpital parce que tu étais en permission, et donc portant moins le stigmate de prisonnière ?

– Oui, c’est certain. À partir du moment où tu arrives avec ton sac à main, ton petit sac de vêtements et que tu viens te faire opérer, tu es quelqu’un du dehors, c’est pas écrit sur ton front « prison ». Ici, ils ont essayé de comprendre mon combat, ils ont lu tout ce qu’il y avait sur moi sur Internet, ils m’ont dit que c’était inadmissible la manière dont on me traite.

– Comment tu sens ton retour en prison ?

– Pour être franche, on m’a un peu cassé du sucre sur le dos il y a dix jours : ils ont écrit un article dans lequel ils ont mis mon délit. Ça fait seize ans que je n’en parle plus, donc ils ont mis ma vie en danger, parce qu’à présent au CD on connaît mon délit et je peux très facilement me manger un coup de couteau. En révélant mon délit, plus l’indifférence, ils ont appelé au lynchage de ma tête. Comme je suis pacsée avec un monsieur qui ressemble plus à une armoire à glace qu’à un nain de jardin, j’ai un peu la paix. Mais je ne sortirai pas seule ces prochains temps. Je les ai déjà eu les ennuis au CD, faut pas croire que ça va s’arrêter demain parce que je suis avec quelqu’un. Du point de vue des détenus, ça s’est calmé ; c’est du point de vue des surveillants et de la gestion de mon corps que c’est devenu un peu plus compliqué. Parce que dorénavant, je m’assume, je lève la tête et celui qui n’est pas content, c’est très simple : allô, avocat. Alors ils n’apprécient pas, mais moi je n’apprécie pas qu’ils m’embêtent. S’ils ne veulent pas que l’on parle de moi, ils n’ont qu’à pas m’embêter.

– De ce que tu nous avais dit, on avait l’impression que c’était plus simple avec les prisonniers et que c’était avec les matons qu’il y avait des problèmes.

– Tout au début, quand j’ai commencé à m’assumer, c’était avec les détenus que j’avais des problèmes, c’est vrai que ça leur fait bizarre de voir quelqu’un sortir de sa cellule en t-shirt rose et une poitrine qui commence à gonfler. Et le CD de Caen est réputé pour être en majorité des histoires de mœurs. C’est vrai qu’au début, c’est eux : les viols c’est eux, c’est pas les surveillants… Après avoir rencontré mon compagnon, les détenus n’osaient plus s’approcher. Mais les surveillants s’en sont donné à cœur joie : la tantouze, la travelo, la drag-queen, etc. Quand les détenus humilient, ils savent qu’ils risquent quelque chose, alors que les surveillants le font parce qu’ils savent qu’ils ne risquent rien. C’est la loi de l’intérieur, il n’y a pas de loi qui gère les prisons. La loi des prisons, c’est la loi des surveillants. Quand ils font une manifestation, la première chose qu’ils font, c’est qu’ils nous prennent nous, êtres humains, en otage. Ils font un peu ce qu’ils veulent dedans. Sur ma transsexualité, ils y en a qui sont très tolérants, par contre ils y en a qui n’acceptent pas du tout. Mais depuis le suicide de Nathalie, ils ont tendance à mettre le pied sur le frein.

 […]

– Avec tout ce que je me suis fait, ça peut partir en vrille directement, parce que je n’accepte plus, c’est fini. La première personne qui me dit quelque chose, peu importe qui c’est, je redresse la tête et je lui montre les dents. Je ne peux plus accepter, après tout ce que j’ai souffert, de continuer à souffrir, ça doit s’arrêter tout ça. Les transsexuel-le-s en prison, actuellement, c’est une horreur. Je connais une transsexuelle du côté de Saint-Martin-de-Ré qui a failli se suicider, d’autres à Fresnes et à Fleury qui ne vont pas bien. Et moi, j’ai gagné les pages du Journal officiel (JO)1 pour qu’enfin on puisse être reconnu-e. Ça a été discuté à l’Assemblée nationale, c’est dans le JO, c’est monsieur Delarue qui a enquêté, il n’a pas fait ça à la légère. Après le décès de Nathalie, ils se sont un peu posés la question, il ne faudrait pas qu’il y en ait une deuxième.

– Tu es en contact avec le contrôleur général des prisons sur ta situation ou sur la situation des trans en prison?

– Oui, le contrôleur général des prisons a fait les pages du JO, après avoir appris que je m’étais coupé le …, enfin bref, et que j’avais posé ça sur la table. Il était un peu affolé, il a fait une enquête à Fresnes, à Fleury.

 […]

– Dès que quelque chose ne va pas, je tape sur la table, je cherche pas à comprendre. Ils viennent de faire une note sur les transsexuel-le-s, enfin surtout pour moi… Avant j’avais le droit d’être fouillée par une femme pour le haut et par un homme pour le bas, du fait que j’ai des seins et que j’avais encore un truc entre les jambes. C’était pas tout à fait une note, c’était un accord sur papier. Mais la direction de l’AP a pondu une autre note en disant que, dorénavant, je serai fouillée par un homme, intégralement nue si nécessaire. J’ai demandé ce qu’il se passerait si je refusais, ils m’ont répondu qu’ils appelleraient cinq ou six surveillants pour me foutre à terre et à poil. Je leur ai dit qu’il ne serait pas bon de faire ça, parce que la réaction arriverait à vitesse grand V. On a tapé du poing sur la table, Delarue a demandé ce que voulait dire cette note, parce que c’est de l’atteinte à la vie privée d’autrui. Puisqu’ils disent que, comme je suis en détention homme, il faut que je sois fouillée comme un homme, et bien je vais faire comme tous les détenus. En plein été, quand tous les détenus vont bronzer torse nu dehors, moi aussi je vais me mettre torse nu, avec les garçons. Ils m’ont répondu que je n’avais pas le droit de faire ça, il faudrait quand même savoir ce qu’ils veulent ! Les avocats, l’association LGBT de Caen qui s’occupe de moi et des députés suivent l’affaire. Je ne lâche plus rien : si j’apprends qu’il y a une trans en prison qui va pas bien et qui n’obtient pas ce que moi j’ai légalement… Je ne comprends pas pourquoi il y a des demi-mesures, on souffre beaucoup trop parce qu’on est en détention homme, faut arrêter.

– Comment ça se passe pour ton traitement hormonal ?

– Depuis que je me suis coupée les …, mon corps n’a plus d’apport d’hormones et comme j’avais déjà commencé un traitement féminisant, il aurait été dangereux de donner l’inverse, donc mon traitement hormonal c’est à vie.

– Tu n’as pas de problèmes pour le suivre ?

– Ils ne me le bloquent plus. Cependant l’établissement public de santé de Fresnes a décidé de ne plus s’occuper de transsexuel-le-s en prison, c’est-à-dire que les trans qui sont à Caen n’iront jamais à Fresnes. Il faut demander son transfert soit sur Marseille, Bordeaux ou Toulouse. Il n’en est pas question, car elles ont leur famille dans le coin. L’établissement public de Fresnes n’a pas à refuser une patiente, la loi est la loi pour tout le monde, un centre hospitalier ne peut pas sélectionner le genre de patients qu’ils souhaitent soigner. Ils ont tout sur place, ils prétendent que non, mais j’y suis allée pendant six mois, donc je sais qu’ils ont tout. Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas, c’est qu’ils ne veulent pas. Actuellement tout-e-s les transsexuel-le-s en prison ne sont pas suivi-e-s. Je suis la seule hormonée. En clair, ils laissent traîner jusqu’à ce que tu sois sorti-e, comme ça tu iras te faire soigner dehors.

– On se demandait si tu allais faire un changement d’état civil.

– Mais c’est fait ! Officiellement je m’appelle Chloé sur ma carte d’identité. J’ai demandé mon changement d’identité sexuelle, j’ai été un peu déçue de la réponse : ils veulent une expertise psychiatrique. Ça fait quand même la neuvième, faut arrêter, il y en a marre des expertises psychiatriques. Je l’ai faite et il a été reconnu qu’il est vraiment souhaitable de changer mon identité sexuelle sur ma carte. Il est également reconnu que le CD, ainsi que la médecine, m’ont bien fait souffrir durant des années, et que ça n’aurait jamais dû arriver. L’ordonnance sera rendue mi-février.

– Tu penses qu’une fois que ça sera définitivement réglé, tu risques d’aller en détention pour femme ?

– Je l’ai déjà demandé, parce qu’il y a une jurisprudence de la cour européenne. Ça fait deux ans qu’ils ne répondent pas. C’est la façon de l’AP : demande-nous ce dont tu as besoin, on t’expliquera comment t’en passer. Il est certain qu’au mois de février, si la justice décide que je suis reconnue comme une femme, dans l’heure qui va suivre, je veux être transférée. Simplement, on m’a bien fait comprendre que jamais ça n’arrivera, parce qu’ils ne veulent pas de jurisprudence en France. Comme je ne suis plus très loin de la fin de peine, ils vont me foutre dehors avant2.

 […]

C’est comme le tract de la CGT3, on m’a traitée nationalement de mâle ou femelle, c’est cadeau. Eux ils ont le droit de faire ça, moi j’ai pas le droit. Il y a dix jours, j’ai été condamnée à payer cinquante euros d’amende et j’ai eu quinze jours de prison supplémentaires parce que j’ai dit « connard ». Mais ce tract de la CGT, ou le premier surveillant qui refuse d’exécuter un ordre de mission parce que je suis en jupe, ça c’est normal. Et nous, quand on dit quelque chose, on se retrouve au quartier disciplinaire. Le tribunal a fait le jugement en terme féminin, j’étais considérée comme une femme de A à Z, et ils ont considéré que le CD s’était bien moqué de moi. Je ne suis pas allée au jugement, le juge avait pourtant dit qu’il fallait m’autoriser à venir en jupe et ça m’a encore été refusé. Donc il [le maton] a gagné seulement cinquante euros et je n’ai gagné que quinze jours. Maintenant ça me fait un peu rire cette histoire ; les détenus du CD, à chaque fois qu’ils me croisent, ils me disent qu’ils vont quand même faire une quête pour lui donner ses cinquante euros… J’avais déjà payé cette dette-là, j’ai quand même fait quatre jours de mitard dans des conditions… je crois que le chenil pour les chiens est plus beau. On ne m’a pas donné mes lunettes, on ne m’a pas donné mon traitement [hormonal], on m’a donné des Efferalgan effervescents mais on ne m’a pas donné de verre d’eau, on ne m’a donné qu’une seule couverture en papier, le mur était plein de moisi…

 […]

Le coup de Nathalie a été le coup de trop, ça peut pas continuer. Je l’ai connue. Elle est arrivée après moi, elle a essayé de se battre, on s’est moqué d’elle. Actuellement je suis la seule personne à être allée sur sa tombe. Elle est enterrée au carré des indigents. Elle n’avait qu’un seul ami, son compagnon, qui était à l’enterrement. Il y avait aussi deux personnes de l’AP pour faire acte de présence, mais à trente mètres de la tombe, histoire de ne pas être sur les photos. Sa famille l’a complètement abandonnée, personne ne s’occupe de la tombe… Quand elle est arrivée, elle est venue me voir ; je lui ai dit qu’il y avait deux manières de se battre, soit en silence, comme pendant la guerre, soit tu te bats en hurlant et tu vas te manger tous les coups. Je lui ai dit de le faire progressivement, c’est-à-dire un peu tous les jours : ce qui est fait est acquis. Au début ça a marché, puis elle a un peu cafouillé, elle était sur une voie de garage. Elle m’a demandé ce qu’elle pouvait faire, je lui ai donné une lettre type à adresser à deux-trois adresses que je connaissais. Sa motivation s’est redéveloppée, mais tout est parti en vrille. L’administration s’en est mêlée, les détenus ont commencé à la taquiner, ils ont commencé à ne plus arrêter de la fouiller à poil pour vérifier, à dire « monsieur », pleins de choses comme ça. Elle s’est retrouvée en quartier différentiel, qui est un quartier d’isolement. Elle était juste en face de chez moi, deux étages en dessous, du coup on voit ce qui se passe, on ne peut rien louper. Un soir, elle a mis une corde, elle s’est accrochée. Elle a sonné avant de s’accrocher dans l’espoir que l’on vienne à son secours, mais on n’est pas venu à son secours ou trop tard, voilà… C’était une petite bonne femme, elle faisait un mètre soixante-cinq, elle se promenait toujours avec son sac à main, jusqu’au jour où on a commencé à lui faire des histoires, et là tout s’est enchaîné…

 […]

 Pour les personnes comme moi, il ne faut jamais baisser la tête, parce que si on baisse une seule fois la tête, on est fini : on a les détenus comme les surveillants sur le dos. C’est très clair, à partir du moment où l’on fait un pas en arrière, c’est fini, on n’est plus crédible, on est faible, on est fragile. C’est seulement quand on redresse la tête et que l’on se dit : « allez, je m’assume », que c’est le bonheur. C’est le pied, le pied total. On rentre le soir dans sa cellule en se disant : « mais qu’est-ce que j’ai fait ? Je suis complètement pas bien dans ma tête ? » Mais alors quel bonheur quand tu t’endors et que t’y repenses, tu t’endors avec un sourire. Faut jamais baisser les bras.

Extraits de courriers de Chloé

 23 avril 2012 :

[…] Sur l’administration pénitentiaire, ils ne font que ce qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent. Ce n’est que quand les gens osent réellement taper sur la table que cela bouge, mais dans une courte limite. La prison est une zone de non-droit, où les règlements se font et se défont comme ils le souhaitent. La tolérance, le respect de l’être humain, n’est nullement une chose qui rentre dans leur priorité. La première vision de la détention et de l’administration, ici comme ailleurs, c’est que vous faites votre peine et payez, par quelques moyens que ce soit, les parties civiles. Après on verra s’il reste du temps pour que le SPIP s’occupe de vous, ou mieux occupez-vous de vous-même. Leur blabla qui concerne le SPIP et les réinsertions sont des blagues pour tromper le public. Même si certains y ont droit et se réinsère grâce à ces services, le pourcentage est minime par rapport à ceux qui n’ont jamais été aidés et y sont arrivés par eux-mêmes. […]

23 juillet 2012 :

[…] Tout le monde, médecine, comme administration, comme ami-e, se demande comment j’ai pu ne pas mourir après tout ce que je me suis faite. Même moi par moment, je me demandais si j’avais assez de sang pour vivre, comment j’ai pu ne pas être infectée, faire une septicémie, une hémorragie, une crise cardiaque. Comment j’ai pu faire pour ne pas me pendre quand ils me retiraient les hormones, puis me les rendaient, puis me les retiraient4. Comment j’ai fait pour ne jamais crier au secours. Comment j’ai pu apporter comme cela une testicule dans leur bureau sans crier ma souffrance. Je ne sais pas pourquoi, pourtant il aurait été plus simple pour moi d’éteindre cette lumière, avoir ce repos bien mérité, ne plus souffrir, ne plus avoir peur que l’on me retire mes hormones, ne plus avoir peur de me faire agresser, ne plus me demander ce que je dois faire demain pour survivre, quel combat je devrais encore mener. Moi, à ce jour, je ne cesse de revoir le soir, quand je me couche, les images où je me retirais les testicules, les images de toutes les souffrances, les images de tout ce sang versé. Cela fait partie dorénavant de mon marchand de sable, cela passe en boucle sans que je puisse arrêter ce film d’horreur. Mais s’il fallait refaire ce combat, oui je le referais, pour moi, pour mes sœurs qui souffrent en prison, pour qu’elles n’en viennent pas à se faire ce que moi je me suis faite pour être reconnue. Oui, je referais ce combat, mais avec plus de rage. […]

1Journal officiel du 25 juillet 2010 concernant l’avis du 30 juin 2010 relatif à la prise en charge des personnes transsexuelles incarcérées.

2Chloé est conditionnable depuis 2007.

3Le 9 décembre 2010, la CGT pénitentiaire de Caen publie un tract Bienvenue à Caen…llywood ! dans lequel il est écrit : « […] un autre détenu dont on ne sait s’il est mâle ou femelle et qui nous enquiquine (pour ne pas dire autre chose) et accessoirement nous fait passer pour des cons en extractions… [NDLR : parce que Chloé s’habille en femme] ».

4NDLR : les hormones sont des régulateurs de l’humeur, le changement brutal du taux d’hormones présent dans le corps provoque de graves dépressions et des états suicidaires.

L’Envolée

Les Murs ont des oreilles

Haine des Chaînes

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